Un des fondateurs, aux côtés de Steve Reich, du mouvement minimaliste, même s'il n'apprécie guère cette appelation. Les oeuvres de Glass ont toujours un aspect assez mystérieux, les sonorités employées sont souvent à la limite de l’étrange. On lui doit, avec la complicité de Robert Wilson pour la mise en scène, des opéras assez fantasmagoriques, tel le cycle Cocteau, ou encore « Einstein on the beach », et deux autres opéras sur des personnages marquant de l’histoire : Gandhi, pour « Satyagraha », et Akhénaton pour l’opéra homonyme. Glass s’est aussi largement consacré à la musique de film : pour des films entièrement musicaux : Koyaanisqatsi, Anima Mundi ; ou encore récemment pour le film « KunDun » de Martin Scorcese.
L’œuvre est dans la lignée des autres compositions de Glass, emprunte de cette même atmosphère quasi mystique qui les auréole toutes. Les tempis variables à l’extrême de l’ouvrage mettent en exergue l’aspect minimaliste à leur moindre variation. L’orchestration, traditionnelle, est d’une richesse inouï, et la mélodie avance, immuablement, jusqu'à sa grandiose conclusion.
Le chef, créateur de l’œuvre, joue de son instrument viennois avec une rare précision rythmique, ici indispensable. Le résultat est à la hauteur des espérances. Les sonorités veloutés de l’orchestre, la précision des attaques, de la battue, tout concoure à faire de cette interprétation une référence en la matière. Aucune réserve à émettre, la prise de son étant de plus particulièrement exceptionnelle.
Note : 20/20 Enregistrement : A
2) String Quartet n° 2, 3, 4 & 5
Le caractère intimiste des quatuor à cordes a toujours freiné les ardeurs de plus d’un compositeur et d’un auditeur ; Glass ne semble pas avoir été effrayé par cette tâche, et ceci a notre plus grand bonheur. On retrouve ici tout ce qui fait le charme de la musique de Glass, ces harmonies inimitables, ces mélodies qui semblent si faciles, si simplistes, et pourtant si prenantes. Rien d’excessivement minimal, comme dans ses premiers ouvrages, cependant. Du grand Glass.
L’interprétation que nous livre ici le Kronos n’appelle que des éloges, on sent qu’ils sont là dans leur domaine, et qu’ils connaissent « leur » Glass jusque sur les bouts des ongles, pardon, des archets. A les entendre ainsi faire vibrer leurs instruments, on ne saurait imaginer qu’ils ne sont que quatre, tant la musique semble emplir l’espace.
Note : 20/20 Enregistrement : A
Dans la lignée de son cycle Cocteau, Glass signe ici la musique de l’un des piliers du cinéma en noir et blanc : le Dracula de 1931 mettant en scène Bela Lugosi. Il ne s’agit cependant pas là d’un opéra, mais de morceaux d’accompagnements composés sous forme de quatuor. Ce choix s’avère être tout particulièrement judicieux dans le cadre précis où Glass réussit à utiliser toute la richesse de la palette sonore qui lui est offerte, jouant sur des effets tout particulièrement réussis et peu usuels.
Le Kronos Quartet apparaît définitivement comme le spécialiste de la musique de chambre du XX° siècle, et son adéquation toute particulière avec l’œuvre de Philip Glass, dont le quatuor est un partenaire privilégié (Mishima, The Secret Agent, les Quatuors ...)
Les atmosphères sont extrêmement diversifiées, avec pour toile de fond identique un climat de tension quasi obligato, et le quatuor réussit comme à son habitude à rendre pleinement justice à cette musique si captivante.
Note : 20/20 Enregistrement : A
Il s’agit ici du cinquième opéra de Glass (sur 16 à ce jour), composé en 1984, et sans nul doute sa plus belle réussite. L ‘œuvre est purement et simplement grandiose, tant dans l’ampleur de la musique, qui sied à merveille au sujet traité, que dans le traitement même de l’action ; l’épilogue à lui seul met en lumière toute l’inventivité du compositeur. Glass a son sommet, tout simplement.
Ce qui frappe de prime abord est la pâte sonore de l’ouvrage, moelleux et mielleux, ceci peut s’expliquer pas l’absence de violons, les altos jouant leur rôle, et la présence de cuivres particulièrement chaleureux. Il s’agit de l’équipe de la création, et l’on sait comme il est difficile d’entrer en terre inconnue, même si le chef est un habitué de cette musique. Pourtant ils s’en tirent tous très bien.
L’orchestre , dont le rôle est ici crucial vu le nombre de pages qui lui est quasi entier dévolu, se trouve être tout à fait à la hauteur de la tâche qui lui incombe. On saluera les cuivres et les bois, aux délicieuses sonorités. Le choeur tient ici aussi une place importante, qui ne se souviendra pas du choeur des funérailles d’Amenhotep qui nous fait rentrer de plein pied dans l’opéra. Si on regrettera un peu son manque de lisibilité, privilégiant le côté turba, on saluera l’engagement des choristes à défaut de leur précision, mais les timbres sont beaux, tout est donc sauf. Les solistes, dans l’ensemble fort corrects, s’appuient essentiellement sur un pilier, et quel pilier : Akhénaton Esswood. La « renaissance » des contre-ténors (qui en fait ont toujours survécu dans la tradition musicale anglaise) a sans doute motivé le choix de Glass, ou est-ce tout simplement la présence électrisante de Paul Esswood ? Sans doute plus du second que du premier, car Esswood vit cette musique comme nul autre ; d’une présence vocale majestueuse, et d’une aisance si naturelle, alors que les embûches de la partition sont nombreuses.
On pourrait espérer meilleure distribution, comme à l’ordinaire, mais retrouver un Akhénaton comme celui là ...
Note : 16/20 Enregistrement : A-
Il s’agit du troisième opéra composé par Glass, et date de 1980. C’est fois, le livret est basé sur des textes en sanskrit extraits de la Bhagavad-Gita. La Satyagraha, c’est la politique de non-violence promulguée par Gandhi. Glass s’attache donc ici à une nouvelle figure emblématique, après Alfred Einstein, il s’agit du mahatma Gandhi, et par là même de quelques personnages étroitement liés à sa politique : Tolstoï, Martin Luther King, et le poète Tagore. On voit déjà la nette évolution depuis l’expérimental Einstein on the Beach, la musique se veut moins répétitive, toujours aussi minimaliste, mais beaucoup plus lyrique. Les choeurs jouent ici, une nouvelle fois, un rôle important, alors que les solistes ne font dans la plupart des cas, semble-t-il, que les accompagner.
Comme à l’ordinaire, il s’agissait d’une tâche relativement ardu que de mettre en place cet ouvrage, saluons donc ses innovateurs, avant malheureusement de se rendre à l’évidence : peu mieux faire.
Si l’orchestre a une sonorité assez agréable, son ampleur semble très relativement restreinte, et les imprécisions n’en sont que plus mise en avant. Saluons donc le travail des solistes et des choeurs sur qui semblent reposer tout l’édifice. Les solistes sont tous des plus respectables, mais sans plus, avec pourtant une mention toute particulière pour Douglas Perry, en fait seul pilier de l’ensemble. Les choeurs semblent massifs et peu détaillés. La direction de Keene répond, heureusement, à toute la rigueur qu’impose une telle œuvre.
Le véritable problème que rencontre cet enregistrement est en fait l’enregistrement lui même : la prise de son s’est effectuée en fait en plusieurs étapes, en enregistrant séparément les différents protagonistes, ce qui manifestement nuit grandement à la qualité d’ensemble, sans compter l’aisance sonore qui manque remarquablement (nombreux scratch, et acoustique artificielle). Vraiment dommage vu la qualité de l’opéra et son grand intérêt, heureusement on annonce un ré-enregistrement prochain.
Note : 12/20 Enregistrement : C
On touche ce qui s’en doute le Glass le plus « people », mais non le moins intéressant, loin de là ! Ses chansons auraient très bien pu faire partie des charts de tous les pays, tant elles sont captivantes. On retrouve tout ce que l’on apprécie chez Glass, avec un plus, un côté léger qui est des plus agréables, une impression de pas vouloir ce prendre au sérieux, et tenter au travers de ses 6 petites pièces approcher divers paysages. C’est aussi léger qu’un rouleau de printemps, et aussi succulent qu’un canard laqué.
L’ensemble dirigé par Riesman est toujours excellent, que dire de plus ! Du côté vocal, il y le grain, mais aussi l’ivraie ...
D’un côté nous avons le sublime Bernard Fowler, qui malheureusement ne nous gratifie que d’une seule song, avec sa voix chaude et délicate, un vrai crooner. On a aussi la belle voix d’alto de J. Pendarvis à la ligne suave. Mais il y aussi l’insipide soprano de Linda Ronstadt, et le par trop décevant ténor Douglas Perry, que l’on connaissait plus en voix ailleurs, et qui ici semble bien en difficulté. Ne parlons pas des Roches ...
Du bon et du moins bon, mais s’en doute pas à jeter à la fosse directement.
Note : 14/20 Enregistrement : A
Les oeuvres pour piano de Glass sont dans la même lignée que le reste de sa production, minimalistes certes, mais aussi d’une sensualité rare, d’une délicatesse soyeuse. En fait, ces pièces ne ressemblent à rien d’autres qu’à du Glass, le Glass tendre et poétique, celui des mélodies suaves et enivrantes. Loin du tumulte de la vie, ses pièces nous emmènent dans un monde où le temps ne semble plus avoir aucune importance. On se laisse bercer, subjuguer par le seul toucher du clavier. Un beau voyage, si réconfortant ...
Le toucher de Glass est exceptionnel, et l’interprétation de ses oeuvres est tout bonnement exemplaire. La musique semble tout droit sortir de ses doigts, et l’on ne se lasse pas d’écouter ces longues lignes mélodiques. Le piano utilisé a une sonorité velouté et chaleureuse tout à fait en accord avec la musique.
Il y a de la tendresse, de la témérité aussi de temps à autre, mais tout n’est que charme, et l’on est vite ensorcelé ...
Note : 17/20 Enregistrement : A
C’est une des partitions les plus sensuelles du compositeur, à rapprocher par maint égard à son opéra « La Belle et la Bête », de par les couleurs orchestrales utilisés et l’atmosphère qui en dégage. Les parties réservées aux instruments solistes sont d’une expressivité rare, que l’on pouvait déjà toucher du doit dans les quatuors ; ainsi la partie de violoncelle seul rappelle les suites de Bach pour ce même instrument, avec un petit plus dans le côté onirique. Les parties de harpe et de hautbois sont la douceur incarnée, comme tout le reste de l’œuvre au demeurant. Laissez vous bercer par tant de chatoiement et tant de délicatesse.
L’ensemble est d’une remarquable facture, tant les cordes soyeuses et velouté de l’ECO dirigé par Harry Rabinowitz, que les additions électroniques réalisé par Riesman en studio, sans compter les interventions idéale des solistes.
Le violoncelle de Fred Sherry est d’une saisissante beauté, et nombreuses sont ses interventions, ponctuant çà et là la partition, les couleurs sont sombres et duveteuses, avec un grave chaleureux qui nous prend littéralement à la gorge. Il en va de même de la harpe de Susan Jones, au doigté exceptionnel, qui promulgue des sonorités légèrement étranges, magiques ... Le hautbois de Henry Schuman est tout bonnement ahurissant de dextérité et de cajolerie. Keith Underwood use de sa flûte comme d’un organe supplémentaire, et les coloris qu’il réussit à en tirer remette à l’honneur cet instrument que l’on diminue bien trop souvent.
La musique de Glass envoûte, enivre de suaves mélodies, des lignes et des lignes qui ne cessent de trotter dans votre tête, tant leur simplicité et leur beauté vous tienne ; et cette beauté, cet envoûtement, tous ces interprètes l’ont parfaitement saisit et ils nous le font partager de la plus mirifique façon.
Note : 18/20 Enregistrement : A
Voici l’un des trois volets de la série des Qatsi que Glass réalisa pour les films de Godfrey Reggio. La moindre des choses que l’on puisse dire, c’est que Glass a le don de surprendre, on sait qu’il est très friand de « l’incarnation » musicale, au sens où il emploie régulièrement des atmosphères typiques aux oeuvres qu’il compose : l’Egypte pour Akhnaten, l’Inde pour Satiagraha, pays qu’il affectionne tout particulièrement. Ici, Glass se livre a un savant mélange de musique orientaliste, dans une aspiration amalgamée des deux contrées sus citées , et de thèmes nettement plus latinos, faisant même appel à une forme de salsa (que l’on sait reprise par Williams dans sa Menace Fantôme). L’art de surprendre certes, mais dans la continuité, car Glass reste Glass, et ses mélodies sont reconnaissables parmi mille, avec ses si caractéristiques appels de cuivres, et cette espèce de transe voluptueuse qui nous entoure dès les premiers accords. La musique est comme un caméléon, revêtant de multiples façades, et pourtant si familière.
Le grand ami à la tête de forces gonflées pour la circonstance, toujours si près de la musique du compositeur, trouvant du premier coup de baguette l’intonation juste. La direction n’appelle aucune réserve, si ce n’est peut être cette constance absolue dans le tempo tout le long de l’oeuvre, mais n’est-ce pas la musique qui l’exige ?
L’orchestre est de premier choix, en dépit d’une électronique un peu trop dominante par rapport au reste de temps à autre. La rythmique est parfaite, les intonations aussi, de même que la précision, les sonorités sont un peu froides par instant, mais l’ensemble est d’une fort honnête facture. Le choeur d’enfants aurait peut être gagné en volume sonore, et en précision, les voix sont un peu aigrelettes, mais de là à savoir si il s’agissait ou non du voeu du compositeur ? Au demeurant l’ensemble est du plus bel effet.
Une nouvelle pierre dans l’édifice glassien, non un diamant, mais une belle agate, ou quelque chose s’en approchant.
Note : 16/20 Enregistrement
Ce « poème symphonique », si cela a un sens de donner ainsi une telle dénomination, fut composé en 1987 à l’occasion du centième anniversaire de l’expérience de Michelson et Morley (qui désiraient mettre en évidence le mouvement de la Terre à l’aide d’interférences lumineuses). « In school, I thought i’d want to be a scientist » nous affirme Glass, chose qu’il avait déjà par ailleurs confirmé dans son œuvre sur Einstein, son premier opéra. The Light ne ressemble pourtant guère à Einstein on the Beach, et le minimalisme poussif du premier ouvrage lyrique du compositeur laisse la place à cette nouvelle écriture beaucoup plus légère qu’il nous a fait découvrir depuis sa « Belle et la Bête ». Les traits fusent, la musique s’emballe, et les quelques vingt minutes que l’on passe en compagnie des trois savants (car Glass en est bien un aussi) sont des plus agréables qui soient.
Russel Davies est avec Riesman le plus fervent défenseur de la musique de Philip Glass, après avoir enregistré ses symphony n°2 et n°3, il nous offre ici son approche de cet ouvrage haut en couleurs du pape minimaliste américain. Si la baguette de Davies est toujours en parfaite adéquation avec la musique de Glass, les couleurs développées par l’orchestre de la radio viennoise ne sont pas toujours les plus chatoyantes qui soient, la pâte sonore est bien là, et l’on reconnaît la patte du compositeur dès les premières mesures. Mais il manque peut être d’un peu de chatoiement, de strass, de paillettes, qui auraient été les bienvenus dans certains passages.
Mais ne vous y méprenez pas, l’interprétation que nous avons ici est des plus convainquantes et des plus méritoires, et si la luxuriance n’est pas royale elle est largement princière.
Note : 16/20 Enregistrement : A
Cette symphonie de Glass a été composée à partir de musiques de Brian Eno et David Bowie. L' "arrangement " du compositeur n'est pas un " arrangement " mais bel et bien un recréation. Ce que la musique des deux chanteurs-compositeurs a apportée à celle du maître minimaliste, c'est un renouveau mélodique différant substantiellement de ses autres ouvrages. Avec ses volutes d'arpèges, Glass réussit une nouvelle fois à nous ensorceler, et l'on reste hypnotiser tout au long de ses trois longs mouvements.
C'est un habitué de Glass, mais ce n'est pas son orchestre habituel que nous avons là. Le Vienna radio Symphony Orchestra a cédé sa place à une phalange américaine qui est sa parfaite image, même sonorité vaporeuse, peut être un brin plus claire cependant, même dynamique, même attrait. Russel Davies est toujours un très bon apôtre pour Saint Philip, et la musique semble respirer à tout instant.
L'on prend un grand plaisir à nous laisser bercer par ces douces sonorités, et la " pâte " sonore que nous offre chef et orchestre est d'une fort belle qualité.
Note : 16/20 Enregistrement : A 20/03/01