1) I Capulleti e i Montecchi
Le mythe de Roméo et Juliette une nouvelle fois visité, mais de quelle manière. La musique est un délicieux melting pot de Rossini avec une pointe de Verdi (juste une pointe), et un soupçon de Wagner (mais juste un soupçon, qui se traduit pour l’essentiel dans le grandiloquent des ensembles). Le tout étant d’un attrait irrésistible, et la scène finale fait regretter que le spectacle n’ait pas duré plus longtemps.
On approche de la perfection, et jamais on n’aurait supposé Bellini si attractif. La direction de Runnicles, que l’on savait à son aise dans le répertoire moderne (cf Harvez Milk de Stewart Wallace), est débordante de vitalité, il sait faire vibrer chaque note, chaque intonation de sa phalange. Un intrumentarium particulièrement méritoire, aux multiples qualités, et à la sonorité extrêmement agréable. Mais reconnaissons que ce qui nous a attirer ici, c’est la distribution vocale, et là, accrochez vous.
Car si la soprano coréenne nous était totalement inconnue (ou quasi), sa voix au délicat velouté nous a rapidement séduit, même si les aigus ne sont pas toujours très heureux. Si les basses ont déjà été fréquenté de près ou de loin avec bonheur, les deux perles sont le ténor Paul Groves, aux aigus radieux et à la voix chaleureuse, et la fulgurante Jennifer Larmore qui signe ici l’un de ses plus beaux rôles au disque. La mezzo américaine domine l’ensemble par une présence vocale grandiose, et une dextérité dans les vocalises et les registres extrêmes qui laisse pantois.
Un très beau disque, par des interprètes d’exception.
Note : 19/20 Enregistrement : A
Berlioz est toujours perçu comme le romantique français par excellence, loin de briser cette image, cet opéra semble néanmoins arriver comme un cheveu sur la soupe, car il s’agit là d’un opéra comique, et non d’une tragédie si coutumière aux romantiques. L’œuvre s’appuie sur la pièce de Shakespeare : Much ado about nothing, mais faisant ici tout tourner autour des amants terribles que sont Béatrice et Bénédicte, deux prototypes du « je t’aime, moi non plus ». Certes, l’on ne rie pas comme chez Offenbach, mais l’on sourie de bon cœur devant la niaiserie des situations.
Comment concilier les grands sentiments amoureux que Berlioz tente de faire passer aux travers de la majorité des pages, et le côté comique de la situation ? Voilà toute la problématique, car soit l’on prend l’œuvre au sérieux (i.e. Grand déballage sentimental, genre roman à l’eau de rose) et cela en devient à la fois ridicule (tout le monde sait comment cela va finir alors inutile de tant tergiverser) et même lassant ; soit au contraire on pousse le vice jusqu’à l’extrême afin que le ridicule sorte de lui même.
Malheureusement Nelson se situe juste entre les deux, un coup sérieux, et l’instant suivant ironique ; entre les deux mon cœur balance ... Pourtant sa direction est des plus vive et assurée, mettant en valeur les coloris exceptionnels de l’orchestre de l’opéra de Lyon. On regrettera le manque de piquant de Sylvia McNair, mais on saluera le talent de Susan Graham, et la performance de Jean Luc Viala. Gabriel Bacquier déçoit quelque peu dans le rôle du maître de chant, bougonnant plus qu’autre chose. Les solistes du choeur ne sont pas non plus des plus heureux, alors que l’ensemble s’en tirent plus que correctement.
Humeur mitigée donc, que cette interprétation ci ; d’indéniables moments de pur beau chant, mais l’on ne sourit guère ...
Note : 14/20 Enregistrement : A
La Grande Messe des Morts, comme l’appelait Berlioz, une œuvre colossale de part son envergure et son imposante mise en place. L’exaltation du romantique dans son dernier voyage, l’ultime, celui vers la mort. C’est grand, c’est fort, c’est puissant ...
L’interprétation de Dutoit a de quoi surprendre. La plupart des chefs abordent l’ouvrage avec tout l’abattage romantique de rigueur : violence des sentiments, attaques nettes et franches, mais aussi tendresse exacerbée, délicatesse des coloris ; et surtout variation des climats à tout rompre. Dutoit n’est pas de ceux là, il se contente de deux termes : grandeur et tendresse. Grandeur dans les passages que l’on traite d’ordinaire avec rage et fureur (Dies Ira, Tuba Mirum), tendresse et délicatesse ailleurs. On ne berce pas ici dans un étalage des capacités pulmonaires des choristes ou des cuivres, ni dans l’athlétisme des percussionnistes, Dutoit mène sa barque (son arche, vu la taille ...) avec raisonnement, tact, et une assise toute particulière.
Aucun déchaînement, aucun déferlement, tout est posé, réfléchi. Les grandes fresques déclamatoires en perdent de leur puissance, et ne conservent que leur grandeur, leur maintien ; les autres passages sont parmi les plus délicats entendus. Dutoit ne cherche pas à impressionner, il cherche simplement la beauté. La beauté d’un son, choeur et orchestre possèdent de magnifiques coloris, beauté aussi d’une situation : le requiem perd son côté « pompeux » pour en devenir plus intimiste.
L’orchestre possède outre un son magnifique de fort belles palettes, mais aussi des faiblesses, notamment du côté des cuivres et des percussions, cela expliquerait-il le choix du chef de si peu les mettre en avant ? J’en doute un peu personnellement. Le choeur est sublime de lisibilité et de beau chant, les voix sont idéales, douceur au timbre suave. Autre douceur que le ténor John Mark Ainsley dans un répertoire qu’on ne lui connaissait pas encore. La voix est splendide, même si la partie est un peu haute pour lui, et le plaisir qu’il nous donne dans sa seule intervention (Sanctus) nous fait oublier tous ses petits travers.
Dutoit nous emmène sur un nouveau chemin, celui de la sérénité ... allons-nous le suivre ?
Note : 15/20 Enregistrement : A
La seule véritable symphonie de Berlioz, considérée par beaucoup comme son chef d'œuvre, mais tout autant dénigrée par d'autres. Dans tous les cas, l'ouvrage ne laisse pas indifférent, on aime ou on déteste, mais on ne reste pas indécis. Cette Fantastique ne ressemble à aucune autre symphonie, et s'apparente plutôt à un vaste poème symphonique en 5 actes ; un véritable trésor, un bijou d'orchestration.
i) John Eliot Gardiner Orchestre Révolutionnaire et Romantique
Gardiner dans Berlioz, cela nous avait déjà valu une Messe Solennelle redécouverte pour notre plus grand bonheur, ici c'est à nouveau pour notre plus grand plaisir que nous retrouvons le chef anglais à la tête de son orchestre " modernisé " (mais toujours sur instruments d'époques !).
C'est avant tout sur l'orchestration que Gardiner a travaillé, rendant hommage ainsi au maestro des orchestrateurs, et le résultat est surprenant. Les timbres des instruments " anciens " semblent s'accorder avec merveille à cette musique tourmentée, protéiforme, et nous réservent les plus belles découvertes. Un régal de tous les instants pour les oreilles. Le mordant des cuivres (ces trombones !) , l'attaque des percussions, le rire des bois ... tout est là pour nous offrir un spectacle fascinant.
Mais Gardiner reste Gardiner, et le chef n'est pas toujours des plus dynamiques qui soient, non que cela traîne çà et là, tous les tempi sont " corrects ", mais cela manque parfois d'élan, et une nouvelle fois, on a le vague sentiment que Gardiner " s'écoute ", afin d'obtenir le plus beau son qui soit. Le pari est gagné, assurément l'orchestre Révolutionnaire est d'une beauté sans pareille (en dépit de la sécheresse calamiteuse de l'acoustique de la grande salle du conservatoire de Paris), mais l'on aurait aimé que le chef insuffle un brin de nervosité de temps en temps, pieux vœux, peut être la prochaine fois ...
Note : 18/20 Enregistrement : A- 14/03/01
Et la fameuse scène de la folie ... quelles sont les sopranos qui ne se sont jamais frottées à ces pages ? En fait, peu de personnes connaissent autre chose de l’ouvrage, qui est loin de se limiter à ce seul passage, bien au contraire. Mais l’histoire en à sans doute voulu autrement, et bien souvent les pages ont été remaniées, et comme pour les héroïnes de Puccini, l’on a fait de Lucia le personnage central de l’opéra, alors que son rôle n’exige pas l’exclusivité ...
Mackerras est un grand spécialiste de « l’authenticité » avant l’heure. Il fut le premier « baroqueux » de l’histoire de la musique sans aucun doute, dans sa recherche perpétuelle pour retrouver les us de l’époque pendant laquelle une oeuvre a été composée. L’on connaît son travail sur l’interprétation des grands oratorios handéliens dans les années 70, puis celui sur les opéras mozartiens, en recourant pour partie aux instruments anciens dans ce dernier cas. Ici, Sir Mackerras va plus loin en prenant la direction du Hanover Band, ensemble jouant entièrement sur instruments d’époques.
A première vue, cela peut paraître bizarre, et assez étrange : Donizetti sur instruments anciens ! Au demeurant, le résultat est loin d’être désagréable. La tradition se trouve être relativement bousculée par le chef, qui choisit aussi la version « originale » de l’ouvrage, sans les manipulations infligées par le temps et les tendances diverses.
Les instruments anciens donnent un cachet à l’opéra tout à fait inédit, le parant d’atours inédits, et remettant en premier plan l’accompagnement auquel il est généralement relégué. L’orchestre n’est plus dans l’ombre, c’est même lui qui prends le devant de la scène, car si le chef fut heureux dans son choix musicologique (discutable, mais osé, et concluant au final) il le fut un peu moins dans le choix de ses protagonistes, en fait essentiellement pour l’une d’entre elle : le rôle titre.
Si les intervenants masculins sont dans l’ensemble d’un niveau très rassurant, avec en particulier un Ryland Davies au mieux de ses capacités, et un Anthony Michaels-Moore au baryton léger des plus agréables, l’on émettra plus de réserves quant à Bruce Ford fort empêtré dans un vibrato excessif ; du côté féminin c’est plutôt la débandade ... Si Louise Winter n’est pas une mezzo désagréable, mais manquant singulièrement de présence, sa camarade est à la limite de l’insupportable. La voix est chevrotante, les aigus, en dépit d’un savant calcul, pas toujours bien placés, le timbre placide ... la seule scène à peu près acceptable (la seule réellement travaillée ?) est celle tant attendue, le reste est regrettable.
Ainsi, ici, ce n’est pas tant le triomphe de la voix (le choeur est lui aussi juste acceptable) que vraiment celui de l’orchestre, présent de bout en bout, aux sonorités magnifiques (la harpe est un délice) et au maintien remarquable, et aussi celui du chef. Un Mackerras qui croit dans la musique, et assume ses choix de la première note à la dernière, animant l’ensemble avec sa verve habituelle, mais malheureusement peu heureux quant au choix de son héroïne ...
Note : 14/20 Enregistrement : A
Qui pouvait croire que ce grand dramaturge devant l’éternel était capable d’écrire aussi un opéra comique ? Et de la plus belle manière qui soit ! Cela ressemble un peu à Offenbach (pour ne pas dire beaucoup !) avec un zeste de truculence en moins, et un brin de raffinement en plus (à deux ou trois choses près qui ne font guère dans la dentelle). Cela frappe un peu vis à vis du Donizetti que l’on connaît, mais c’est tellement agréable et léger qu’il serait stupide de ne pas y prêter une oreille.
Outre l’ouvrage qui nous surprend, de par sa légèreté, on l’est aussi par la distribution qui se présente à nous. Qui pouvait croire que tout ses braves chanteurs et chanteuses étaient capables d’une telle truculence ? Pour ma part, je ne les en croyais pas capable, et bien j’avais tort ! Car outre leurs évidentes capacités vocales, leur talent de comédien n’est pas à négliger, et si l’on atteint pas des sommets de drôleries comme avec leurs jeunes successeurs (Dessay, Naouri ou autre Minkowski dans leur Orphée Offenbachois) on se fend quand même bien la poire de ci et de là, et l’on reste coi face aux prouesses de chacun.
Bonynge n’a pas d’ordinaire la baguette gracile, mais ici il se fait léger, par totalement relâché mais suffisamment pour faire vivre cette musique pétillante et sémillante. L’orchestre et le choeur du Covent Garden sont de fort bon ton et nous enchantent, comme d’ailleurs l’ensemble de la distribution. On y trouve avec joie une Sutherland plus folle que jamais, un brin précieuse de temps à autre, mais totalement disjonctée dès qu’il est question de faire son « show ». Pavarotti a encore de la voix et n’hésite pas a en user à fort bon escient. Mais les deux grandes personnalités sont Monica Sinclair et Jules Bruyères, tous deux parfaits et irresistibles.
Une magnifique œuvre servit avec courage et vaillance d’une fort belle manière. Un régal absolu !
Note : 17/20 Enregistrement : A-
La musique anglaise à connu un grand vide entre la mort de Händel et l’avènement de Elgar, ne laissant quasiment aucun compositeur d’importance dans l’esprit populaire. Avec Elgar, on croirait que toute l’Angleterre se remet à vivre, musicalement parlant, et l’on se persuade que cette traversée du désert est belle et bien terminée. Elgar symbolise à lui seul ce que peut représenter le romantisme anglais, en une sorte d’opposition à ce que ce même courant a put donner sur le vieux continent. Chez Elgar, on parle peu de la nature, on s’intéresse peu aux sentiments mielleux, pour ne pas dire sentimentalisme, que des gens comme Schubert ou d’autres ont put exalter dans le reste de l’Europe. Avec Elgar, le seul sentiment qui semble connaître, et reconnaître, c’est l’amour, mais l’amour de la patrie. La couronne britannique, bien sûr, mais aussi d’autres pays, y compris celui qu’il semblait attendre : celui de Dieu. Certains pourront trouver sa musique par trop insulaire, mais ils devront bien admettre que le sentiment patriotique britannique est, à l’instar de son empire d’alors, exagérément développé, et c’est pour cela que son œuvre a tant marquée l’esprit et les coeurs de ses compatriotes.
Les oeuvres de circonstances de Sir Elgar sont nombreuses, on pense aux fameuses Pomp & Circumstances Marches, ici, cette ode de couronnement pour le roi Edouard VII en 1902 est toute en ampleur et en grandeur, sans pour autant tomber dans la pompe des dites marches (de composition antérieure) dont la première d’entre elles connaît néanmoins ici des réminiscences sur le texte maintenant devenu célèbre : Land Of Hope & Glory. Bien moins démonstratrice et spectaculaire que les œuvres similaires qui pourront suivre de la main de Walton par exemple, cette ode contient une solennité et un maintient qui font que sa portée dépasse la simple « pièce obligée » que trop d’ouvrages de ce type semblent revêtir ailleurs. De la grandeur, pas de luxe inutile.
Cette œuvre n’est pas un tube, et ces enregistrements peuvent aisément se compter sur les doigts d’une main, surtout si celle ci est anglaise, aucun non insulaire ne s’y étant frotté, comme cela est malheureusement trop souvent le cas avec la musique de Elgar. Sir Alexander Gibson, à la tête d’une formation écossaise, met en avant tout ce qui fait de lui un loyal sujet de sa royale majesté : « Sir ». C’est avec aplomb que ce Sir entre dans Westminster, suivit par une formation qui manifestement ne pourra jamais trouver toute sa place dans le péristyle de l’église.
L’orchestre est d’une richesse grandiose, et la main de fer de Gibson nous entraîne dans les moindres méandres de cette musique si prenante, si touchante. Les choeurs n’ont pas la précision qu’on leur aimerait connaître, mais ne sont ils pas là uniquement pour se faire entendre ? Les solistes, à défaut d’être précis, sont parfaitement engagés. Remarquons le jeune Anthony Rolfe-Johnson, l’enregistrement date de 1977, qui semble s’être fourvoyé dans cette musique trop tendue pour sa voix, et qui n’est pas aux meilleurs de sa forme.
Une interprétation remarquable de maintenue, de force dramatique, mais que l’on aurait aimé plus soignée. L’engagement de tous est là, la beauté peu être ailleurs.
Note : 15/20 Enregistrement : B+
2) Variations on an Original Theme : « Enigma »
De toutes les oeuvres de Elgar, il s’agit là de l’une des plus jouées avec les Pomp & Circumstance Marches, il s’agit aussi à mon sens de l’une de ses plus belles compositions. L’œuvre est tout en finesse et en délicatesse, mais regorge d’une puissance intérieure inouïe. Les climax succèdent aux passages de grande poésie, et les mini portraits que le compositeur dresse de ses amis et de ses connaissances sont autant de petites scènes à déguster sans aucune modération.
La baguette de Barenboim est à la fois souple, agile, et d’une tendresse infinie. Le chef américain dirige le London Philarmonic comme un insulaire né, c’est à dire avec tout l’esprit qui sied à une musique aussi anglaise que celle de Sir Elgar. Il ne privilégie pas tant la minutie de l’orchestration que la pâte sonore en elle même, cherchant plus l’homogénéité que le détail, la subtilité. Et l’ouvrage avance, tel un déluge, un incessant flot de notes, nous emmenant avec lui, impuissant, bercé par ce doux ronronnement.
Le Philarmonic ne possède pas les couleurs les plus mielleuses pour une musique aussi charnelle, mais la direction du chef y aidant, il tire de ses qualités le plus bel effet, compensant quelques insuffisances de ci de là. De plus le choix des tempis est d’une justesse absolu, ce qui fait de cet enregistrement, en dépit des multiples défauts qu’il peut avoir par ailleurs, sans aucun doute l’un des meilleurs qui soit.
Note : 17/20 Enregistrement : B
On peut dire que le thème marin a beaucoup inspiré les compositeurs anglais, de Vaughan Williams à Britten, sans oublier Bridge. Elgar nous offre une vision très romantique et tendre des flots, l’une des plus belles évocations du monde de la mer et de la vie l’accompagnant.
La direction de MacKerras a toujours ce côté britannique si raffiné qui la rend irrésistible d’autant plus lorsqu’il s’agit effectivement de musique anglaise, et à fortiori lorsqu’il s’agit de pages romantiques. Il mène les couleurs chaleureuses du Royal Philarmonic avec grâce et douceur, accompagnant chacune des inflexions de la chanteuse, mais sait aussi faire étalage des grandes envolées lyriques typiques à cette musique.
On connaît les talents de Della Jones dans le répertoire baroque, chez Händel tout particulièrement, on la découvre ici sous un jour nouveau. Malheureusement ce qui fait tout son charme dans le répertoire ancien, ne le fait pas nécessairement ici. Le timbre n’est guère adapté à ces oeuvres, pour ne pas dire rebutant, en dépit d’un phrasé parfait. On aurait préférer moins de raideur et d’aspérité dans la voix, en somme, là n’est pas la place de miss Jones, dommage car ses qualités dramatiques sont évidentes.
Une œuvre magnifique desservit avec foi par ses interprètes mais qui malheureusement n’atteint pas le but escompté, vraiment dommage.
Note : 14/20 Enregistrement : A
Mendelssohn aimait Bach, comme tout bon allemand, on le sait (sa réorchestration d’une des passions du cantor le montre), mais Bartholdy séjourna à Londres quelques temps, et comme tout bon anglais, il aimait aussi Händel. Cruel dilemme. Prenons de l’un, et de l’autre, un petit sujet sacré, et hop voilà un joli oratorio : Paulus, en allemand, pour faire plaisir à ses compatriotes (le suivant sera en anglais), avec de nombreux chorals alla Bach, et des grands choeurs tonitruants alla Händel. On assiste donc à un bel amalgame de tout ce que l’on peut aimer de l’un et de l’autre des compositeurs sus cités, avec pour lier l’ensemble des airs qui tendent parfois vers l’un, ou alors vers l’autre. Un beau travail de synthèse en somme, qui ma foi réussit à conserver un ensemble cohérent.
On le pensait être la nouvelle étoile montante, spécialiste de Mendelssohn, et puis pouf, il a quasiment disparut de la surface ... Spering où êtes-vous ? Revenez nous, on vous aime nous. Du moins ici. Car cette direction tranchée comme un couteau de boucher, ce sens de la musique, de l’inflexion, tout est là pour nous faire apprécier une musique hautement dramatique qui peut facilement tomber dans la banalité et le mauvais goût (ou alors l’ennui total).
Les chanteurs sont tous des plus honnêtes et aucun ne nous déçoit, le choeur est un peu léger mais il y met de la fougue et les voix sont belles. Ce qu’il faut saluer en tout premier, c’est l’orchestre (et on sait tout le travail du compositeur dans ce domaine), parfait de bout en bout, avec une couleur, un maintien, une puissance (cf le « Mache dich auf » avec son introduction apocalyptique et son déchaînement), un régal de tous les instants.
Un enregistrement « haut de gamme » qui nous comble en de maints points.
Note : 18/20 Enregistrement : A
Contemporain de Sir Edward Elgar, la musique de Vaughan Williams en est sa proche parente. Il est un fait commun que la musique anglaise possède un son particulier, reconnaissable parmi tout autre, cela en est d’autant plus vrai pour les romantiques anglais de cette époque. La musique de Vaughan Williams possède une force intérieure, une puissance évocatrice, hors du commun, et en cela elle rejoint celle d’Elgar. Pourtant les deux compositeurs diffèrent, dans les nuances, dans la subtilité, dans l’évolution même de leur musique. Williams est un maître de l’art choral, Elgar est plus à l’aise avec l’orchestre, mais tous deux possèdent cette touche britannique qui les rend inimitables, et indispensables.
1) Symphony n°1 : A Sea Symphony
Pour son premier ouvrage symphonique (il en composera neuf au total), Vaughan Williams se rattache à un domaine qu’il connaît bien : le chant choral. C’est donc à une grande symphonie avec choeur que nous avons droit, mais pas dans l’optique de Beethoven, plutôt dans celle de la symphonie des milles de Malher, avec une place encore plus grande réservée aux choeurs, laissant les deux solistes jouer les accompagnateurs. L’œuvre est d’une envergure inouïe, en quatre mouvements impressionnant de par leur carrure, se rattachant à un des thèmes préféré des romantiques de tous pays, de Delius à Debussy : la mer et les océans. Car ici, ce n’est pas la mer, mais bel et bien un océan (comme la première monture de l’ouvrage s’intitulait) qui nous submerge en un flot majestueux, qui n’est pas sans nous rappeler les grands ouvrages postérieurs de Walton. De la puissance des vagues, en passant par la délicatesse de la bise, tout est réuni ici pour un des plus beau tableau du monde marin qui nous est été donné d’entendre.
Voici le premier jalon de l’intégrale menée par le chef anglais. Son entente avec la musique de son compatriote semble des plus cordiales qui soit, et c’est d’une main assurée que le chef emmène ses troupes sur un champ de bataille clairsemé d’embûches.
Le London Symphony sonne magnifiquement, et l’on comprend pourquoi un autre Williams lui confie l’exécution de ses ouvrages. Les grandes musiques de « circonstances » plaisent beaucoup à ces émérites musiciens, qui mettent toute la verve et l’énergie nécessaire pour rendre ses pages les plus radieuses qui soient. Thomson connaît cet orchestre avec maint détail, aux splendides coloris cuivrés et écarlates, et c’est tel un peintre que le chef guide ses musiciens sur la toile sonore qu’il construit au fur et à mesure. Une toile qu’occupe pour large partie un choeur en grande forme, très engagé, un brin timoré de temps à autre, très délicat ailleurs, aux voix bien placées, et de grande homogénéité.
Même si leur rôle apparaît comme secondaire, il en est néanmoins essentiel, et les solistes ne sont malheureusement pas les meilleurs qui soient. La part ailleurs excellente Yvonne Kenny est ici dans une partie manifestement trop aiguë pour elle, et la voix se fait criarde et pincée dans le registre extrême. Son compagnon s’en tire mieux qu’elle, même si le reproche pourrait être similaire et antagoniste : le rôle semble trop grave pour son timbre léger et délicat, et il manque de la rudesse et du panache que ses lignes demandent. En lieu et place de témérité l’on a droit à une sorte de retenue en vérité fort mal venue.
L’ensemble se veut d’une grande qualité, et l’on ne viendra seulement qu’à regretter ce léger manque d’attaque dont le chef semble faire preuve. Il ne veut pas frapper l’oreille, il la caresse, accentuant juste suffisamment çà et là pour montrer ses crocs. Mais la mer n’est pas seulement celle qui prends les marins par surprise, déferlante et rugissante, et en cela Thomson rend parfaitement justice à cette grande étendue qui nous a tous un jour ou l’autre fasciné.
Une belle interprétation, magnifiquement dirigée, aux choeurs mirifiques, idéalement équilibrée entre torpeur et délicatesse, toute la mer en somme ...
Note : 16/20 Enregistrement : A
1) Der Freischütz
Sans aucun doute la seule œuvre du compositeur connue par le « grand » public, sur l’unique base du célèbre choeur des chasseurs, et même si ce choeur particulièrement entraînant ne démérite en rien (bien au contraire) l’ouvrage possède également d’autres perles à ne pas négliger: des choeurs enjôleurs, et des airs engageants.
La baguette de Kleiber possède ce côté sûr et rassurant que l’on aimerait connaître à plus de chefs « classiques», mais y en a-t-il encore de ces bêtes là ? Des chefs qui ne s’adonnent qu’à un répertoire en particulier : classique, romantique, contemporain ? Maintenant tout le monde touche à tout, un bien, un mal ? A dire vrai, tant que le résultat est là, on ne se soucie guère du reste.
La direction de Kleiber file droit, comme un métronome, peut être un brin trop par certains moments où un soupçon de fantaisie rythmique aurait été des bienvenus. Et c’est avec un gant de fer qu’il mène tout son joli monde. Janowitz et Mathis sont toutes deux fines musiciennes et assument leurs rôles sans grande peine, les voix sont belles, avec ce côté « vieille école » que l’on ne connaît plus. Côté masculin, la distribution est tout aussi belle et si on excepte le décidément détestable Peter Schreier et son brin de voix usé jusqu'à la corde, les autres protagonistes sont des plus recommandables, Theo Adam en tête.
Mais les louanges incombent avant tout à l’orchestre de Dresde, mirifique, aux couleurs grandioses, et aux cors (de chasse, naturellement !) mordants au possible, abondamment utilisés dans ces pages rupestres. Palmes toutes particulières aussi à la phalange masculine du choeur de Leipzig gonflée à bloc pour « son » grand show.
Une interprétation dont l’intérêt tient donc surtout par son côté « grand spectacle », mais qui demeure de loin des plus fréquentables.
Note : 15/20 Enregistrement : A