Une des oeuvres clés du mouvement des minimalistes (encore dénommés « répétitifs » quelques fois) est sans nul doute ce « Nixon in China », opéra créé en 1987 sur un livret d’Alice Goodman, relatant le déplacement de l’ancien président américain sur le territoire chinois et sa rencontre avec Mao. L’œuvre est caractérisée par un sens rythmique prodigieux, caractère commun à tous les minimalistes. De prime abord, l’écoute d’une telle musique peut sembler déconcertante pour la plupart des individus, même si l’œuvre demeure dans le genre tonal, ces successions d’accords en mouvement perpétuel peuvent paraître rébarbatif par l’ennui sous-jacent qui pourrait en résulter. Le génie d’Adams réside dans le fait qu’il n’en est justement rien, la riche orchestration (Adams fait appel, entre autre, à un synthétiseur), l’utilisation faîte des instruments et la fantastique précision métronomique qu’il développe dans ses variations permet d’éviter toute lassitude. La réussite de l’œuvre réside aussi dans la faculté du compositeur à intégrer le texte à la musique, et inversement.
Nixon in China est, à mon goût, une œuvre extrêmement riche en enseignement, et une réussite totale. Souvent décriée par d’autres compositeurs modernes (Boulez, Stockhausen, parmi d’autres) la qualifiant de « CNN opera », elle n’en demeure pas moins que son succès prouve que la musique tonale a encore de beaux jours devant elle.
Pouvoir établir une critique objective sur un genre de musique que l’on qualifiait il y a encore peu comme musique expérimentale, est un véritable défi. Il est nécessaire de faire la part des choses entre l’attrait propre de l’œuvre et la qualité réelle de son interprétation. Tous les solistes du présent enregistrement sont des habitués des plateaux modernes, le trio de solistes masculins est d’ailleurs un des plus fervent défenseur adamsien à ce jour, sa prestation est parfaite, on ne reprochera que le timbre un peu engorgé de la basse, détail mineur.
L’orchestre de St Luke, sous la baguette d’un chef inspiré, sonne parfaitement dans toutes les acrobaties que le compositeur exige de lui, et avec une précision impérative des plus méritoires. Les interprètes féminines ont les aigus un peu fêlés, ce qui gâche le plaisir que l’ont aurait pu retirer de leurs passages solistes. Le choeur est d’une remarquable cohésion, même s’il ne donne pas toujours le change à une masse sonore généralement impressionnante. Les mezzos en revanche ne semblent pas très bien en voix dans leurs interventions solos.
L’œuvre, pour qui n’a pas peur de s’ouvrir l’esprit à des choses un peu « bizarres », révèle milles et une beautés à chacune des auditions que l’on en réalise. Laissez vous porter par la vague déferlante de sonorités qui déferle sur vous, vous ne reviendrez pas de ce voyage sans changement.
Note : 16/20 Enregistrement : B
Second opéra de Adams, The Death of Klinghoffer se rapproche plus du genre de la passion cantate que Bach a développé deux siècle plus tôt que d’un opéra vériste, les parallélismes sont frappant, aussi dans l’agencement que dans son développement. Adams a voulut trancher avec l’apparente légèreté de son précédent opéra. Le résultat est plus mitigé que pour Nixon in China, même si le présent ouvrage est d’une qualité tout aussi égale que son prédécesseur, son approche n’est pas aussi aisée. Le sujet est beaucoup grave il est vrai que celui de Nixon : il s’agit ici de la prise d’otages survenue à bord de l’Achille Lauro par des terroristes palestiniens, et de l’assassinat de Léon Klinghoffer, un infirme, par les dits terroristes.
Le ton est donc nettement tourné vers l’intériorisation des personnages, la musique s’en ressent nettement. Si le talent d’Adams n’est pas remit en question, les choeurs sont particulièrement poignant dans leurs diverses interventions, la musique perd à quelques reprises les qualités essentielles qui avaient fait le succès de Nixon : le répétitif laisse place à un lyrisme britténien assez prononcé, peut-être trop prononcé : Adams n’est pas Britten. Adams n’est jamais mieux à son aise que lorsqu’il revient sur des chemins qu’il connaît fort bien : les passages purement minimalistes, à l’orchestration d’une richesse incroyable (dont une multiplication de l’usage des claviers électroniques, parfois à l’excès mais avec quel art et quelle réussite : air de la jeune Anglaise). Sans doute pas le meilleur d’Adams, mais quelques fort beaux passages.
La même équipe, ou presque, que pour Nixon, la même réussite, si ce n’est en soit un petit plus : un choeur ébouriffant de précision. La direction de Nagano est précise et vivifiante là où il le faut, attendrie, ou terrifiante aux endroits propice, peut être un petit trop contemplative de temps à autre, mais l’œuvre l’y encourage. L’orchestre met en valeur toute sa richesse, et sa présence sonore est exemplaire, notamment dans les parties nécessitant des claviers électroniques.
Parmi les chanteurs, tous excellents, émettons une petite réserve sur Mme Felty, aux aigus pas toujours bien positionnés. L’intervention de Sanford Sylvan dans sa « gymnopédie » est extrêmement poignante, et constitue sans doute le point culminant de l’ouvrage.
Un œuvre remarquable, dans une interprétation quasi-idéale.
Note : 17/20 Enregistrement : A
Attention : danger ! Ceci n’est pas une œuvre minimaliste ! Adams depuis le succès de « The Death of Klinghoffer » a plus ou moins changé son fusil d’épaule, en soit il parle lui même « d’une époque post-minimaliste ... une œuvre quintessenciée fin du siècle, plus rétrospective et réfléchie que provocatrice et expérimentale ». Son concerto pour violon dans l’ensemble suit la réforme déjà engagée dans l’opéra sus cité, prenant une forme beaucoup plus libre, s’éloignant légèrement du tonal, tombant çà et là dans une forme d’atonalisme assez caractérisée (1° mouvement en particulier) où le violon tient la partie de l’élément atonal. Adams revient à ses premières amours dans le 3° mouvement, avec pourtant quelques concessions notables. L’œuvre, pour ceux qui connaissent les travaux minimalistes du compositeur, semblera assez « spéciale », et ne les tentera guère à une seconde écoute, sauf le dit 3° mouvement. A bon auditeur ...
Quelle belle affiche, le spécialiste de la musique de notre temps à la baguette, et le compositeur moderne G. Kremer au violon. Passons sur la nature de l’œuvre, elle surprend les habitués du compositeur, en dehors du dernier mouvement, et ne les incitera guère à revenir sur leur pas. L’interprétation n’en demeure pas moins remarquable. L’art du chef dans ce genre de composition est déjà depuis longtemps reconnu, ici on ne regrettera que certaines aigreurs de l’orchestre, mais là, la faute en revient peut être au compositeur pas au chef. Gidon Kremer manie l’archet comme nul autre, mais là aussi on a du mal à différencier les glissandos un peu strident du violon dus au joueur ou dus au compositeur ! Moralité : la tâche est rude pour critiquer cela !
En supposant que tous les griefs sont à mettre sur le dos d’Adams, l’interprétation est impeccable, sinon ...
Note : 13/20 Enregistrement : A
Un des fondements qui lança Adams dans l’épopée du minimalisme. Cette œuvre, originellement composée pour un septuor à cordes, fut remanié en 1983 pour un grand orchestre à cordes, accentuant l’impression de grandeur de la musique. Shaker Loops est sans doute le prototype de la musique minimaliste par ses accords incessants, constamment évolutifs. Une des oeuvres orchestrales les plus enthousiasmantes du compositeur.
Le compositeur dirigeant son œuvre, ou, pour une fois, la perfection à l’œuvre. Car il s’agit bien là d’une quasi perfection. L’orchestre est magnifique, une petite rudesse des cordes, mais infime, et un chef reproduisant stricte sensu la musique qu’il a imaginé dans son esprit.
Aucune réserve sur une telle petite merveille, si ce n’est l’espoir d’un de plus de nervosité de ci, de là.
Note : 19/20 Enregistrement : A
Adams a donné comme sous titre à cette charmante petite œuvre : Foxtrot for Orchestra. Il s’agit bien là d’une grande danse, endiablée, et sautillante à souhait. L’orchestration est somptueusement développée, et l’on sort de l’écoute ragaillardi.
On doit déjà à ce chef une superbe interprétation du premier opéra d’Adams : Nixon in China. La réussite est à nouveau de mise. L’orchestre de San Francisco bondit à souhait, et répond au moindre mouvement de baguette du chef. La sonorité est souple et tendre, rien ne vient agresser l’oreille, ajouté à cela un luxe de détails sonores (écoutez le piano) et vous aurez compris que l’on a là une référence.
Note : 18/20 Enregistrement : A
Cette musique est faite de délicatesse et de plénitude, l’utilisation d’une bande son (le sermon d’un pasteur) est particulièrement bien venue. L’ensemble fait penser à l’Appalachian Spring de Aaron Copland.
Les mêmes remarques que concernant le Foxtrot The Chairman Dances peuvent s’appliquer ici, avec quand même une certaine réserve quant à la qualité des cordes, vivement sollicitées ici, que l’on aurait préférées plus tendres, et légèrement moins sirupeuses. Sinon, aucune réserve, la voix du pasteur s’harmonisant à ravir avec la pâte sonore de l’ensemble.
Note : 17/20 Enregistrement : A
7) Two Fanfares For Orchestra : Tromba Lontana & Short ride in a fast Machine
Quand on dit fanfare, on pense tout de suite au big bang des universités américaines, et l’on se ferme immédiatement. Pourtant il existe de fort belles fanfares, passons celles composées par Sousa qui ont la seule qualité d’être « jolies » ; mais pensons plutôt à la « Fanfare for a Common Man » de A. Copland. Ici, nous avons deux types de fanfares, aussi différentes que possibles, et n’ayant en fait qu’un rapport assez lointain avec les fanfares habituelles : i.e. L’utilisation de cuivres à outrance. Dans la première, c’est un climat éthéré qui nous enveloppe et l’on se laisse bercer par le dialogue délicat entamé par les deux trompettes, qu’un orchestre restreint accompagne. Dans la seconde, si l’on revient au format plus habituel de la fanfare, le côté grandiloquent et exubérant, avec son renfort de percussions, la fanfare sonne plutôt comme une vaste introduction ou encore un poème symphonique miniature, tant l’agencement de la musique est particulier. Deux « Fanfares » qui nous font voir les fanfares d’un autre œil.
L’orchestre recouvre ici une aisance et une sonorité tout à fait adéquates au répertoire. Les trompettes ont d’ailleurs une douceur assez surprenante pour des instruments modernes (douceur que l’on trouve plus facilement chez les instruments anciens), et les percussionnistes s’en donnent à cœur joie dans la seconde fanfare, qui leur réserve la part belle.
Note : 17/20 Enregistrement : A
8) Common Tones in Simple Time
L’œuvre se rapproche assez nettement du Shaker Loops du compositeur, l’ensemble est d’un minimalisme assez poussé, aux évolutions rapides, extrêmement agréable, les cordes « sous toutes leurs formes » donnant à l’ensemble un aspect « planant » des plus appréciables.
Une nouvelle fois, le chef nous donne une belle leçon de direction d’un répertoire que l’on ne saurait qualifier de facile. L’orchestre est à son mieux dans ses belles pages, et la rigueur déployée dans les passages les plus complexes compensent l’impression générale de flottement que l’œuvre peut suggérer.
Note : 17/20 Enregistrement : A
Avec un nom comme cela il ne faut pas s’étonner si l’œuvre est en soit un peu « étrange », en fait il s’agit d’une sorte de « danse » où Adams mélange avec «délicatesse » des éléments minimalistes à des choses plus classiques voir même post moderne, l’ouvrage est rythmé au possible et semble nous sauter aux oreilles à chaque instant, un court mais succulent plaisir.
Le chef américain reprend la baguette pour diriger ce qui semble être son compositeur moderne préféré. On se souvient de l’excellent « The Death of Klinghoffer » qu’il nous avait offert, et de sa récente « El nino » que l’on espère bientôt dans nos discothèques. Cela vole, cela virevolte, et l’on s’en réjouit.
L’orchestre du Hallé est de fort belle tenue dans ces pages qui sont loin d’avoir la simplicité qu’une première écoute peut conférer, et la précision dynamique que le chef réussit à dégager de l’ensemble est un pur bonheur.
On l’aura comprit, une nouvelle fois, faisons confiance à Nagano, et laissons nous enivrer.
Note : 17/20 Enregistrement : A 14/01/2001
C’est doux, tendre, voluptueux comme une brise de printemps, mais aussi tumultueux, ravageur, telles les giboulées de Mars. Il y a tout dans cette musique, dans ce chant passionné de deux pianos qu’un orchestre déchaîné accompagne. Du grand Adams.
Adams dans ses oeuvres, fait rare, à souligner. On connaissait son « Shaker loops » un peu anesthésié, adoucit entre ses mains, comparée à la version du LCO avec Warren-Green ; ici la baguette est leste, douce et ferme à la fois.
Le London Sinfonietta suit le chef dans le moindre détail, et fait montre de toute la puissance et toute la délicatesse que ces pages requièrent ; et les couleurs de l’orchestre s’accordent à ravir avec le cisaillement incessant des deux pianos, délice absolu, omniprésents, mais aussi si discrets.
Le seul véritable regret provient du choeur féminin, pas vraiment à l’unisson, pour de pas dire totalement excentré de l’ouvrage, une tristesse sans quoi le bonheur aurait été total. Une ombre passe dans un ciel sans nuage.
Note : 16/20 Enregistrement : A 22/01/2001
Il s'agit là du premier concerto pour piano de John Adams, œuvre à rapprocher par certains égards à son concerto pour violon, même si ici la dominante minimaliste est beaucoup plus présente (chose qui ne l'était guère dans l'autre œuvre). Adams semble jouer avec une multitude de mélodies qui se jouxtent ou se superposent, et où le piano, non pas un " soliste " en soi, mais bien un " instrumentiste " parmi l'orchestre, " tricote " de droite et de gauche. L'œuvre surprend lors de sa première écoute, et l'on n'est vraiment convaincu qu'après un certain moment, ce n'est pas un Adams " facile ", loin s'en faut.
On savait que Nagano était un grand défenseur de la musique du compositeur américain, on savait aussi qu'en dehors de l'entourage proche d'Adams (Edo de Waart entre autre) seul Simon Rattle s'était tenté au jeu de diriger une telle musique, comme si la musique " minimaliste " ou " post " minimale effrayait les divers chefs (on retrouve ce même phénomène chez Glass par exemple) ; on ne peut donc que saluer l'entreprise de Van Dohnanyi.
Sa baguette est plutôt leste et ne manque pas de rythme, même si une dose supplémentaire de punch aurait été bienvenue de ci de là, et l'on sent qu'il dirige avec ferveur soliste et orchestre. Un orchestre aux sonorités chatoyantes et " caméléonesques ", autant enclin à la douceur (comme le second mouvement) qu'à la témérité (les deux autres).
Le doigté du pianiste est des plus agréables, et l'on ressent son affinité avec la musique d'Adams dès le commencement. Tout semble donc réunit ici pour obtenir une fort belle gravure, l'on regrettera néanmoins le sentiment d'uniformité qui en ressort : les passages vifs sont entraînant mais pas torrentiels, et l'intermède tout de douceur n'est qu'un calme précaire où le vent continue de souffler avec force, plus de contraste n'aurait pas pu faire de mal ; mais ce que l'on a est déjà fort bien, je vous l'assure.
Note : 17/20 Enregistrement :A 17/02/2001
1) Rosa
L’ouvrage a pour principal intérêt d’être basé sur un livret de Peter Greenaway, le célèbre cinéaste, dont les films possèdent toujours un caractère quelque peu singulier qui les rend délectables: citons « Meurtre dans un jardin anglais », « Prospero’s Book » ou encore « The Pillow Book ». On connaissait la grande collaboration entre Greenaway et le compositeur minimaliste anglais Michael Nyman. On s’étonnera donc que le cinéaste ne l’est pas choisi pour mettre en musique, non pas pour une fois un de ses films, mais son livret d’opéra.
Greenaway a choisit un autre compositeur « minimalisant », malheureusement moins heureux que Nyman. La musique d’Andriessen est d’un minimalisme poussé presque à l’extrême, un jeune Glass en somme, mais fait usage de sonorités quelques peu étranges et singulières, d’un agencement pas toujours des plus agréables. Pour être franc, la première moitié de l’œuvre n’est guère intéressante et il faut attendre la seconde moitié pour voir poindre un semblant de mélodie tentante, et seul The Index Singer qui clôt l’œuvre se laisse facilement aborder. Une œuvre au demeurant fort hermétique, un peu comme les films de Greeneway me direz-vous ?
L’œuvre est singulière, convenons-en, convenons donc que son interprétation se doit de l’être également. Si le choeur et l’orchestre sont d’une facture honnête, et d’un niveau correct, avec des couleurs encourageantes, si la direction de Leeuw se veut être au contact de la musique du compositeur (aussi particulière puisse elle être) le bas blesse nettement du côté des solistes, loin d’être à la hauteur.
La partition vocale demande quelques acrobaties qu’aucun n’est réellement capable de réaliser. Les sopranos ont la voix plutôt terne et l’aigu soit peu aisé, soit incertain ; les barytons barytonnent ou pire « faussettent » de leurs voix fluettes. En fait, la seule qui donne un peu le change est Phyllis Blanford dans sa maigre partie de The Index Singer (6’ sur plus de deux heures), qui possède un sens certain du spectacle, et dont le souffle et le phrasé sont à retenir.
On peut allègrement passer son chemin, tout en pointant quand même le bout du nez, rien que pour ses six dernières minutes qui valent le détour, et quelques passages instrumentaux d’une grande beauté.
Note : 13/20 Enregistrement : A
1) Jackie O
On a qualifié cet ouvrage de CNN opéra ... Certes, le sujet est frappant, et on ne peut plus contemporain, on y croise d’ailleurs quelques personnages fort médiatiques : JFK, Onassis, Liz Taylor, Grace Kelly, Warhol et même la Callas (en mezzo !) Cela doit-il pour autant dévaluer une œuvre : certainement pas. La musique se rapproche beaucoup de ce que l’on peut entendre en jazz et en pop, mais certaines mélodies font tout à fait penser aux musicals de Bernstein et de Gershwin, et c’est tout à fait dans cette lignée que se trouve ce Jackie O, drame en soit, profondément humain, mais terriblement irrésistible dans la cocasserie de certaines de ses scènes.
Il s’agit de l’enregistrement de la création mondiale de l’opéra, et l’on ne peut que saluer le travail réalisé par l’ensemble de l’équipe. La direction de Larkin possède à la fois le punch et la dose de lyrisme nécessaires pour ne pas faire sombrer l’ouvrage dans un méandre de commodités. Son orchestra, très jazzy, possède de fort belles couleurs, même si il pousse de temps en temps de telle manière que les chanteurs s’en trouvent facilement couverts.
Des chanteurs pour l’ensemble très au courant de la tâche qui leur incombe, et de talents relativement égaux. Détachons en particulier l’émouvante Jackie de Nicole Heaston, aussi à l’aise dans ce répertoire que dans celui baroque où on a déjà pu l’entendre (Armide de Glück avec Minkowski entre autre), et le splendide Onassis de Owens, a la basse généreuse et ample à souhait. Si les autres protagonistes féminines sont de qualités égales, les hommes sont un peu en retrait. Le choeur est particulièrement dynamique, et ses interventions sont les bienvenus.
C’est de la musique « facile » mais fichtrement compliqué à mettre en place, pour justement ne pas sombrer dans un ridicule inextinguible. Ces américains ci y réussissent parfaitement, même si on aurait put espérer d’autres pointures pour cette musique qui cache beaucoup plus de chose que des mélodies « faciles ».
Note : 16/20 Enregistrement : A
1) Dracula
Il s’agit de la musique pour un ballet monté par le Northen Ballet Theatre de Manchester. L’œuvre n’est pas sans rappeler diverses musiques hollywoodiennes, surtout par ses côtés spectaculaires et aussi angoissants, mais elle possède également de belles idées originales, comme ce battement incessant qui ponctue de nombreux passages, le battement d’un cœur, ou encore la scène de la crypte, particulièrement réussit avec l’intervention d’un choeur. aux accents menaçants. L’ouvrage en lui même est donc des plus intéressants et dépasse le cadre du seul parcours Technicolor auquel on aurait put s’attendre. De là à trouver ensuite une chorégraphie pour une telle fresque sonore, bonne chance ...
Il n’était que normal que ce soit les créateurs de l’ouvrage qui en assurent aussi l’enregistrement (montrant par là même aussi l’engagement de Naxos dans la recherche du répertoire de notre siècle). Il faut concéder que l’orchestre n’est pas le plus magnifique d’Angleterre, mais ces sonorités sont néanmoins particulièrement agréable, et la totale maîtrise de ces pages hautes en couleurs fait montre de tout le travail accomplit par ces professionnels émérites.
La direction de Pryce-Jones est à la fois vive, précise, mais aussi tendre et fugace, reflétant parfaitement l’atmosphère mystique et surnaturelle voulut par le sujet, et le compositeur par là même.
Certes l’on aurait préféré un grand orchestre symphonique, doté d’une solide réputation, un chef expérimenté de ce genre de grand spectacle, mais l’on doit admettre que des fois, quelques inconnus parfaitement au fait de leur travail sont à même de faire aussi bien, si ce n’est même mieux, que les plus célèbres de leurs compatriotes, peut être plus enclin à la va vite.
Un fort bel enregistrement d’un ouvrage qui gagne à être connu au plus vite.
Note : 16/20 Enregistrement : A
1) Veni, Veni, Emmanuel
J’ai découvert ce compositeur anglais un peu par hasard, un soir il y a peu de temps, lors d’un concert à la Halle aux grains de Toulouse. L’on y donnait son concerto pour percussions « Veni, Veni Emmanuel », l’œuvre ne m’a guère en fait enchanté ce soir là, et m’a même quelque peu rebuté, s’il n’y avait eu l’extraordinaire prestation du jeune percussionniste écossais Collin Currie (né en 1976) j’aurais encore eut une plus mauvaise impression. Mais ne me laissant pas arrêter par une première impression négative, je décidais donc de me procurer le seul enregistrement disponible alors.
Et voilà, en fait, c’était l’orchestre du Capitole qui m’avait nettement déçu, peu habitué à ce répertoire, et une direction correcte, mais pas assez rythmique, de la part de Marin Alsop, chef de la soirée. Un ami avec qui j’étais, moins mélomane que moi mais rompu à d’autres styles de musiques (jazz, rock, etc.) trouva même l’ensemble des plus dissonants, et assez peu agréable au demeurant. Certes, ce n’est pas de la musique facile, il faut « rentrer » dedans comme on dit, et surtout il faut une précision rythmique et une dynamique parfaite de la part de l’orchestre, du chef et du soliste. Si en cette soirée, fort agréable par ailleurs, seul le troisième semblait être en accord avec cela, il en va tout autrement pour cet enregistrement.
Takuo Yuasa est un habitué de la musique de notre temps, son enregistrement du Piano concerto de Nyman le prouve, et il en est de même pour son orchestre. Les palettes sonores développées par l’orchestre d’Ulster sont simplement prodigieuses, aucune faiblesse remarquable, cuivres parfait aussi bien en précision qu’en beau son, cordes sirupeuses ou vengeresses, bois délicats. La direction de Yuasa est rythmique à souhait (habitué des minimalistes ?) et même si cette musique est loin de tous les courants « classiques », elle les englobe tous plus ou moins à la fois, mélangeant un brin de polytonalisme avec un zeste de minimalisme, un saupoudrage de sériel et une pincée d’un je-ne-sais-quoi qui rend l’ensemble suavement étrange. Cela virevolte, cela danse, sautille, un peu dans tous les sens, et le chef contribue à donner cette impression de marasme parfaitement organisé. L’orchestre suit, Dieu merci, car le soliste est loin devant, ou au dessus, comme on veut ...
Collin Currie suit les traces de la grande Evelyn Glennie (créatrice de l’ouvrage en 1992 au Royal Albert Hall sous la direction de Saraste) maîtrisant avec perfection la technique des quatre baguettes. La richesse des timbres employés par les percussions nous fait découvrir avec plaisir que celles-ci ne se limitent pas aux seules timbales, ou autres cymbales. La liste des instruments est bien trop longue pour être citée ici, mais Collin Currie les maîtrise tous à la perfection, une belle découverte.
L’on peut aimer, l’on peut détester, mais je pense que cette musique ne laisse personne indifférent, tant les climats qu’elle recèle sont variés, et le propos diversifié.
Note : 17/20 Enregistrement : A
Tout d’abord connu comme éminent musicologue de la période moderne, auteur entre autre d’une étude « Musique expérimentale : John Cage et au-delà » (1974), M. Nyman s’est ensuite tourné vers cet au-delà afin d’y prendre une part active. Un des premiers utilisateurs du terme « minimalisme », Nyman est aussi une des composantes non négligeables de ce mouvement, aux côtés de Glass et Adams. Surtout connu pour ses contributions à la musique de film (P. Greenaway, Jane Campion), Nyman est aussi l’auteur d’une multitude de pièces de concert, ou destinées à des événements sporadiques (défilé de haute couture par exemple). L’œuvre de Nyman compte aussi un opéra de chambre : « The man who mistook his wife for a hat » en retrait de ses compositions minimalistes, plus tourné vers l’expérimentation pure.
Adapté de la musique du film de Jane Campion : « The Piano » (La Leçon de piano), en un vaste concerto pour piano et orchestre, l’œuvre de Nyman a gagné en qualité et en puissance évocatrice. La partie pour piano, qui reprend les thèmes utilisés dans le film, est particulièrement singulière et remarquable de prestance, elle exige de l’interprète un sens du dynamique développé. L’ouvrage dans son ensemble se rapproche d’un concerto de forme classique par son écoute, même si la musique n’est plus classique du tout, et porte la griffe si particulière de Nyman.
John Lencham fait des prodiges avec son piano, interprétant avec une prestance et une aisance inégalées les passages les plus ardus de l’ouvrage. L’accompagnement de l’orchestre irlandais est tout à fait honorable, on saluera en particulier la netteté des cuivres dans leurs diverses et nombreuses interventions. La direction de Takuo Yuasa se montre parfaitement en adéquation avec l’ouvrage, peut être au dynamisme un peu mou en comparaison du pianiste qui exalte chaque page de la partition avec un naturel déconcertant. On regrettera seulement la prise de son qui ne met pas assez en valeur l’orchestre, privilégiant le soliste.
Une interprétation de qualité pour une œuvre de qualité, en dépit de quelques faiblesses de part et d’autre.
Note : 16/20 Enregistrement : C
Le reproche premier que l’on pourra faire à cette version est sans doute la présence du compositeur à la tête de l’orchestre, et non pas au piano ... L’ensemble pêche par un luxe du détail sonore qui en devient crispant, car celui ci se fait au détriment de l’engagement véritable des interprètes ; Nyman préférant visiblement s’arrêter sur le détail instrumental plutôt que sur la vigueur à insuffler à son œuvre.
Si l’orchestre est d’une lisibilité parfaite, d’une sonorité grandiose, et d’une luxuriance démesurée (écoutez les saxophones...), si la pianiste est de très bonne tenue, le tout manque singulièrement de dynamisme, et l’on se prends à regarder par la fenêtre se demandant si l’on ne serait pas mieux dehors. Le punch, l’énergie que l’on trouvait chez les Irlandais semble s’être évaporée en traversant la frontière, ce qui est vraiment regrettable, vu la palette sonore de l’orchestre et la prise de son qui est magnifique.
Ces richesses étalées comme dans les vitrines des bijoutiers semblent aussi futiles qu’un miroir aux alouettes, vraiment dommage.
Note : 13/20 Enregistrement : A
Ce petit poème symphonique composé pour saxophone et orchestre est de la même saveur que « The piano concerto », la partie de saxo obligé est redoutable, et le résultat est diablement efficace. La précision rythmique et le mouvement incessant des arpèges continuellement répétés rend la musique particulièrement électrisante.
L’interprétation qui nous est livrée ici est en tous points exemplaire de qualité. Les rythmes sont d’une exacte justesse, et la virtuosité de Haram est sans faille. L’esprit de l’ouvrage est rendu dans sa plus grande précision. On ne pourra que regretter une nouvelle fois la médiocrité de la prise de son.
Note : 17/20 Enregistrement : C
3) MGV : Musique à Grande Vitesse
L’œuvre était commissionnée par le festival de Lille pour l’inauguration le 29 sept. 1993 de la ligne TGV Nord. L’entrain tout particulier qui règne dans ses pages d’une belle facture ne dément en rien le titre de l’ouvrage. Toujours à la lisière entre le minimalisme et quelque chose de plus classique ( à l’instar de John Adams) Nyman réussit à nous toucher par des mélodies d’une simplicité inouïe, qui restent cependant gravée dans nos mémoires.
Les éléments du Michael Nyman Band sont « routiniers » de l’interprétation des oeuvres de leur chef, et cette routine joue à merveille son rôle dans ce cas précis. Nyman lui même ne voulait pas voir en cette œuvre une sorte de concerto où le Band dialoguerait avec l’orchestre. Pourtant c’est bien de cette impression que l’ensemble rend compte, même si le dialogue est nettement plus évolué que celui que l’on peut trouver dans des concertos plus classiques. Chaque élément du Band semble être engagé dans un mini-concerto avec l’orchestre.
Orchestre qui ne démérite en rien au côté du Band, bien au contraire, on appréciera entre autre la qualité des cuivres, nettement mis à contribution. La direction de Nyman (au piano ...) est d’une remarquable qualité, donnant à ses pages un certain caractère épique, non dénué de sensibilité. Un vrai grand moment de musique.
Note : 17/20 Enregistrement : A
4) The Draughtsman’s Contract (Meurtre dans un jardin anglais)
Il y a comme cela des collaborations immuables, Spielberg a son Williams, Peter Greenaway a Michael Nyman. La musique pour le film à l’atmosphère étrange « The Draughtsman’s Contract » fait partie des meilleures pages de son auteur, et contient sans nul doute la plus connue de toute : « Chasing Sheep is best left to sheperds » aux accents si dansants.
Les faiblesses du Band ne sont jamais mieux mises en relief que lorsque celui-ci et livré presque à lui-même, sans l’effet dopant d’une masse orchestrale l’accompagnant, et par là même le domestiquant. A ajouter à cela une prise de son qui ne gomme aucune des erreurs des instrumentistes, et l’on obtient quelque chose de malheureusement fort approximatif !
Quelle frustration, lorsque l’on sent poindre toute la qualité d’une musique d’une indéniable beauté aux travers d’avancées fort hardies de la part des musiciens. Mais que fi, la musique est là, et en dépit de tout, certains passages se révèlent être de petits chefs d’oeuvre de diligence et d’agencement (An Eye for Optical Theory ).
L’interprétation aurait put être plus soignée, mais le compositeur aux claviers donne vie à sa musique comme nul autre, et son ensemble le suit comme n chien fidèle.
Note : 14/20 Enregistrement : B
5) Noises, Sounds & Sweet Airs
L’ouvrage est en fait l’adaptation d’une composition antérieure, La Princesse de Milan, un opéra-ballet, lui-même dérivé de la musique pour le film de Peter Greeneway : Prospero’s Book. Il s’agit là d’une énième adaptation de la célèbre pièce de Shakespeare : The Tempest. Nyman signe ici peut être l’une de ses oeuvres les plus sérieuses, la moins directement accessible. La musique ne connaît aucun temps mort, pas de récitatifs, pas d’airs, le tout forme un ensemble d’une homogénéité parfaite. Les voix solistes sont là, non tant pour conter une histoire, que pour faire jeu elles même en tant qu’instrument. Les personnages ne sont pas compartimentés, en cela qu’un même personnage peut être « interprété » simultanément et alternativement par l’un des trois solistes. La partie des solistes est d’ailleurs extrêmement exigeante, aussi bien quant à l’articulation, au phrasé, qu’à la technique vocale en elle-même. Cela paraît étrange à la première écoute, suavement bizarre à la seconde, irrésistible ensuite ... Nyman reste Nyman, pour notre plus grande joie.
De prime abord, on pourrait croire que cela ne paye pas de mine, Ensemble de Basse-Normandie ... et pourtant ! Debart est très à l’aise dans ce répertoire tout comme son orchestre d’ailleurs, et les deux se tirent à ravir du « pétrin » dans lequel ils semblent avoir échu. La musique n’est pas facile, loin s’en faut, l’ensemble aurait sans aucun doute gagné en ampleur, et tantôt en précision, mais leur intervention est des plus louables.
Plus que louable, élogieuse est celle des trois solistes. Catherine Bott est radieuse, se jouant des multiples pièges et sauts que sa partie exigent d’elle, la voix sait se faire suave, comme stridente, douce, comme irritante, telle est la musique. Hilary Summers est stupéfiante d’aisance et son timbre chaleureux, moqueur et sarcastique, fait des merveilles. Le jeune ténor Ian Bostridge signait là l’un de ses premiers enregistrement, et l’on ne peut que saluer le caractère protéiformes de son instrument. La voix est magnifique, et ses ressources semblent intarissables.
C’est une belle leçon de beau chant, accompagnée de la plus agréable des manières.
Note : 15/20 Enregistrement : A
6) The Essential Michael Nyman Band
Comme beaucoup de ses collègues contemporains, Michael Nyman a formé son ensemble pour jouer sa musique. En fait, au commencement, c’était plutôt pour jouer du Gabrieli ... et de fil en aiguille, la « bande » de copains a décidé de rester ensemble et d’interpréter des ouvrages conçus sur mesures. Ainsi, les maintes pages qui servirent à autant de films de Peter Greeneway virent le jour. Nyman sait surprendre, enjôler, cajoler, ou encore choquer. Sa musique est à la croisée de multiples influences, renaissance, baroque (Purcell à qui il fait de multiples références)..., tout cela assaisonné à la sauce minimaliste. La musique est souvent rythmée, s’envolant à une vitesse effrénée, ou encore délicate, précieuse même par certains aspects. Mais Nyman sait surprendre, ainsi, non content de faire une simple « compilation » de ses « tubes », il en profite pour les réarranger : tempo endiablé pour « An Eye for Optical theory », nouvelle cadence pour le si célèbre « Chasing sheep is best left to sheperds », tant et si bien que les versions originales en semblent être de totalement différentes. Une nouvelle approche, une nouvelle écoute en somme, et non un simple doublons.
Que dire de l’interprétation ? C’est le Band qui joue, avec ses nombreuses imperfections, mais avec cette joie, cette affirmation, cette conviction que cette musique est la plus belle du monde, puisque c’est leur musique. L’unique reproche, les deux intervenants vocaux. La mezzo n’a qu’un rôle minime, et s’oublie facilement, la soprano est à un poste clé dans deux des morceaux (extraits de The Cook, the thief, his wife, & her lover), et là le bas blesse nettement. La voix est stridente, le timbre ingrat, la prononciation douteuse, heureusement sa seconde intervention solo ne fait appel qu’aux onomatopées, et là cela va nettement mieux.
Nyman dirige son orchestre, sa musique, sa vision personnelle de son monde intérieur. Cette vision ne plaira peut être pas à tous, certains autres préféreront les versions « originales », mais cet enregistrement apporte un nouveau regard particulièrement excitant et montre que même de la musique contemporaine peut se renouveler.
Note : 17/20 Enregistrement : A
7) Concerto for Trombone & Orchestra
Créé en 1995 sur une commande de la BBC pour fêter le 300° anniversaire de la mort de Henry Purcell, ce concerto est le quatrième de Nyman, après Where the bee dances (pour saxophone), The Piano Concerto, et son concerto pour clavecin. L’œuvre ressemble par son caractère quelque peu chaotique au précédent concerto du compositeur anglais (celui pour clavecin), succession de thèmes sans rapport entre eux, plans sonores se superposant, mais fait toujours montre de l’excellente virtuosité du soliste, et laisse aussi une place à la surprise de trouver çà et là des motifs connus.
Le compositeur dans ses oeuvres ... On avait été quelque peu sceptique quant à sa vision de son Piano Concerto, que j’avais alors jugée par trop « gentille », cherchant plus le beau son que l’impact. Ici, le litige est moins clair, car l’œuvre nécessite un son « caractéristique », et une excellente mise en place, afin que les divers plans sonores puissent ressortir correctement sans avoir impression de cacophonie.
Dans cette optique, Nyman le perfectionniste réussit parfaitement : la mise en place est quasi idéale, avec un soliste (excellent Christian Lindberg, virtuose du trombone, en tout point parfait, dans une partie loin d’être aisée) intégré à l’ensemble de la manière la plus naturelle qui soit. L’orchestre de la BBC possède de nombreux charmes, même si on aurait aimé un pupitre de cordes un peu plus sonore.
L’ensemble est d’une belle facture, et se laisse apprécier à sa juste valeur.
Note : 15/20 Enregistrement : A
Une de ses oeuvres dont Nyman a le secret, une mélodie « simple » qui ne vous lâche plus d’une semelle et ne cesse de vous trotter inlassablement dans la tête, un sempiternel plaisir.
Le maestro et sa troupe nous offre ici un enregistrement de tout premier choix. On pourra critiquer la rudesse un peu aigre des violons, mais c’est vraiment chipoter, le reste est vraiment des plus agréables et c’est un excellent moment que l’on passe en leur compagnie.
Note : 17/20 Enregistrement : A 30/01/2001
Une fois n'est pas coutume, Nyman a décidé de restreindre sa palette orchestrale pour se limiter aux seuls cuivres et vents (ne délaissons pas les divins saxophones !). Le résultat est à la fois surprenant et succulent. Une des plus belles pages du maître.
La partition frappe dès son introduction aux cors et trompettes, sonorités auxquelles Nyman ne nous avait pas autant habitué qu'un Glass par exemple, et c'est justement à Glass que l'on pense dans ces motifs cuivrés, ces appels répétés. Imitation, plagiat ? Loin de là, Nyman possède sa patte propre, et passé l'effet de surprise l'on retrouve ce qui fait que l'on apprécie tant le compositeur anglais : mélodie prenante, sens du rythme, linéarité du propos.
L'ensemble réunit pour l'occasion vaut largement le band (on en retrouve certains membres quand même !), et les sonorités toutes en velouté qui en ressort sont des plus soyeuses pour l'oreille. Précision et rythme sont leurs mots d'ordre, mais les instrumentistes savent aussi faire preuve de douceur et de tendresse là où on le réclame.
Une forme belle page desservit avec panache, brio, et savoir faire.
Note : 17/20 Enregistrement : A 17/05/01
1) Joseph Merrick dit Elephant Man
L’ouvrage de Petitgirard se rapproche en maints points du récent « A streetcar named desire » de Prévin : le même langage musical mélangeant un discours linéaire à des passages plus lyriques, mais la légèreté et l’américanisme en moins. On ne rit pas ici, on ne plaisante pas, on souffre. Et c’est du début à la fin que l’on suit la détresse de Joseph Merrick, cette bête de cirque qui n’attendait du monde qu’un peu de compassion, et surtout un peu d’amour. Et c’est la gravité que le compositeur a choisit, ne nous laissant que peu d’occasions de respirer (le splendide numéro de la soprano colorature, hallucinant) , nous oppressant à l’instar de son personnage.
Cet opéra, c’est avant tout Nathalie Stutzman qui le porte à bout de bras, bouleversante de bout en bout, y compris dans son silence prolongé des premiers actes. Sa voix chaude et si particulière fait merveille, et ajoute encore à l’étrangeté de son rôle.
L’équipe qui l’entoure est loin d’être déméritante, à commencer par les deux principaux protagonistes masculins : Nicolas Rivenq, à la prestance toujours si aristocratique, et Robert Breault au ténor solide (qui se voit gratifier de fort beaux passages) quoiqu’un peu maniéré. Saluons également la remarquable prestation de la soprano Celena Nelson-Shafer a qui incombe la redoutable partie de la Colorature. Les autres protagonistes, s’ils ne sont pas de premier plan, restent néanmoins honorables.
L’orchestre de Monte-Carlo sous la baguette du compositeur fait quant à lui bonne figure. Une interprétation des plus satisfaisantes qui nous montre que l’opéra français peut encore avoir de beaux jours, et nous fait retrouver avec bonheur la stupéfiante contralto qu’est Nathalie Stutzman.
Note : 15/20 Enregistrement : B
On le connaissait essentiellement comme chef d’orchestre, on savait moins que ce berlinois de naissance, rapidement émigré aux Etats-Unis peu avant la seconde guerre, était un compositeur, prolixe en musique de films (une quarantaine), néophyte en matière d’opéra.
1) A Streetcar Named Desire
Il s’agit du premier opéra, et seul à ce jour, du chef d’orchestre. Basé sur la pièce homonyme de Tennessee Williams, l’œuvre ressemble plus à du théâtre mis en musique qu’à un opéra traditionnel. Pourtant, par cette mise en « son », l’œuvre gagne encore plus en profondeur, et le drame ne fait pas simplement que vivre, il s’exalte et éclate au grand jour. Les airs se perdent dans le flux musical, et de temps à autres une mélodie s’échappe commentant le début d’un de ceux ci, pour disparaître, s’évaporant dans des nuées délicates. Le drame est là, mais l’humour aussi : ne rit-on jamais mieux que lorsque l’on sait que tout est perdu ? Une œuvre originale, qui ne peut laisser personne indifférent.
Le compositeur pour son bébé, le premier né, en live, pour la création mondiale ... rien que cela ! On sait que cela peut donner des choses bien comme des choses plutôt catastrophique, en musique là est le problème : l’adage « On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même » est-il toujours de rigueur ? Ici, il l’est manifestement.
Previn, en excellent chef qu’il est, tient son orchestre d’une baguette remarquable, et les richesses de cet opéra de San Francisco, grand amateur de créations on le sait, sont innombrables, cordes mielleuses, cuivres touchant, bois moelleux. Aucune faiblesse notable.
Côté soliste, monsieur le compositeur s’est « payé » une belle affiche. On connaît le côté assez aléatoire de miss Fleming, ici elle est à son aise, le registre n’est pas trop étendu, pas de vocalises (ouf ?) la voix se place sans difficulté, et son incarnation de Blanche est tout simplement exceptionnelle. Elisabeth Futral est d’un niveau tout aussi remarquable, tout comme son « mari » : un Rodney Gilfry tout en rudesse, visiblement habité par son rôle. Le ténor Anthony Dean Giffrey est un amant touchant, au phrasé un peu rude, mais au timbre ravissant, et aux qualités indéniables. Les seconds rôles sont tout à fait honorables.
N’espérons pas une seconde interprétation de cet ouvrage ... dommage ? Peut être pas, car Blanche, Stan, Stella, et Mitch auront pour toujours les voix de ces chanteurs là.
Note : 18/20 Enregistrement : A
Voilà l’autre pape de la musique minimaliste, aux côtés de Philip Glass. Pourtant le style des deux compositeurs tranchent nettement. Si Glass apprécie les arpèges, Reich privilégie quant à lui les « pulses ». Plus que se plagier, les deux hommes se complètent donc d’une certaine manière, n’amenant pas forcément les mêmes auditeurs sur leur terrain respectif.
1) The Desert Music
Là où le mot « pulser » prend toute sa signification. Si ce comportement métronomique en lassera plus d’un avant même la fin du premier mouvement, ceux qui tiendront le coup en seront fort aise ; car cette musique « désertique » se trouve loin d’être aride comme son titre le laisserait à craindre. L’orchestration développée est fort riche, et l’incorporation de choeur, tantôt psalmodiant, tantôt chantant réellement, est d’un fort agréable effet. C’est minimaliste, certes, ce n’est pas du Glass, ou de l’Adams, c’est autre chose. Quelque chose qui vous prends, vous tient, et veux difficilement vous lâcher ; prenez votre pouls et vous verrez à quel point il peut ressembler à cette musique.
Ce genre de musique n’étant pas encore entrée dans le « répertoire », espérons que cela ne saurez tarder pour notre plus grand plaisir, il faut donc compter sur des ensembles recrutés pour l’occasion par le compositeur lui-même ou par ses proches.
On pourra en premier lieu saluer la précision de ses musiciens dans une musique aussi contraignante rythmiquement parlant. On saluera ensuite l’engagement du chef, MTT pour les intimes, LE chef qui monte (prochain directeur du festival de Salzbourg ?), toujours intéressé dans les musiques nouvelles, sans pour autant délaisser les autres. Sa direction est sûre, comme à l’accoutumée, et fort énergique, la musique vibre sous sa baguette. Il est toujours assez délicat de s’attaquer à une telle terre vierge, pourtant la bataille semble être finalement gagnée.
On aurait put espérer un choeur un peu plus combatif dans les moments agités, et plus élégiaque dans les moments délicats, il reste correct sans plus ; avec néanmoins peut être une petite mention pour la beauté toute particulière des sopranos au timbre fort délicat. Les mêmes remarques peuvent être faite concernant l’orchestre, dont la justesse sonore est de temps à autre assez approximative, le rythme est là mais il n’y a pas que cela dans cette musique. Gros point noir : le scratch catastrophique de la prise de son dans le troisième mouvement (mouvement noté « slow » qui plus est), dommage.
Une réalisation honnête, en attendant que l’on s’intéresse de plus près à cela.
Note : 14/20 Enregistrement : C
Le célèbre compositeur grec de la musique pour le film « Zorba ».
1) Canto General
Pensez donc, un compositeur grec écrivant sur un texte espagnol du poète Pablo Neruda, dans un style tout à fait sud américain avec dans l’instrumentation bouzouki, célesta et autres guitares ... Cela fait un mélange assez bizarre, surtout que l’œuvre est une « chose » à mi chemin entre l’oratorio, la cantate et l’exultation jubilatoire d’un carnaval de Rio. C’est étrange mais succulent, comme la nourriture chinoise pourrait-on dire, pour ajouter à ce mixe une touche d’orientalisme !
Ajoutez encore à tout cela le fait que chef et solistes sont grecs, musiciens et choristes allemands, et vous l’aurez compris, cette œuvre se veut universelle, et elle l’est par de maints égards. La musique captive dès les premières notes. On pourrait critiquer une certaine forme de répétition dans la ressemblance des divers thèmes, mais se serait injustice flagrante devant l’inventivité du compositeur qui sait jouer au mieux des diverses forces dont il dispose.
L’œuvre est brillamment desservit par une belle brochette d’interprètes. Les allemands, choeur et orchestre, défendent vaillament l’ensemble de l’ouvrage et ne démérite nullement devant d’autres ensembles plus réputés. La direction du chef grec se veut au plus proche de la tension entraînante (voir transcendante) que l’œuvre exige, et l’on se laisse porter sur le haut de la vague dans ce déferlement général.
Saluons la remarquable contribution de l’alto Alexandra Papadjiakou à la voix chaude est merveilleusement mise en valeur, et ne regrettons seulement que son camarade masculin ne soit pas du même niveau.
Une œuvre fascinante à découvrir de toute urgence qui nous laisse découvrir que lue le paysage musical grec n’est pas le désert que l’on pourrait croire.
Note : 17/20 Enregistrement : A-
1) Dune
Comment critiquer de la musique électronique ? Cela pose un réel problème, car la critique porte essentiellement sur l’interprétation d’une œuvre et non sur la qualité intrinsèque de l’ouvrage. Dans le cas de la musique électronique, on ne peut pas à proprement parler d’interprétation, l’on se doit donc de critiquer l’ouvrage en lui même, ce qui est justement fort critiquable !
Avouons le tout de suite, je ne suis pas un féru de musique électronique, et mes connaissances dans ce domaine sont fort limitées, pour ne pas dire inexistantes ... Pourtant, plus en plus nombreux sont les compositeurs qui emploient de l’équipement de ce genre dans leur musique : Pierre Henry, en tête de liste, et dans une moindre mesure Philip Glass, John Adams, et Steve Reich, pour ne citer que les plus connus. Pourtant tous ces compositeurs ne se servent de l’électronique « que » comme un « instrument » supplémentaire. Il faut se tourner vers des gens comme J.M. Jarre pour trouver des personnes « travaillant » le son, Schiffler ici aussi en fait partie.
Raccrochons-nous à nos branches de mélomane « classique », et penchons nous donc en particulier sur la mélodie, laissant le beau son en second. La musique de Schiffler est toute faite de nuances, et de mélodies captivantes et mielleuses, trop direz certains. Il va de soit que l’uniformité de l’ouvrage, dont le premier morceau donne lieu de titre, et de mise en bouche, semble rendre l’ensemble un peu laminaire. Les mélodies, fort différentes les unes des autres, restent néanmoins toutes dans un ton similaire, légèrement planant (résurgence celtique ?), en dépit du tempo entraînant de certains morceaux. Il en va donc comme pour Puccini : on « plane » ou on « décroche »... suivant son état d’esprit du moment, mais une fois le décollage accomplit, le vol est des plus agréables.
Les mélodies font plus ou moins penser, de temps à autres, à des extraits de musique de films oubliés, et l’on voit défiler des images diverses et variées tout en écoutant les plages se succéder. Schiffler est un musicien visuel, assurément, et le travail effectué sur le son se marierai à merveille avec un travail cinématographique adéquat.
L’enregistrement fait état de trois périodes créatrices du compositeur, sur trois équipements différents. Si la dernière période est la plus fouillée question recherches sonore et mélodique, les deux autres ne sont pas pour autant à négliger. La première est intéressante de par la spatialisation sonore de l’ensemble, en une forme chère à la musique électroacoustique. La seconde, assez paradoxalement, semble pourtant être la moins probante, le son en lui même est quelque peu ingrat, ceci en dépit des qualités mélodiques évidentes (le « TechnoKiri » aurait d’ailleurs gagné en longueur, tant la ligne mélodique est captivante (une véritable source pour les minimalistes)).
Si l’on peut reprocher quelque chose, c’est peut être l’absence de jeu sur les volumes sonores : l’ensemble reste à un niveau égal, ne jouant pas sur les piano ou forte qui auraient pu être des plus bienvenus sur certaines plages.
L’on retiendra donc assurément les qualités mélodiques de l’ensemble, et particulièrement l’apport d’habillage sonore effectué sur les dernières compositions (de loin les meilleures, avec un dièse pour Paranoïa, petite perle de beauté). Naturellement, tout est question de goût ...
Note : 16/20 Enregistrement : sans objet
1) Harvey Milk
Encore un CNN opéra, comme pourrait dire les détracteurs de ce type d’ouvrage se référant à une actualité relativement récente. Ici, il s’agit du meurtre en 1978, du premier « supervisor » (conseiller municipal) ouvertement gay à avoir été élu à San Francisco : Harvey Milk, par un autre supervisor : Dan White. La musique de Wallace se rapproche de maintes tendances, condensé fabuleux de divers mouvements musicaux, d’un éclectisme assez prononcé, mais se rapprochant néanmoins le plus des oeuvres de Bernstein ou de Copland. La musique est d’une incroyable vivacité, en dépit du sujet abordé, traité avec brio par ailleurs. Les passages purement lyriques sont d’une intensité théâtrale exemplaire, en particulier la scène entre Scot et Harvey. La scène du meurtre est également particulièrement poignante, sans doute la plus poignante des musique composées pour ce type de situation : Wallace utilise un enregistrement sur bande magnétique des derniers voeux du véritable Harvey Milk. La qualité intrinsèque de l’œuvre en elle-même est très variable : si l’ensemble est d’une grande richesse, l’éclectisme de l’ouvrage rend certains passages quelque peu vide par rapport à d’autres, et enjoint une chute d’intensité assez regrettable à quelques endroits clés.
Il s’agit là d’une première mondiale, avec toutes les qualités et toutes les imperfections que cela entraîne. On saluera en premier lieu le baryton R. Orth, et le ténor R. Very, les deux principaux protagonistes « ennemis », dont les rôles vont à merveille avec leur voix. Le travail de chacun des chanteurs est d’une remarquable justesse, dans le ton et dans la réalisation. Saluons aussi la prestation de Juliana gondek (qui s’est fait remarquer dans le répertoire baroque avec moins de succès) dans divers rôles dont celui de Diane Feinstein, où elle excelle. La basse Gidon Sacks pousse peut être légèrement sur sa voix en certain passage, s’engorgeant de manière regrettable. Le jeune ténor B. Williams fait des merveilles dans le rôle du fougueux amant, néanmoins sa voix claire et franche paraît un peu trop crue par instant, de plus quelques difficultés de positionnement se font entendre çà et là.
L’orchestre fait des merveilles, même si certains ensembles sont un peu rendu confus par la direction alerte de Runnicles, qui à d’autres moments se montre par trop languissant. Le choeur de l’opéra de San Francisco est honorable, malheureusement il paraît un peu léger à côté des masses orchestrales déployées ici ; mais sa vitalité est exemplaire (particulièrement dans les grandes scènes de foule).
Sommes toute un excellent premier enregistrement, certainement pas exemplaire, mais jamais à côté du propos, n’y déméritoire.
Note : 15/20 Enregistrement : A
Voici sans aucun doute le plus célèbre de tous les compositeurs de musique de films, et aussi le plus prolixe, et le plus inventif.
1) The Phantom Menace (StarWars Episode I)
Que l’on aimé ou non le film, là n’est pas la question, on ne s’intéresse ici qu’à la seule musique. Si la marche de l’Empire restera à jamais graver dans l’esprit de tout un, si le thème même de StarWars est devenu un classique, parions que le grand choeur du Duel marquera lui aussi les esprits.
Nous retrouvons ici notre Williams habituel, avec renfort de moults cuivres et moults tambours, mais aussi enrichi d’un choeur (ce qui lui réussit plutôt bien si l’on se souvient de L’Empire du Soleil ). Ce qui est par contre novateur, c’est ce petit regard en direction de deux grands de ce siècle. Quand on dit choeur tonitruant, d’une seule voix on répond : Carmina Burana, du comparse Orff. Et quand on dit choeur manichéen : Glass, of course ! Et oui, il y a un peu de l’un et un peu de l’autre dans ce Williams là, surtout du second, la scène finale rappelant furieusement la conclusion de Powaqqatsi. A la tête du London Symphony Orchestra, le compositeur tire le meilleur de sa musique, en cela saluons les pupitres de cuivres de l’orchestre, ainsi que l’armada de percussionnistes. Les choeurs des London Voices auraient peut être put gagner en précision et en netteté, mais ils jouent parfaitement leur rôle.
Encore un nouveau succès pour l’ami John, même s’il est clair que beaucoup de cette musique se perdra dans l’abîme de l’oubli, ce choeur, et rien que lui, continuera à scintiller au firmament.
Note : 18 Enregistrement : A