Mes critiques de disques Nationaliste

 

Léo Delibes

Leos Janacek

Zoltan Kodaly

Franz Lehar

Jacques Offenbach 

Giacomo Puccini

Sergei Rachmaninov

Gioachino Rossini

Johann Strauss

Arthur Sullivan

Giuseppe Verdi


Léo Delibes (1836-1891)


1) Lakmé

 

i) Plasson Natalie Dessay (s) : Lakmé G. Kunde (t) : Gérald

J. Van Dam (b) : Nilakanta F. Leguérinel (br) : Frédéric

Etc.

Choeur & Orchestre du Capitole de Toulouse

 

L’œuvre qui avait immortalisé des chanteuses telles Mado Robin et Lilly Pons, avec ce fameux air des Clochettes et ce magnifique duo des fleurs. Lakmé n’est bien trop souvent connu que pour ces deux seuls extraits, certains iront dire que cela suffit largement, certes la musique n’est pas toujours d’une grandeur bouleversante et d’une inventivité constante ; mais Lakmé recèle quelques très beaux moments de pure beauté vocale. Plasson l’a d’ailleurs très bien compris en réunissant une équipe aux qualités vocales évidentes : la splendide, grandiose, magnifique, divine, et j’en passe des superlatifs : Natalie Dessay, en tête. Car Lakmé, c’est de la magie vocale, la beauté du son pur de la voix; ce n’est pas une histoire d’hommes, c’est une histoire de voix divines.

Plasson a exploité à fond la beauté vocale de chaque de ses chanteurs, si certains présentent un français assez approximatif, un peu trop articulé, tous possèdent des timbres gracieux. Ne parlons pas de Mme Dessay, toujours parfaite. Le ténor Grégory Kunde, en dépit de son manque d’affinité avec la langue de Molière, possède un timbre fort mélodieux et mielleux, tout à fait à propos ici, il incarne le parfait amant de la belle hindou. L’antique José Van Dam demeure d’un aplomb remarquable, à la voix superbe, dans le rôle du père déchiré. Les autres solistes sont également fort appréciables, en particulier Melle Petitbon qui incarne un dame Ellen tout en finesse et en délicatesse.

La direction de Plasson, quelques fois un peu lascive, se veut doucereuse, désireuse de s’attacher à la beauté de la musique et du son pur, au détriment peut-être de l’action. L’air des clochettes, tant chanté auparavant, peu en cela apparaître un peu désavantagé par une lenteur exagérée, qui fait que l’effet virtuose tombe à plat, tout en gagnant d’un autre côté en dramatisme. L’orchestre du Capitole sonne à merveille, laissant s’épancher ses sonorités les plus riches.

L’interprétation est de très grande tenue, même si certaines prises de position semblent exagérées et non justifiable. La meilleure version à ce jour, au demeurant.

 

Note : 18/20 Enregistrement : A

 


Leos Janacek (1854 - 1928)

 


Kata Kabanova

Osud

 

Les Tchèques ont toujours été de grands musiciens, et aussi de grands compositeurs, mais l’Europe, c’est bien connu, s’arrête à Vienne ... et le public européen (pour ne parler que de lui, par ailleurs si « réceptif ») ceci aussi c’est bien connu, a bien du mal avec ce qui est derrière, à l’est, ou alors de l’autre côté des eaux, aussi mince puissent elles être. Janacek dut faire traduire ses oeuvres pour espérer un quelconque regard de la part des « gens de l’ouest ». Il est vrai que la langue tchèque n’est pas ce qu’il y a de plus savoureux pour l’oreille et ce qu’il y a de plus commode à prononcer ... Il en va de même pour le Russe, mais les russes ne supportent pas les tchèques, les tchèques le leur rendent bien, et nos si amicaux voisins européens ne supportent ni les uns, ni les autres ! D’où les mutilations linguistiques subies par les ouvrages en ces langues. Heureusement, les temps ont changé, et continuent à changer, et maintenant cela ne choque plus personne d’entendre une œuvre dans sa langue « maternelle » même s’il ne comprend pas traître mot à ce qui est dit : on a inventé le surtitrage. La musique de Janacek, même si il ne l’a pas réellement admis au cours de son existence, est profondément slave, et même si elle s’astreint à une écriture plus « européanisante », elle reste ancrée dans des mélodies étrangères à des oreilles « d’ici ». Comme beaucoup de slave, sa musique est faîte de chair et de sang, mais aussi de beaucoup de bonne humeur et de gaieté. A mi chemin entre « l’Europe » et la Russie, c’est une musique capable de séduire beaucoup de monde.

 

1) Kata Kabanova

 

Pardonnez la syntaxe, je ne possède pas de clavier tchèque et vouloir placé les divers accents relève du génie. L’ouvrage est étrangement puccinien aussi bien dans sa conception que dans sa composition. Une femme amoureuse, comme beaucoup d’héroïnes pucciennes, se consume d’amour au sens premier du terme, achevant l’ouvrage par son suicide, comme beaucoup d’héroïnes pucciniennes ... Le tout donne lieu à de grandes envolées lyriques, de véritables « climax » à l’anglaise, comme dans maints ouvrages de Puccini ... Mais ce n’est pas Puccini ! Et ceci pour de multiples raisons. D’abord Kata, ce n’est ni Mimi, ni Tosca, ni Butterfly, toutes ses femmes peuvent être vu sous deux points de vue : soit des femmes fatales, sûres d’elles et de leurs actions ; soit comme des femmes sensibles, subissant le destin plus que l’influant. Kata ne peut avoir cette ambivalence, c’est une femme faible, bonne épouse, bonne belle-fille, subissant sans broncher les brimades de la mère de son mari, et les remarques offensantes de ce dernier (bien qu’il soit profondément amoureux d’elle), elle subit sa liaison plus qu’elle ne la provoque, et le destin s’impose à elle, ne lui laissant pas d’autre choix que la fuite, et par la fuite, la mort. Il ne pouvait en être autrement. Ensuite la musique, si Puccini portait ses climax jusqu’au bout, Janacek semble couper l’herbe sous le pied de l’auditeur, le laissant sur sa faim, le frustrant quelque peu. Enfin, l’âme slave qui coule dans cette partition, ces mélodies si caractéristique, rien de l’italianisme que l’on trouve chez Puccini. On disait de Kata que c’était du Puccini ... en moins bien. Je dirais plutôt que c’est comme Puccini, mais autrement ...

 

i) Sir Charles Mackerras E. Söderström (s) P. Dvorsky (t)

N. Kniplova (s) V. Krejcik (t)

O. Marova (s) D. Jedlicka (t)

 

Wiener Staatsopernchor

Wiener Philarmoniker

 

Sir Charles fut le premier à introduire en « Europe » la version originale (i.e. non traduite) de l’œuvre. Il nous propose donc là ce qui semblerait être la version « officiel » de l’ouvrage. La direction de Sir Charles est d’une précision absolue, et elle laisse vivre le drame à sa propre vitesse, sans forcer sur la théâtralisation de la partition. Le drame avance, avec tout ce qu’il peut charrier comme émotion. Les chanteurs, la quasi totalité tchèques, en font autant. On ne force pas, ni d’un côté ni de l’autre, mais le drame vit, là, devant nous, les émotions se suivent et nous touchent. On ne s’épand pas, comme on pourrait aisément le faire chez Puccini, on extériorise moins les sentiments, ils vivent, point.

Les Wiener Philarmoniker sont extraordinaires de maintien, et de beau son. Les chanteurs sont dans l’ensemble excellent, avec juste un bémol pour le Tichon un peu aigrelet de Krejcik. Söderström n’est pourtant pas la femme faible que l’on pourrait attendre, c’est une femme de caractère, comme beaucoup de slave en fait ! Mais elle n’en demeure pas moins touchante, et ce caractère apparaît bien comme un façade. Le véritable problème est autre, les différentes voix se mêlent et s’emmêlent de telle manière que l’on a du mal à suivre qui est qui et qui chante quoi. Les mezzo sont en faîtes des sopranos, les barytons tirent sur les ténors, et les trois ténors ont des voix confondantes de similitudes. Ce manque de différentiation nuit donc quelque peu à l’ensemble, et l’on se perd vite ...

S’il n’y avait ce détail, on serait ravi. On pourrait espérer plus de théâtralité, plus de rutilance, que cela sonne plus comme du Puccini, cette vision peut aussi se défendre, mais celle ci est fort bien.

 

Note : 16/20 Enregistrement : A

 

2) Osud

 

La genèse du livret et de l’œuvre en elle même est comparable à la musique de l’opéra : tumultueuse, débordante de vie, mais de drame aussi. Si l’ouvrage composé par Jancek fut terminer en 1914, il fallut attendre 1958 pour le voir monter sur une scène. Le livret est en partie autobiographique, et la musique est l’une des plus fortes du compositeur, comme si les notes de la partition avaient été tracé en notes de sang. L’écriture est vive, acérée, tourmentée, et ne peut laisser personne indifférent. Si la composition fait penser toujours à Puccini, nous là un Puccini des grands jours, profondément humain, et exaltant à souhait le moindre sentiment : amour, douleur, peine, couleur, bonne humeur. Trop peu connu, cet ouvrage gagne à l’être.

 

i) Sir Charles Mackerras Helen Field (s) Philip Langridge (t)

Kathryn Harries (s) Etc.

Orchestra & Chorus of Welsh National Opera

 

Sir Charles nous propose la version anglicisée de l’ouvrage du compositeur tchèque, est-ce un mal ? Pas vraiment, car l’opéra possède un je-ne-sais-quoi qui rappelle les ouvrages anglais de Britten ou encore ceux américains de Aaron Copland. La musique est à la fois légère et robuste, douce et puissante, et la direction du chef met en exergue toutes les facettes de cette splendide composition. Les trois principaux solistes font partie des « stars » anglaises, avec en tête de liste le ténor Philip Langridge.

Grand spécialiste de la musique de Britten, Langridge met ici tout son talent au profit de Janacek, et si les quelques maniérismes bien connus du chanteur (notes hautes un peu nasillardes, tendance à s’écouter), qui font merveilles chez Britten, sont ici un peu hors de propos, l’artiste incarne un compositeur extraordinaire, engagé. Ses collègues féminines sont tout aussi méritantes. En particulier Helen Field, touchante de beauté et de délicatesse, plus que Kathryn Harries à la voix un peu aigrie et aux aigus forcées, mais « mère » admirable de démence. Les autres solistes sont d’un niveau des plus enviables, en particulier le Dr Suda de Stuart Kale, à qui le rôle du compositeur aurait parfaitement put échoir.

Le choeur de l’opéra du Pays de Galle est à la hauteur, tout comme l’orchestre, aux coloris particulièrement chatoyants.

Sir Charles Mackerras montre une nouvelle fois son affinité avec la musique tchèque, dans une traduction anglaise qui n’enlève en rien à la beauté de l’ouvrage. Ce « Destin » si tragique, nous prend à la gorge de bout en bout, et l’on sent son cœur palpiter au rythme des coups de la grosse caisse ...

 

Note : 17/20 Enregistrement : A

 


Zoltan Kodaly (1882 - 1967)

 


1) Hary Janos Suite

 

Tirée de l’opéra Hary Janos, cette suite orchestrale montre tout le talent d’orchestrateur du compositeur hongrois, et aussi ses capacités de « metteur en musique » tant les images qu’il se veut dépeindre nous semblent proches au travers de ces lignes. On remarquera l’inventivité et la richesse des climats, ainsi que des instrumentistes mis à contribution: cloches, violoncelle solo, trompettes avec sourdine, et surtout un instrument typiquement slave : le cymbalum.

 

i) George Szell Cleveland Orchestra

 

Comment coller à merveille à une musique si profondément ancrée dans une culture qui nous est peu ou prou familière ? Je crois que Szell a trouvé réponse à cela. L’orchestre vibre sous sa baguette, rendant pleinement justice à ces pages si envoûtantes. On pourra regretter un léger manque de tonus de la part du chef de ci de là, se laissant aller à une espèce de contemplation du luxe de la palette orchestral ici déployée.

Et quelle palette ! L’orchestre de Cleveland nous montre ses plus beaux atours, et la pâte sonore obtenue est de fort belle tenue. Ajouté à cela des solistes des plus recommandables, dont le détenteur du cymbalum, plein d’élégance et de délicatesse à défaut de punch.

Une des versions les plus accomplies, et l’une des plus belles au niveau sonore, mais il manque un véritable élan à l’ensemble, qui la rendrait irrésistible.

 

Note : 17/20 Enregistrement : A

 


Franz Lehar (1870-1948)

 


 1) Die Lustige Witwe

 

Digne successeur de Johan Strauss fils dans le monde de l’opérette viennoise, Lehar signe ici ce qui l’immortalisera dans l’histoire (plus qu’un Tsarévitch ...) , la ressemblance assez flagrante avec le succès de Strauss : Die Fledermaus, en serait-il responsable ? Oui et non. Car si les deux livrets s’inspirent de Meilhac et Halévy (librettistes de Offenbach), celui-ci semble décuplé l’autre : ici il y a plus de fêtes (trois contre une), soit plus d’occasions de danser (spécialité viennoise), et autant d’intrigues amoureuses ... sans compter plus de « russerie » : toute une délégation slave ! Et à l’écoute, finalement, la Chauve Souris n’a pas des allures de joyeuse veuve.

 

i) Gardiner Bryn Terfel (b) B. Bonney (s) B. Skovus (b)

C. Studer (s) R. Trost (t) U. Peper

The Monteverdi Choir

Wiener Philarmoniker

 

Gardiner dans de l’opérette ! Cela peut surprendre plus d’un. On connaissait le chef anglais très éclectique, mais à ce point ! Mais voyez-vous, John est avec les Wiener, et avec eux il se sent vraiment le cœur léger, près à sabrer le champagne et à danser chez Maxim avec de petites Grisetten !

L’équipe qu’il a réunit pour cette beuverie organisée est d’ailleurs une bande de joyeux fêtards bien en voix. Les plus soûls en premier : le choeur, qui de Monteverdi n’a vraiment plus que le nom, déjanté comme il se doit. Les solistes ensuite, avec mention spéciale pour les deux basses et le ténor, très enlevés (écoutez leurs couplets sur les dames !). La Frau Glawari de Cheryl Studer a un petit coup dans l’aile et ses extrêmes ne sont pas toujours très juste, c’est çà de trop fêter. L’orchestre enfin, chez eux, avec leur musique, ils n’ont pas besoin de conduire, alors ils y vont gaiement sur la bouteille.

Tout ce bon monde s’amuse franchement, nous aussi par la même occasion.

 

Note : 17/20 Enregistrement : A

 

 


Jacques Offenbach (1819-1880)


Orphée aux Enfers

Les Contes d’Hoffmann

La Belle Hélène

La Vie Parisienne

La Périchole

Christopher Columbus

 

1) Orphée aux Enfers

 

Sans nul doute l’œuvre la plus célèbre d’Offenbach, immortalisée par le célèbre Galop Infernal : le cancan, où la musique et le théâtre alla Vaudeville y faut bon ménage. Beaucoup ont toujours décrié Offenbach, mais à l’évidence ils n’ont jamais tendu une oreille attentive à ses compositions, ils auraient alors saisi toute l’imagination d’un compositeur prolixe et savamment drôle : les regrets d’Orphée en plagiat de Glück, qui saurait y résister ?

 

 

i) Minkowski Laurent Naouri (b) : Jupiter Natalie Dessay (s) : Eurydice

J-P Fouchécourt (hc) : Pluton Yann Beuron (t) : Orphée

E. Podles, P. Petitbon, S. Cole, J. Smith, V. Gens

Choeur et Orchestre de l’opéra de Lyon

 

Dieu merci ! Voilà enfin Offenbach rendu à lui même, et dans quel écrin, une distribution de rêve, que tant d’autres compositeurs attendent encore, et un des chef les plus énergiques et intelligents de ces dix dernières années. L’enregistrement de Plasson semble être définitivement remisé au placard, tant le présent dépoussière les vieilles étagères impatientes d’un tel événement, pensez donc, le plus connu des opéras comiques du créateur des Bouffes Parisiennes enfin chanté et joué : un événement ! Car c’est du théâtre que l’on entend, de véritables acteurs-chanteurs et vice versa. La distribution est parfaite : une Natalie Dessay déchaînée, en compagnie de son époux de Jupiter, tonnant et grondant (voire zézayant : cf. le duo de la mouche) à souhait, un Fouchécourt au sommet de son art ... un chef splendide : rien a jeter, que des bonnes choses, avec une prise de son exceptionnelle, que demander de plus ?

Sans aucun doute un des plus grands enregistrements d’opéra-comique du siècle, pour ne pas dire du millénaire ... et ce cancan, ah ... Vive Offenbach !

 

Note : 20/20 Enregistrement : A- (Bruits des pages de la partition agaçant mais là je titille ...)

 

 

2) Les Contes d’Hoffmann

 

L’ultime ouvrage du « Mozart des Champs Elysées », son seul « véritable » opéra, et une partition inachevée. Un vrai opéra, au sens où les éléments bouffes si commun aux autres oeuvres du compositeur (et qui l’avaient conduit à la gloire) sont réduits ici au minimum, et Offenbach ici développe une thématique que l’on lui croyait inconnue : l’Amour, décliné sur quatre tons, mais finissant toujours tragiquement. L’œuvre pourtant est typiquement « offenbachienne », les ensembles nombreux sont emplis de vigueur, et les airs ont ce piquant, cette saveur qui les rendent inimitables. L’ultime ouvrage, encore un chef d’œuvre de plus.

 

i) Kent Nagano R. Alagna (t) J. Van Dam (b)

N. Dessay (s) L. Vaduva (s)

Sumi Jo (s) G. Ragon (t)

C. Dubosc (s) G. Bacquier (b)

Choeur et Orchestre de l’opéra de Lyon

 

Ce n’est certes pas dans ce répertoire que l’on attendait Nagano, mais les talents d’orchestrateur d’Offenbach ont sans aucun doute conquis le chef, surtout si l’on regarde l’attachement que celui-ci à apporter au placement sonore de son orchestre. Nagano en cela fait penser à Karajan, dans cette recherche du beau son ; et « l’outil » dont Nagano dispose ici est des plus remarquables.

L’orchestre de l’opéra de Lyon est habitué à varier les répertoires, et celui là semble particulièrement lui convenir. Nagano a fait appel à l’instrumentarium au grand complet, choisissant le grand spectacle et non l’intimité d’un ensemble plus restreint, et use de la riche palette qui lui est offerte : les cordes sont sirupeuses à souhait, les vents sont d’une rare finesse, les cuivres mordants (quoique insuffisamment mis en valeur), un vrai régal. Comptez en plus de cela une fine équipe de chanteurs.

Alagna n’est sans doute pas le meilleur Hoffmann qui soit. Son français, fort correct, semble néanmoins lui demandé beaucoup, et la voix se tire de ci de là, butant sur les notes intermédiaires. Mais sa tenue, et son incarnation du personnage sont en tout point exceptionnelles ; et cet Hoffmann ci, tout imparfait soit-il, est profondément humain, et nous touche particulièrement. Van Dam ... quel homme ! A cet âge, possédez cette voix, ce sens de la musique, du beau chant ... un miracle. Un diable comme lui, vite, vite, en Enfer !

Leontina Vaduva n’est pas la perfection incarnée, et les approximations sont nombreuses, mais son Antonia est très touchante, et vraiment pathétique dans son chant du cygne, tant qu’elle réussit à nous tirer une larme devant cette voix qui s’éteint. Il en va des mêmes commentaires pour Sumi Jo, avec légèrement moins de réserves quant aux qualités vocales, les vocalises sont nettes, précises, le français juste correct, mais l’on sent la vie derrière ces frous-frous. Les seconds rôles sont tout aussi exaltant, avec un Ragon débordant de truculence, un Sénéchal en grand forme (encore un ancien à ne pas reléguer aux oubliettes), un Bacquier que l’on ne connaissait pas aussi sensible ; et surtout une vrai révélation : Catherine Dubosc en Niklausse grandiose.

Pas une ligne sur Olympia ? Que dire d’une femme qui réussit à sortir deux contre-sol le plus naturellement du monde ? Elle nous fruste ! Une telle perfection, une telle intelligence de chant, une telle présence, une telle sensibilité : Olympia a enfin une âme, et n’est plus seulement cette poupée mécanique (Rq : on aimait aussi la poupée de Sutherland, toute de boulons et de froideur métallique) : elle s’appelle Natalie Dessay, et l’on ne peut que s’extasier (et regretter qu’elle n’ait pas pris aussi la place des deux autres ... comme d’autres l’ont fait dans le passé, y compris la destinataire du rôle lors de la composition).

Un très beau disque, relativement frustrant dans un certain sens (cf la remarque ci dessus), mais que l’on ne saura oublier.

 

Note : 18/20 Enregistrement : A

 

 

3) La Belle Hélène

 

Dans la liste des grandes opérettes d’Offenbach, celle-ci doit venir en seconde place dans l’estime des gens, au regard du nombre des productions qui se sont montées de ci de là. N’en doutons pas, l’estime populaire a fait le succès du parisien, et la qualité de la présente est loin d’être négligeable. On y rit moins qu’ailleurs (en particulier dans Orphée, mais nous parlons là d’un summum) mais le tout est délicieusement ironique, (on y retrouve d'ailleurs beaucoup de mélodies rappelant justement Orphée) et les amours de la Belle Hélène ont de quoi nous faire sourire au plus haut point : dans le genre « je t’aime, moi non plus. Je te veux, mais c’est à toi à faire le premier pas ». Un agréable divertissement, avec néanmoins une partie de ténor des plus hautes en voltige de toute la production d’Offenbach (écoutez la Tyrolienne, très ...joyeuse)

 

i) Michel Plasson Jessye Norman (s) John Aler (t)

Charles Burles (t) Jean-Philippe Lafont (b)

Gabriel Bacquier (b) C. Alliot Lugaz (s)

Choeurs et Orchestre du Capitole de Toulouse

 

On sait que Plasson est féru d’Offenbach, et que la majorité des intégrales existant à ce jour portent sa signature. Le résultat contente les attentes justifiées. La direction de Plasson fait la part belle au sourire en coin, sans pour autant sacrifier la musique, qu’un orchestre du Capitole en excellente forme magnifie avec aisance.

L’équipe réunie par le chef est une habituée du répertoire, avec en guest star : Miss Norman, qui s’en tire ma foi pas si mal, avec des limites dans le comique (et les aigus ...) mais dont le délicieux accent rend irrésistible. Même succulent accent pour Aler, mais plus beau maintien, et chapeau bas pour ses airs fort rudes. A leur côté, de fins comiques, Bacquier et Lafont en tête. Mais aussi Colette Alliot-Lugaz, exquise en neveu déjanté.

On peut toujours espérer plus ... c’est notre plus grand droit, mais ne dénigrons pas cela ... c’est ... exquis !

 

Note : 17/20 Enregistrement : A

 

 

4) La Vie Parisienne

 

Parmi les opéras bouffes du « Mozart des champs Elysées », La Vie Parisienne ne tient pas le haut du pavé, mais est néanmoins des plus appréciés, essentiellement par les métropolitains, ne serait ce que de par le titre de l’ouvrage ... Et pourtant, les métropolitains sont les premiers visés dans cette fable grinçante de leurs us et coutumes des temps « anciens », qui n’ont somme toute guère changés depuis, si ce n’est dans la forme. La farce est un peu grosse, les dialogues moins délicats que par ailleurs (le « Je vais m’en foutre jusque là » est vraiment limite ...), mais cela reste de l’Offenbach, avec une musique fanfaronnante, des idées et des mélodies à revendre ; pas le meilleur, mais pas le pire.

 

i) Michel Plasson Michel Trempont (t) Michel Sénéchal (t)

R. Crespin (s) M. Mesplé (s)

Luis Masson (b) JC Benoit (t)

Etc.

Choeur & Orchestre du Capitole de Toulouse

 

Plasson a toujours été un grand défenseur d’Offenbach, généralement avec beaucoup de bonheur, il signe ici ce qui est somme toute son meilleur Offenbach. Si l’orchestre n’appelle aucun reproche particulier, toujours égal à lui même, si le choeur aurait put gagner en précision et en ampleur, le vrai bonheur provient des solistes.

Car plus encore que dans la Belle Hélène, Plasson a choisit des interprètes rompus à ce répertoire, et tous francophones. Certes, il y a le cas Mesplé, encore plus incompréhensible ici qu’ailleurs, mais aussi nettement plus disciplinée, et caractérisant avec beaucoup de finesse son rôle de gantière ... On saluera toujours la flamboyante Régine Crespin, même en petite forme, avec des aigus pas toujours des plus « délicats », « il faut souffrir pour que cela passe » disait-il ...

Le vrai bonheur, c’est Sénéchal, glorieux de bout en bout, un amphitryon de choix pour son baron et sa baronne nordiques. La voix est magnifique, le jeu d’acteur irrésistible ...

L’on sourit à ravir dans ces pages, et le temps passé en de si bonne compagnie est des plus agréables, alors n’hésitons pas : « allons nous en fourrer jusque là ... »

 

Note : 18/20 Enregistrement : A

 

 

5) La Périchole

 

Ce n’est pas l’un des opéras comiques les plus connus du grand maître des Champs, et si l’ouvrage est assez loufoque et un peu exotique (l’action se passe à Lima),et si quelques vieilles ficelles sont tirées jusqu'à l’usure, il n’en comporte pas moins de succulents passages, comme l’irrésistible : « Je suis un peu grise », ou encore « Il n’est pas riche ... ». A écouter l’esprit léger, sans trop s’appesantir.

 

i) Michel Plasson Teresa Berganza (ms) José Carreras (t)

Gabriel Bacquier (b) Michel Sénéchal (t)

(...)

Choeur et Orchestre du Capitole de Toulouse

 

Plasson a énormément contribué au répertoire de la musique française, et au renouveau de la musique d’Offenbach en particulier, et on ne saurait que l’en remercier. Pourtant Plasson, à l’instar d’autres chefs dans d’autres registres, n’a pas toujours eut la main des plus heureuses question solistes.

Si le choeur et l’orchestre du Capitole sonnent comme à leur meilleur jour, si les succulents Bacquier, Sénéchal et autre Trempont nous offrent leur excellissime jeu d’acteur-chanteur, les deux têtes d’affiche déçoivent énormément, non pas tant au niveau de la voix que dans l’absence de vie et de caractère qu’ils confèrent à leurs rôles respectifs.

Terasa Berganza possède sans aucun doute une belle voix, quoique un peu ampoulée symptomatiquement, au français distingué, mais à son rôle qui demande légèreté et sourire (les deux airs précédemment cités à eux seuls le montrent) elle n’offre qui rigidité et maintien. Un peu coincée donc, tout autant que son comparse Carreras, au français plus approximatif et à la voix nasillarde, qui a du mal à se laisser aller à une quelconque extravagance pourtant des plus bienvenus ici.

Plasson voulait sans doute donnait quelque couleur locale en choisissant deux hispanophones, mais comme l’on dit toujours : les meilleures idées du monde ne conduisent pas fatalement au meilleur résultat possible.

 

Note : 14/20 Enregistrement : A

 

 

6) Christopher Columbus

 

On vu du titre on pourrait penser qu'il s'agit là d'une traduction d'un des ouvrages du Mozart des Champs Elysées, et bien non c'est encore " pire " : ce n'est même pas une de ses œuvres ! Cet opéra est en fait issu d'une entreprise anglaise (et non américaine !) pour célébrer le bicentenaire de l'indépendance des Etats Unis. A partir d'opérettes " oubliées " (Les Bavards, La Créole, La boîte au lait ...) la joyeuse équipe a recréée une œuvre originale sur le thème de la découverte des USA par Colomb, la musique est bien d'Offenbach, et vu que personne n'a daigné se pencher sur les ouvrages desquels elle est tirée saluons ce pasticio de fort bon aloi.

 

i) Alun Francis Maurice Arthur (t) Joy Roberts (s)

J. Peters (ms) Lissa Gray (s)

Alan Opie (b) (...)

Geoffrey Mitchell Choir

London Mozart Players

 

Si la musique en soit est des plus agréables (comme toujours chez Offenbach) elle n'est pas inoubliable, peut être est-ce dû au fait qui s'agit là d'un pastiche et qu'aucun " thème " directeur n'apparaît comme par ailleurs dans les opéras du maestro, sans aucun doute. L'ensemble, à première écoute, peut donc paraître quelque peu décousu, mais l'effet s'estompe rapidement, et pour les anglophiles le plaisir sera aussi grand qu'à l'écoute d'une œuvre originale en notre chère langue : Don White, le librettiste, nous a concocté une histoire aussi cocasse que celle d'un Halévy : notre Colomb est de ce genre d'homme qu'une femme ne contente pas, il en a cinq ! Imaginez les quiproquos et autres malentendus qui peuvent en survenir, et voyez en la découverte du nouveau continent l'unique moyen que le brave homme a trouvé pour échapper à l'Inquisition. Vous l'aurez compris, même si ce n'est pas un " vrai " Offenbach, on y rit tout autant qu'ailleurs.

Malheureusement, là où le bas blesse, c'est lorsque l'on s'intéresse aux interprètes. Je ne ferais pas la fine bouche (comme d'habitude), tous nous offre ici un très agréable moment à passer, mais tous (malheureusement sans grande exception) ne sont pas de première main, et certains cumulent les kilomètres sans révision ...

Tous chantent grosso modo correctement, des voix d'opérettes diraient certains (mais l'on sait depuis Plasson, et surtout Minkowski que l'on peut faire de grande chose dans un répertoire réputé comme " léger "), le jeu d'acteurs n'est pas franchement leur fort, si l'on excepte l'Isabella de Anna Dawson qui en fait des tonnes, et l'orchestre n'est pas le roi de la précision. Mais l'ensemble avance comme la Santa Maria, au gré du vent et du ballottage.

Et, comme je l'ai dit plus haut, l'on ressort de cette " expérience " un petit sourire au lèvre, pas franchement enthousiasmé, mais pas déçu non plus.

 

Note : 14/20 Enregistrement : A 13/03/01

 

 


Giacomo Puccini (1858-1924)


Tosca

Madame Butterfly

 

1) Tosca

 

Comment ignorez le destin de Flora Tosca, la si belle cantatrice ?

 

i) Levine Renata Scotto (s) : Tosca Placido Domingo (t) : Mario

Renaton Bruson (b) : Scarpia

Etc.

Philarmonia Orchestra

 

Remarquons que si l’on connaît préalablement la dite histoire, les tenants et les aboutissements de celle-ci, certaines répliques peuvent faire sourire, voir même pleurer de rire en se demandant comment cette pauvre fille peut être aussi cruche, mais passons, supposons ne pas connaître l’œuvre, et pleurons devant ce destin si tragique. Puccini titille notre corde sensible, celle qui tire sur notre sensibilité, notre côté « fleur bleue ». Si cela marche très bien pour « Madame Butterfly », avouons que pour Tosca ce n’est pas tout à fait aussi efficace, et les larmes ne tombent pas spontanément.

La direction de Levine est tout à fait comme il faut, les chanteurs aussi, Scotto est bien en voix, Domingo fait montre d’un charisme tout particulier, seule ombre : Bruson, trop gentil pour une brute comme Scarpia. Rien de bien transcendant, le bonheur venant essentiellement de l’orchestre déployant un luxe sonore assez extravaguant.

L’interprétation est de bonne tenue, mais ma fois pas inoubliable. On espérait un Scarpia plus méchant, une Tosca peut être un peu plus fragile (avouons que pour le coup, Scotto ne fait pas trop cruche, mais plutôt mégère apprivoisée !), un Mario un peu moins lascif ... Plus de théâtre somme toute.

 

Note : 14/20 Enregistrement : A

 

 

2) Madame Butterfly

 

Sans doute le chef d’œuvre de Puccini ... car qui ne connaît pas Madame Butterfly, ou du moins ce « Un bel di Vedremo » qui nous tire les larmes du cœur. Encore une histoire d’amour, mais quelle histoire ! Tout est réunit pour tirer sur notre corde sensible, l’histoire naturellement, tragique à souhait, et pourtant si banale ; mais aussi, et avant tout la musique, d’une beauté saisissante, et pourtant d’une telle simplicité (Le choeur murmurant par exemple).

 

 

 i) Conlon Ying Huang (s) : Butterfly R. Troxell (t) : B.F. Pinkerton

Ning Liang (ms) : Suzuki R. Cowan (b) : Sharpless

Jing Ma Fan (t) : Goro

 

Choeur de Radio France

Orchestre de Paris

 

 

Ce que nous avons là, c’est une Butterfly toute de sensibilité, de fragilité, en la personne de cette jeune soprano chinoise ; c’est une femme tendre, douce, aimante, et tragiquement désepérée ; on ne pouvait rêver meilleure incarnation. Mais Butterfly est-elle cette femme délicate, si fragile ? Peut être ... La question récurrente qui se pose lorsque l’on regarde de près les grandes héroïnes de Puccini ...

L’amant aurait été plus agréable si sa voix était en adéquation avec son physique (souvenons nous qu’il s’agit là de la bande son du film de Frédéric Mittérand, une très belle réussite par ailleurs), si le timbre est joli, il trahit néanmoins une certaine blancheur qui finira, on l’espère, par s’atténuer avec le temps ; car le brave homme possède par ailleurs maintes qualités : douceur de la diction, velouté des inflexions, aigus bien placé ; et l’on a du mal à le voir comme, excuser l’expression, « le salaud » qu’il se trouve être. La basse et le second ténor sont tout à fait respectable, mais quelconques, malheureusement. L’heureuse découverte est la mezzo qui interprète Suzuki, à la voix convaincante en dévouée servante (et amie, sur qui Butterfly peut se reposer) et au timbre chaud, en parfaite adéquation avec la voix fragile de Ying Huang.

Le grand bonheur de cet enregistrement réside essentiellement dans le rôle de l’orchestre, omniprésent (quelque fois même plus que les solistes), aux coloris caméléons, regorgeant de mille détails, enlevé par la direction enthousiaste, et si proche du drame, de James Conlon. Jamais la musique de Puccini a sut être ainsi magnifiée, sublimée, tout simplement exprimée.

 

Une Butterfly plus proche du « Farfalla » que du « Schmeterling », un peu fleur bleue et pourtant si Butterfly, allons, ressuions cette larme sur notre joue, après tout : ce n’est que de l’opéra !

 

 

Note : 16/20 Enregistrement : A

 


Sergei Rachmaninov (1873 - 1943)


 

1) Récital Natalie Dessay : Vocalises

 

Berliner Sinfonie Orchester

Michael Schonwandt

 

J’ai choisit de placer ce récital ici car c’est par une œuvre, sans doute la plus connue, de ce compositeur que la soprano débute.

La voix est comme à son ordinaire d’une pureté cristalline exemplaire, et ne soufre aucune faiblesse, cela en devient presque lassant de perfection ! Que dire de plus ? Rien, naturellement ! Que ceux que dame Natalie rebute (cela existe ?) passe leur chemin, les autres, tendez l’oreille. Certes, le répertoire n’est pas des plus passionnants, mais il a le mérite d’être parmi ceux des plus rarement interprétés. Certes l’accompagnement de Schonwandt n’est pas très palpitant, se contentant d’accompagner, mais le Berliner Sinfonie Orchester possède un beau son, et une bonne tenue.

Et de toute manière, Natalie à elle seule ne nous suffit elle pas ?

 

Note : 17/20 Enregistrement : A

 

 


Gioachino Rossini (1792-1868)

 


L’Inganno Felice

La Cenerentola

Le Barbier de Séville

Semiramide

Tancredi

 

1) L’Inganno Felice

 

Voilà une petite farce charmante de bout en bout, avec de merveilleux passages comme Rossini sait si bien nous en donner, quelques fois un peu « faciles », mais si rossiniens, ce serait faire la fine bouche que de ne pas en savourer chaque mesure.

 

i) Minkowski : Annick Massis (s) : Isabella Raul Gimenez (t) : Bertrando

Rodney Gilfry (br) : Batone Pietro Spagnoli (b) : Tarabotto

Lorenzo Regazzo (br) : Ormondo

Le concert des Tuileries

 

Minkowski a toujours su nous ravir, quelque soit le compositeur auquel il « s’attaque », ici Rossini lui va comme un gant, les tempi sont allant, le ton est fort juste, et l’orchestre moderne suit les moindres caprices du chef avec le brio indispensable à cette oeuvre; le choix des solistes fut moins heureux. Du lot on peut saluer la prestation du trio de tête : Gilfry en premier, avec un timbre des plus royal, en cela la succession de Ramey semble enfin assurée ; Massis, bien en voix mais quelque peu avare en colorature, et aux sonorités un peu dure de temps à autres (notamment dans les ensembles) ;. Gimenez de bonne tenue, mais quelques fois un peu léger sur les vocalises passées en surfant sur les notes.

Malheureusement le deux autres convives font bien pâle figure, et ne réussissent guère, aussi bien sur le plan vocal que théâtral, à caractériser leur personnage. Heureusement que le chef veille, et on ne s’ennuie pas un instant en si bonne compagnie. Tout est guilleret, tout est fort rossinien en somme !

Pour une première approche de l’univers rossinien, Minkowski réussit un tour de maître, si la guerre n’a pas été remportée, c’est une belle bataille de gagnée.

 

Notes : 17/20 Enregistrement : A

 

2) La Cenerentola

 

Du conte des frères Grimm, on ne retrouve pas grand chose, mais à la jolie fable au ajoute une dimension : la musique, et quelle musique ! On ne sait plus donner de la tête tant les airs s’enchaînent avec frénésie, et délice. Tout est là pour flatter l’oreille, et l’on ne s’étonne guère que l’opéra est un des « classiques » de Rossini, tant son écoute s’impose par elle-même.

i) Carlo Rizzi Jennifer Larmore (ms) Raul Gimenez (t)

Gino Quilico (b) A. Corbelli (b)

A. Scarabelli (s) Laura Polverelli (s)

B. Miles (b)

Covent Garden Opera Chorus

The Orchestra of The Royal Opera House

 

Mais quelle vie ! Rossini n’aurait rêver mieux. L’orchestre aurait certes put gagner un brin en clarté, mais sa justesse et son joli son sont fort de mise. La direction de Rizzi privilégie le côté « rossinien » de l’œuvre, ce petit sourire au coin des archets, ce rire dans les cuivres ; et fait vivre ce théâtre avec un entrain incroyable. Mais la grande force de l’ensemble reste la brochette de solistes réunis pour l’occasion.

Gimenez, rossinien convaincu, nous fait partager quelques sublimes instants, mais se fait aisément distancer par un triplet de basses des plus tonifiant, emmené par un Corbelli déjanté comme jamais. En parlant de folie, écouter cette Cendrillon ci. Larmore est une nouvelle fois à son sommet, dans un répertoire qui visiblement lui donne un certain plaisir, et nous en procure aussi. Elle ne s’engage pas dans des registres extrêmes, mais son travail tout en vocalise la rend que plus impressionnante. Saupoudrez ce plat de résistance par des épices aussi délicates que les deux « soeurs » sopranos que nous avons là, et vous comprendrez que c’est un grand Rossini que l’on tient.

  

Note : 18/20 Enregistrement : A

 

 

3) Le Barbier de Séville

 

Cela restera dans l’histoire comme L’Opéra rossinien par excellence, qui n’a jamais entendu le grand air de Figaro, ce fameux « Largo al factotum », qui n’a jamais entendue la cavatine de Rosina « Una Voce poco fa » ? Ces airs font partie de l’histoire de la musique tant ils sont ancrés dans l’esprit populaire, et la « Calumnia » ! Que d’airs, que de mélodies, que de beau chant dans un seul ouvrage ... S’il fallait un chef d’œuvre, celui-ci viendrait en tête de liste, et toute discothèque qui en est dépourvue ne sait pas ce qu’elle perd, je vous l’assure ...

 

i) Jesus Lopez-Cobos Jennifer Larmore (ms) H. Hagegärd (b)

Raul Gimenez (t) A. Corbelli (b)

Samuel Ramey (b)

Orchestre de chambre de Lausanne

 

J’avoue, si c’est celle là que j’ai dans ma discothèque et aucune autre des forts nombreuses versions qui existent, c’est pour Larmore, et seulement pour elle ... Mais voilà, il n’y a pas qu’elle, et la dame est fort bien entourée ! Elle : superbe, je ne crois pas que l’on peut être plus clair ! Avec toujours ce sourire dans la voix, cet art de la comédie qui se ressent au travers du chant.

Pour l’épauler, des rossiniens de premier choix. Gimenez a toujours la voix un peu aigre et bute sur les vocalises, mais son Almaviva a du cran, et un brin de fantaisie des plus bienvenus. Corbelli est dans un rôle taillé sur mesure, truculent à souhait ; tout comme l’excellent Figaro de Hagegärd, une révélation ici, son « grand » air est glorieux. Enfin, le Rossinien né : Ramey, dans un de ses meilleurs Basilio.

Il faut dire que la direction incisive de Lopez-Cobos électrise de bout en bout l’interprétation, et l’on se réjouit à chaque note. L’orchestre suisse sonne un peu chichement mais son ardeur est telle qu’il résonne royalement.

C’est du grand théâtre, et une belle comédie que nous avons là, tout l’esprit de Beaumarchais, avec toute l’impétuosité de Rossini. Un régal ... Et pour ceux qui n’aime pas Larmore : tant pis !

 

Note : 18/20 Enregistrement : A

 

 

4) Semiramide

 

 

i) Richard Bonynge Joan Sutherland (s) Marylin Horne (ms)

J. Rouleau (t) John Serge (b)

Patricia Clark (ms) Spiro Malas (b)

The Ambrosian Opera House

London Symphony Orchestra

 

Le choc ! Une nouvelle fois les deux grandes dames se font faces : « LA » Sutherland et « LA » Horne, deux des plus grandes voix du siècle passé, deux monstres, deux bêtes du chant. Duo explosif pour un enregistrement qui ne l’est pas loin.

Des deux dames, nous ne pouvons faire que l’éloge, Horne déchaînée, comme à son habitude, et Sutherland radieuse. Leurs collègues ne sont pas peu méritant, loin s’en faut. Malas et Serge tonnent comme des diables, Clark joue à imiter son illustre camarade, et Rouleau s’égosille comme il peut. Le choeur est juste, même si il est loin d’être farouche, tout comme l’orchestre. On ne viendra donc qu’à regretter le manque de dynamisme que Bonynge peut mettre à activer tout ce beau monde. Le chef bat la mesure, fait avancer l’ouvrage sans heurt, avec quiétude, comme un vieux berger mène son troupeau aux pâturages, avec juste ce qu’il faut pour ne pas s’ennuyer, encore heureux !

A connaître absolument, pour l’ouvrage d’abord, magnifique, et ensuite pour les deux étoiles qui brillent à son firmament.

 

Note : 16/20 Enregistrement :A 07/02/2001

 

 

5) Tancredi

 

Un des opéras seria héroïque du maestro où l'on retrouve toute la verve et le génie de celui-ci.

 

i) Alberto Zedda Ewa Podles (ms) Sumi Jo (s)

Stanford Olsen (t) Pietro Spagnoli (b)

Anna M. Di Micco (ms) Lucretia Lendi (ms)

Capella Brugensis

Collegium Instumentale Brugense

 

La révélation ici, c'est naturellement Podles. Mais quelle voix ! Inimaginable d'aisance dans les vocalises, et quels graves et quels aigus ! Assurément l'une des plus belles voix actuellement, pourvu que cela dur. Rossini lui sied très bien, et l'on entendrait avec joie dans d'autres seria plus baroques que celui-là. A côté d'elle Sumi Jo tient bon, soignant chaque détail avec grâce.

L'autre révélation ici est Stanford Olsen, une voix peut être encore un peu surannée, mais quel maintien et quelle énergie lorsqu'il part à l'assaut de ses vocalises hardies, un bonheur de tout instant, surtout pour Rossini là où l'on sait que tant de ténors s'y sont cassés les dents !

Les seconds rôles ne sont pas déméritants, même s'ils ne sont guère intéressants en vérité. L'orchestre de Brugense ne brille pas par sa netteté ni sa clarté, encore moins son éclat, mais il offre un accompagnement tout à fait honorable sous la baguette d'un Zedda auquel le maestro n'est pas inconnu. La Capella quant à elle est splendide, d'une homogénéité parfaite et d'une ligne sans faute, digne des " grands " chœurs.

Un enregistrement qui ne mérite peut être pas d'être qualifié d'excellent, mais qui possède des qualités bien trop nombreuses pour passer à côté.

 

Note : 16/20 Enregistrement : A 28/03/01

 

 

 


Johann Strauss (1825-1899)

 


Die Fledermaus

 

1) Die Fledermaus

 

Qui ne connaît pas cette célèbre opérette viennoise qui contribua à consacrer son auteur, en parallèle avec la valse : Le beau Danube Bleu, parmi les plus grands ? Certes le sujet est un peu usé : méprises multiples lors d’un bal costumé, mais au combien traité ici avec raffinement. L’une des plus belles opérettes qui soit, un point c’est tout.

 

 

i) Kleiber Hermann Prey (b) : Eisenstein Julia Varady (s) : Rosalinde

Lucia Popp (s) : Adele Ivan Rebrov (ct) : Orlowski

 

Bayerisches Staatsorchester

 

Kleiber connaît son Strauss comme le fond de sa poche, entre eux une grande histoire d’amour, qui nous valut de mémorables concerts du nouvel an. Ici, ce ne sont pas les Wiener, mais cela ne change rien à l’affaire : c’est splendide !

Les solistes sont de tout premier plan, aussi bien les rôles titres que ceux secondaires, l’Orlowski d’Ivan Rebrov étant d’une truculence incomparable avec son fausset étriqué et tiré à l’extrême. L’orchestre bondit, rebondit, virevolte, finalement la Bavière n’est pas très loin de l’Autriche !

Kleiber donne à tout ce joli monde une impulsion, une joie de vivre qui rend l’ensemble irrésistible. A l’écoute, on comprends ce que le mot opérette veut dire : légèreté de l’être. Certains peuvent trouver cela trop léger, qu’ils aillent alors voir ailleurs ! Ici, on s’amuse !

 

Note : 19/20 Enregistrement : A-

 


Arthur Sullivan (1836-1900)


The Pirates of Penzance

The Mikado

Symphony in E major : The Irish

Victoria & Merrie England

 

La France a toujours eut un « problème » avec ses voisins britanniques, et le fait que peu de musique d’outre Manche soit connue ici n’est peut être pas étranger à cela. Et pourtant, Dieu sait que la musique anglaise recèle de beauté. Sullivan en compagnie de son collègue le librettiste William S. Gilbert forment sans doute le partenariat le plus célèbre de toute la musique, tant et si bien que peu savent qui des deux est le compositeur, leurs noms semblant joints pour l’éternité. On peut sans trop se mouiller dire que Sullivan est l’Offenbach du Mall (grande artère londonienne où se trouve l’hôtel le Savoy, où les oeuvres des deux comparses étaient jouées), avec néanmoins ce coté typiquement british qui fait que tout le comique des oeuvres passent dans la finesse des dialogues, l’humour anglais en somme. La musique est toujours savoureuse, et gorgée de mélodies inoubliables.

 

1) The Pirates of Penzance

 

Ce fut l’un des grands succès des duettistes, crées aux Etats-Unis pour contrer des « piratages » honteux de leurs ouvrages antérieurs, The Pirates se veulent avant tout satyrique. L’histoire est alambiquée au possible : il y est question d’un jeune apprenti pirate désireux d’abandonner la piraterie, de filles d’un chef d’escadron à marier, et de pirates (of course !), les rebondissements sont nombreux et la plupart grotesque au possible (cf l’apprenti, né une année bissextile, et contraint de poursuivre son apprentissage quasiment ad vitam !) . On rit beaucoup de ses pirates, et l’on voit aussi la cynique critique que le duo voulait infliger à ceux qui oser monter leurs oeuvres sans autorisation.

 

i) Sir Charles Mackerras J-M. Ainsley (t) Rebecca Evans (s)

R. Van Allan (b) Donald Adams (b)

S. Suart (b) Gilian Knight (ms)

Orchestra and Chorus of The Welsh National Opera

 

Voilà un domaine où Sir Charles est devenu maître, cette musique le rajeunit au fil des mesures et nous comble merveilleusement. L’orchestre du Pays de Galles sonne à ravir, et partage avec lui le point de vue de cette musique si vivante : Carpe Diem, donnant tout son entrain et sa ferveur. Le choeur qui lui est associé est tout aussi engagé et de bon ton, avec des mentions particulières pour l’homogénéité des deux groupes lors de leurs interventions solistes.

En parlant de solistes, ceux ici sont rompus à ce genre de musique, et particulièrement vitalisant, même si le niveau vocal n’est que correct dans l’ensemble. Ainsi Richard Suart, au timbre plutôt ingrat reconnaissons-le, fait oublier tous ses défauts par un abattage et une présence, un art du jeu, inégalables. Il en va de même des autres, avec néanmoins une exception de taille. On le connaissait plutôt habitué à des registres plus sérieux, mais le talent n’a pas de limite dit-on, c’est particulièrement vrai pour le ténor John Mark Ainsley, ici tout aussi à l’aise que chez Händel ou Mozart, tout simplement royal.

On n’écoute pas cela uniquement pour de belles voix, même si elles sont loin d’être laides présentement, mais on attends surtout de tout ce beau monde un art de scène tout particulier. Et la scène, tous ces braves gens la connaissent ; ce patrimoine national qu’est G&S ne saurait connaître plus beaux représentant.

 

 Note : 20/20 Enregistrement : A

 

2) The Mikado

 

C’est l’un des opéras comiques le plus connus des joyeux duettistes, et cela à juste raison. Si l’histoire est une nouvelle fois abracadabrante, comme c’est le cas de rigueur, la musique est d’une qualité exceptionnelle, et les nombreux ensembles qui la composent font preuves d’une extraordinaire richesse d’inventivité. Un véritable bain de gaieté.

 

i) Sir Charles Mackerras Donald Adams (b) A. Rolfe-Johnson (t)

Richard Suart (b) R. Van Allan (b)

M. McLaughlin (s) Felicity Palmer (ms)

(...)

Orchestra and Chorus of The Welsh National Opera

 

On prends les mêmes, on change le ténor et la mezzo, et l’on se retrouve une nouvelle avec une équipe gagnante, qui connaît son G&S comme personne, et qui s’amuse autant que nous ! Décidément, Sir Charles se plaît dans ce répertoire et y réussit au mieux. Défendu par son orchestre du pays de Galles, le chef d’origine australienne renoue sans complaisance avec ses racines insulaires (d’une île à l’autre il n’y a qu’un océan ... deux en fait, plus un petit truc entre ...) et nous emmène dans un voyage des plus grisant.

Ajoutez à cela des solistes toujours aussi engagés et réjouissant, avec un Rolfe-Johnson un peu ternit mais très en forme, et une Felicity Palmer complètement déjantée en nymphomane maritale, sans oublier le truculent Richard Suart, on ne s’ennuie vraiment pas. Continuez Sir Charles, pour notre plus grand plaisir, de servir cette musique par trop dédaignée par les continentaux.

 

Note : 20/20 Enregistrement : A

 

3) Symphony in E major : The Irish

 

Sullivan, sans Gilbert, et oui, cela existe ! Le compositeur fut d’ailleurs extrêmement prolixe avant même sa rencontre avec son librettiste fétiche. C’est l’unique symphonie du compositeur, alors âgé de 24 ans, et l’œuvre connue lors de sa création un succès immédiat, avant de sombrer dans l’oubli (elle ne fut publiée qu’en 1915, à titre posthume). Si le public aima l’ouvrage, les critiques lui réservèrent un sort moins favorable, tout à fait injustifié. L’ouvrage ne connaît pas la légèreté qui marquera la plume de Sullivan lors de sa collaboration avec Gilbert, beaucoup lui voit des rapports avec les symphonies de Mendelssohn, mais cette musique a quelque chose de typiquement britannique, et de typiquement « Sullivanesque ». Elle est à la fois tendre, et brillante, ironique et rêveuse (la partie de hautbois solo du troisième mouvement est délicieuse). Il y a toujours ce pétillement, et cette grandeur, qui semble être une marque de fabrique de la quasi totalité des ouvrages insulaires. Cela peut ressembler à beaucoup d’autre chose, mais c’est du Sullivan, assurément.

 

i) Owain Arwel Hugues

BBC Concert Orchestra

 

Qui d’autre qu’un anglais pour ressortir une partie du trésor national ? Ce n’est pas un français qui irait piocher dans ce répertoire, on préfère de loin les bons vieux Bach (enregistrés dix mille fois déjà) ou encore quelques italiens, mais des anglais ... sûrement pas ! Et pourtant ... tant de beauté ... c’est dommage de le laisser dans l’ombre.

Mais grâce à Hughes la lumière est enfin faîte. Certes, on aurait put rêver mieux que le BBC Concert mais bon ... on fait ce qu’on peut avec ce que l’on a, et c’est déjà mieux qu’un groupe de hongrois ou de tchèques (quoique je n’ai rien contre eux, ils sont imbattables dans Dvorak ou autres compositeurs slaves). Les cordes du BBC sont un peu sèches, défaut que le Symphony n’avait pas, mais les vents sont d’une justesse extrême, et les cuivres très engagés, et l’ensemble se tient avec une très belle carrure.

La direction de Hugues est vivante, mais également très tendre là où il le faut. L’âme anglaise diraient certains ... Quoi qu’il en soit, le résultat est des plus convaincants, et l’on passe un très agréable moment en fort belle compagnie.

 

Note : 18/20 Enregistrement : A

 

4) Victoria & Merrie England

 

Ce ballet fut composé pour les célébrations du soixantième anniversaire du règne de la reine Victoria, en 1897. En lieu et place de composer une œuvre de circonstance, avec renfort d’effets orchestraux volumineux, comme on sait que la reine les aimait ; Sullivan composa un charmant ballet aux allures guillerettes. Des huit scènes originales, seules trois nous sont parvenues. Toutes respirent la gaieté et la joie de vivre, et sont parfaitement représentatives de l’art de Sullivan au cours de sa collaboration avec Gilbert contemporaine à ses festivités.

 

i) Owain Arwel Hugues

BBC Concert Orchestra

 

On aurait put attendre une baguette un peu plus leste que celle de Hugues, mais sa direction est précise et compte la juste dose de mise en train nécessaire à cette musique.

Le BBC Concert sonne avec grâce, notamment sa partie de cordes, rudement mise à l’épreuve ici, et particulièrement dans la troisième scène : « May Day Festivities » aux accents entraînant, réminiscence des grands ensembles d’opéras composés par Sullivan pendant la même période.

On aurait pu espérer plus d’espièglerie, un peu moins de « longueurs » dans l’avancée de l’orchestre, mais cela reste tout à fait convenable.

 

Note : 15/20 Enregistrement : A

 


Giuseppe Verdi (1813 - 1901)

 


1) Requiem

 

On connaît surtout le maestro pour ses opéras : Aïda, Nabucco, la Traviata ... on le sait nettement moins compositeur de musique religieuse. Et pourtant l’on sait l’intérêt que Verdi portait au grand choeur, ses opéras en sont une preuve flagrante, et c’est bien grâce à la musique d’église qu’il peut donner libre court à son goût immodéré pour les grandes formations, dont son requiem est le plus bel exemple, et le plus somptueux. Pourtant, la musique sacré de Verdi ressemble à tout sauf à de la musique sacré ... c’est plutôt vers les grands oratorios händéliens qu’il faut se tourner, là où le sacré n’est qu’une excuse pour laisser parler le drame. Ce requiem est tel un grand opéra, où les choeurs auraient pris une place encore plus importante. Tour à tout doux, tendre, cajoleur, ou alors d’une violence inouï : le Dies Irae le plus meurtrier de l’histoire, on ne s’en relève que difficilement ; ce requiem est une œuvre complète, dans le sens où tous les sentiments s’enchaînent, où le choeur omniprésent ponctuent les arias solistes, un requiem qui ne parle pas de douleur, qui ne se complaît pas dans la tristesse, un requiem rageur, qui parle de colère, une colère que ce « jour de colère » nous rappelle tout au long de l’ouvrage, jusqu'à la dernière page ... Mors ... Terribilis.

 

i) Léonard Bernstein M. Arroyo (s) J. Veasey (ms)

P. Domingo (t) R. Raimondi (t)

London Symphony Orchestra & Chorus

 

Bernstein lui même est un éminent compositeur, mais aucune de ses propres oeuvres n’a jamais été emprunt de ce sentiment de vengeance qui habite le requiem de Verdi, on peut alors paraître surpris du résultat.

Les solistes ne sont pas dans l’ensemble des mieux choisis. Si Domingo est remarquable de prestance, ses passages en voix de tête en sotto voce sont assez inhabituels, et certains pourraient les considérer comme mal venus ici. La mezzo-soprano Josephine Veasey possède un timbre charnu et une voix assez agréable aux aigus légèrement douloureux, mais de douleur insupportable sont ceux de sa camarade Martina Arroyo, au timbre par endroit strident ... Ruggero Raimondi possède un baryton d’une très agréable chaleur, la voix est belle et le phrasé impeccable, mais le rôle semble un brin trop grave pour lui, néanmoins c’est de loin lui qui nous apporte le plus de bonheur, après le principal protagoniste ...

Le choeur du LSO n’est pas vraiment le meilleur qui soit, avouons le, et les approximations sont nombreuses ... très nombreuses, notamment dans la prononciation du latin (décidément les anglais ont toujours eut un problème avec cette langue) mais le cœur qu’il met à chanter ses pages impose le respect.

Les mêmes remarques peuvent s’imposer pour le LSO lui même, aux trompettes un peu chiches pour une fois. Mais toutes ses broutilles sont vite oubliées, car la star, c’est le chef. Car voilà, ce requiem est sans doute l’un des plus violent de toute la discographie, ce qui explique ma petite introduction concernant la « douceur » habituelle de Bernstein dans ses propres compositions. Le chef impose un contraste saisissant à chacune des pages qui se succèdent. Un instant tendre, pensif, l’instant suivant prêt à foudroyer le premier venu. Les Dies Irae qui ponctuent le requiem, dont le premier (le « grand ») sont les plus tonitruants qui me furent donnés d’entendre, à vous glacer d’effroi, tant la violence nous transperce de part en part.

C’est loin d’être le meilleur, jonché d’imperfections, mais il faut l’écouter, l’on s’en trouve radicalement métamorphosé.

 

Note : 15/20 Enregistrement : A

 

 

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