Doit-on vraiment le présenter ?
Comment définir en musique le genre de la Serenata, d’autres compositeurs avant Mozart s’y sont attaqués avec plus ou moins de bonheur : Vivaldi entre autres. La Serenata peu en fait prendre diverses formes, comme ici le genre de la pastorale. Il y est donc question de bergers, de bergères, et de leurs amourettes, prétexte charmant pour une musique qui ne l’est pas moins. Tout s’enchaîne s’en heurt, sans vraiment non plus de grandes inventions. L’ouverture présente néanmoins la particularité de déboucher directement sur le premier air d’Aminta, et le final annonce les grands ensembles plus tardifs des Noces ou de Don Giovanni. Tout ici n’est que bons sentiments, rien ne fait trembler, telle une blanche colombe la musique passe, la lassitude n’est pas exempte d’un tel envol.
Harnoncourt et Mozart, une longue histoire d’amour, avec ses hauts et ses bas, ici ne nous plaignons pas, il s’agit plutôt d’une période faste. Le concentus Musicus y est pour beaucoup, avec la précision et l’impact sonore qui lui est devenu si caractéristique sous la direction du chef autrichien, le « grincement » des cordes qui lui aussi est si caractéristique de l’orchestre risque cependant d’un gêner plus d’un . Tout ici n’est que nerf, pour une pastorale ce n’est pas l’idéal me diriez vous, j’y consens, certains passages se digèrent mieux que d’autres, mais l’ensemble reste d’une parfaite cohérence, et même le sempiternel « L’amero, saro costante » se laisse écouter. Le point fort de la distribution n’est malheureusement pas la cohésion, de l’ensemble on retiendra surtout Eva Mei, même si les vocalises ne sont pas toujours très justes, elle savonne moins que ses camarades, aussi bien féminines que masculines. Si Murray était encore en voix, la voix n’était guère alléchante, a-t-elle au moins le mérite de chanter dans la tessiture qui lui convient et pas à contre emploi comme trop souvent ailleurs. Sacca est un ténor des plus honnête, même s’il a une légère tendance à passer sur les nombreuses vocalises que son rôle exige, la voix est bien présente même si le grain n’est pas toujours des plus avenant.
Cette version, sur instruments anciens, reste de loin la plus vivante, la plus théâtrale, mais rappelons le, il s’agit d’une pastorale.
Note : 15/20 Enregistrement : B (Live)
Marriner sait donner à Mozart ses plus belles lettres de noblesse, c’est encore un fois le cas ici. Moins théâtral que Harnoncourt, Marriner se rapproche beaucoup plus de l’atmosphère pastorale qu’exige la sérénade, l’orchestre moderne sonne à ravir, à noter une orchestration réduite par rapport à Harnoncourt qui rajoutait trompettes et timbales. Les voix sont plus heureuses que chez Harnoncourt, avec une petite réserve pour Mme McNair, plus avare de vocalises et de coloratures que son homologue dans la précédente version, et en soit plus fragile vocalement. Maria Blasi surclasse avec aisance Ann Murray tend par le style que par le phrasé, même si les vocalises ne se font pas non plus ici sans difficultés. Le ténor américain Jerry Hadley démontre à nouveau ses qualités de fin musicien en phase avec Mozart, le timbre est plus beau que celui de Sacca, le phrasé plus léger, la voix plus tendre, gagnant en finesse ce que Sacca développait en puissance ; les vocalises malheureusement sont tout aussi rudes à passer. Les deux autres rôles sont d’égale valeur, même si la voix de Mme Vermillon est plus velouté que celle de l’autre mezzo.
Mozart le classique, Mozart le champêtre, ici le théâtre a peu sa place, mais la fraîcheur des prés récemment coupés envahit la pièce. Les voix sont plus belles ici que plus haut, mais il est à noter que l’on s’ennuie plus ici que là bas si on n’a pas le cœur a batifoler dans les blonds épis !
Note : 13/20 Enregistrement : B
Voici ce qui fut le laboratoire du futur « Enlèvement au Sérail », une agréable turquerie, souvent décriée, trop souvent comparée à son successeur, certes ne l’égalant pas, mais loin de ne posséder aucune qualité musicale propre. Inachevée « Zaïde » n’en reste pas moins une œuvre aboutit, où tous les interprètes ont beau rôle, et où tous les airs sont charmants. Mais il est vrai qu’il ne faut chercher ici de grande trame théâtrale, la turquerie est ce qu’elle est, et lorsqu’en plus on la tronque ... Une heure et quart de délice, quelques fois un peu trop sucré : les airs pour soprano, quelques fois fort à propos acidulé : Soliman et Osmin, quelque fois insignifiant : le reste ! Les ensembles sont d’une rare platitude, et ne laisse même pas augurer les réussites futures sur ce plan. L’unique inventivité ici réside sans doute dans l’utilisation, chose unique dans toute l’œuvre du génial salzbourgeois, de deux passages en mélodrame dévolus aux deux ténors. Sans doute pas une œuvre capitale, mais l’oublier serait d’une grande injustice.
Pour une fois, il ne s’agit pas de Hogwood mais du directeur musical Paul Goodwin qui tient la baguette de l’Academy. Une Academy toujours en excellente forme, et malheureusement aux violons toujours un peu rêches, qui ne vacille à aucun moment ; les attaques sont précisent, le son est riche, l’orchestre est d’une rare présence. La distribution de cette agréable bouffonnerie est de haute volée, et mais ne comble pas tous nos espoirs. Mme Dawson chante fort bien, d’ordinaire, mais ici la voix se fait difficile, moins souple et leste que par ailleurs, les aigus passent non sans mal, ce qui est fort dommage. Blochwitz conserve un timbre assez rugueux qui ne facilite pas l’écoute de ses airs, mais ses indéniables qualités de comédien et son métier de chanteur lui permettent de combler bien des imperfections. Il en est de même de M. Bär, moins fin musicien que son collègue, qui ne réussit pas à nous intéresser à ses rares interventions.
En fait, la bonne surprise vient des deux « petits » de l’affiche : la basse C. Purves, qui sait tirer profit de son rôle bouffon pour mettre en valeur ses talents d’acteur, un peu court niveaux ampleur vocale dans son air, mais à la voix d’une haute tenue. Et surtout la haute-contre (i.e. Ténor aigu ndla) Herbert Lippert, dont la perfection aussi bien vocale que stylistique est un exemple à mettre sous le regard et l’écoute de tous, donnant une splendide leçon de chant à tous ses acolytes : une grande révélation.
Des hauts et des bas, mais une chose est sûre, si l’ennui peu gagner de temps à autres, les airs de soprano ne sont pas des plus réussit de Mozart, l’intérêt de l’œuvre est bien réel, et quelques bons moments attendent l’auditeur curieux.
Notes : 16/20 Enregistrement : A
De loin considéré comme l’un des chefs d’œuvre de Mozart, aux côtés du Cosi, des Noces, et de la Flûte Enchantée, Don Giovanni est un opéra emblématique de toute une génération d’interprètes et d’auditeurs. La qualité intrinsèque de l’œuvre est indéniable, mais ses conditions d’exécutions doivent être exemplaire pour ne pas tomber dans l’un ou l’autre des versants de l’ouvrage. Car Don Giovanni est un drama giocoso, et pas seulement l’un, ou seulement l’autre ! Beaucoup depuis la fin du siècle dernier en ont fait l’apothéose d’une certaine forme de romantisme, ceci en particulier en raison de la scène du commandeur. Mais Don Giovanni est tout sauf romantique : juste un drama giocoso.
Le cas Malgoire a toujours été fort problématique, tant qu’il se bornait au registre baroque, et particulièrement celui français, tout restait pour le mieux, du moins au mieux avec lui ; mais lorsqu’il s’attaque à Mozart : Aïe ! ! Nous avons le souvenir d’un Requiem somme toute honorable, du moins bien plus que ce Don Giovanni ci. La direction de Malgoire est tout sauf théâtrale, le théâtre est purement et simplement inexistant ! Les tempis choisis sont d’une uniformité à faire pâlir d’ennui une huître, et l’ensemble est mené comme un De Profundis. Là où on devrait rire aux éclats, on sourit à peine ; on n’écoute pas Don Giovanni, on écoute San Giovanni. Malgoire entre chez Mozart comme dans un temple sacré (d’où l’agréable surprise de son précédent Requiem !). Pour n’arranger rien, Malgoire conserve pour clore l’ouvrage la scène du Commandeur, histoire d’accentuer le côté dramatique.
Pourtant les chanteurs font tout ce qu’ils peuvent pour sauver les meubles, les hommes sont particulièrement bons (en particulier le Don Giovanni de Rivenq fort d’aplomb), les femmes un peu moins, si ce n’est beaucoup dans certains cas : elles suivent le mouvement de Malgoire : piano, pianissimo, et surtout pas de sentiments, c’est par trop dérangeant . L’orchestre est très bon, les choeurs inconsistant.
De grâce, éloignez-vous, allez voir ailleurs, il y a sûrement quelque chose de mieux là bas qu’ici !
Note : 10/20 Enregistrement : A
Harnoncourt et Mozart, la grande histoire, mais diable que cette œuvre est compliquée que tant d’illustres chefs s’y cassent si facilement les dents. Et malheureusement Harnoncourt n’échappe pas à la règle.
Pour une fois les chanteurs sont bons, exception peut-être de Hans Peter Blochwitz au ténor toujours nasillard, mais fort d’aplomb ; et surtout Roberta Alexander aux aigus feulés des plus désagréables. Mais le problème est ailleurs. Des diverses approches exposées plus haut, Harnoncourt choisit le drame métaphysique plutôt que la comédie. Les tempis sont généralement plus lents que chez Malgoire, même si cela ne nuit nullement à l’ouvrage, certains passages (les comiques) sonnent encore pire que chez son collègue français. Heureusement Harnoncourt reste Harnoncourt, et le théâtre est là ; les ensembles sont grandioses, l’orchestre suit tant bien que mal le chef, de temps à autres les cordes se perdent ... Nous aussi. Car si le théâtre est là, il y est curieusement moins qu’ailleurs, et l’ennui guette vite.
Harnoncourt oui, mais pour une fois un Harnoncourt gentiment délicieux, trop niais, trop mielleux dirons certains., pas assez Harnoncourt en somme ! Vraiment dommage, mais encore un enregistrement raté, à suivre ...
Note : 12/20 Enregistrement : B
Le salut viendrait-il d’un anglais ? On peut le croire, car voilà bien le meilleur Don Giovanni qu’il m’ait été donné d’entendre. Tout y est : le drame et le giacoso, à part quasi égale (il est vrai que le second l’importe un peu sur le premier). La moindre des choses que l’on puisse dire de ce Don là, c’est qu’il décoiffe. Les tempis sont enlevés (trop diraient certains), et l’instrumentarium suit à merveille dans un déploiement de couleur quasi pyrotechnique (écoutez l’intervention des cuivres et des timbales dès l’ouverture). Les chanteurs sont parfaits dans leurs rôles respectifs, les lauriers allant à John-Mark Ainsley, toujours égal à lui-même. Nancy Argenta campe la plus délicieuse des soubrettes, et Yurisich le plus truculent des Leporello. Il existe des réserves mais elles sont minimes (le rôle titre et Donna Elvira sont un peu courts ...) L’intérêt supplémentaire de cette version est de proposer au choix la version de Prague, ou celle de Vienne, broutilles pourrait-on dire, certes.
On peut rêver mieux, mais il faudrait dormir à poings fermés, car pour l’instant on n’a pas mieux.
Note : 16/20 Enregistrement : A
L’un des trois grands, comme on pourrait dire, composé par Mozart. Le livret de DaPonte est truculent à souhait, et il s’en passe de bien belle au château du conte Almaviva. Que dire de plus de ce qui est sans nul doute l’un des plus beau fleuron de la période classique ?
On ne dira jamais assez combien une bonne équipe fait un bon opéra, même si les chanteurs ne sont pas de grandes pointures. Ici, c’est une nouvelle fois le cas, Mackerras a réunit autour de lui de bons chanteurs, pas des génies, mais des gens comme il faut, mais avant tout, il a une équipe, des chanteurs qui prennent un plaisir visible à chanter ensemble et ne cherche à aucun moment à tirer la couverture vers eux. Et c’est une franche comédie qui se passe là ! Tous plus truculents les uns que les autres, les chanteurs jouent le jeu à merveille, et sous la baguette vive et enjouée du chef, l’on a aucun moment de répit.
Saluons la prestations de la basse Alastair Miles qui incarne un Figaro de haute tenue, et vocalise à merveille (l’on sait que ce n’était guère son fort). Les parties féminines sont tout aussi bien défendue, et le reste de ces messieurs s’en tirent à ravir, avec un Corbelli un peu moins enthousiaste que dans Rossini, mais très impliqué néanmoins.
Mais parmi eux tous, celui qu’il faut saluer c’est le chef. Mackerras a une vision hautement théâtrale de Mozart, et sa direction toute en nuance et en percussion est un bonheur de tout instant. L’orchestre écossais recruté pour l’occasion sonne à ravir, rehaussé de timbales et de cuivres baroques, la couleur orchestrale est délicieuse.
On peut rêver meilleur chanteur, cela se trouve toujours, mais réussir à ainsi les faire chanter ensemble ... Il fallait un Mackerras, heureusement nous en avons un !
Note : 18/20 Enregistrement : A
Bizarre, Bizarre. Voilà ce qui pourrait résumer cet opéra, unique tentative de Mozart de se rapprocher de l’opéra à la française d’alors. Mais Mozart n’était pas Rameau, ni même Glück. Le résultat demeure d’une suave étrangeté, avec quelques passages d’une rare beauté, mais aussi quelques passages à vide.
Que faire pour qu’Harnoncourt se décide enfin à choisir des chanteurs de choix ? Tout est là, la dynamique, la théâtralité, la violence harnoncourienne devenue si familière, tout ce qui sied le mieux à cette musique ; l’orchestre suit tant bien que mal le chef, quelques imperfections ici et là, mais rien de bien répréhensible, si ce n’est une chose : les chanteurs.
Aucun d’entre eux, qui dans leur prime jeunesse nous ont comblé maintes et une fois, ne sont plus maintenant à même de suivre les aspirations du chef, qui, soit dit en passant, ne leur prête que rarement l’attention pour alléger leur charge. Nul n’est franchement mauvais, Werner Hollweg s’en tire plutôt pas mal d’ailleurs, là où d’autres ont si souvent chuté ; mais nul n’est franchement bon non plus.
Tout est là, les chanteurs, malheureusement, eux sont ailleurs !
Note : 13/20 Enregistrement : A
Un des opéra seria de Mozart, une œuvre de jeunesse, ceci justifierait-il le fait qu’on la boude ? Certainement pas, car la musique est grandiose, pleine d’entrain et de vie, et certains airs comptent parmi les plus belles réussites du compositeur.
Rousset a toujours sut dénicher les oeuvres rares, de Jommelli, de Mondonville, de Händel, cette fois il s’attaque au répertoire seria du plus « classique » des compositeurs, avec un succès non démenti.
L’orchestre est au sommet de son art, et la direction nerveuse que le chef impose à l’ensemble permet à chaque pupitre de briller. Rousset qui n’a d’ailleurs jamais été aussi dynamique que dans ses pages si rafraîchissantes. Là on cela se gâte un peu, c’est du côté de la distribution. Notre Mitridate est un puccinien pas un mozartien, en cela les airs de bravoures du héros nous paraissent aussi effrayant que la chevauché des Walkyries ! Sabbatini est excellent ... mais sa place n’est peut être pas ici, où un ténor un peu moins « combatif » aurait mieux trouvé sa place, cela a au moins l’avantage d’être original ! Cela l’aurait été du moins si le second ténor n’était pas du même acabit, mais il s’agit aussi d’un amateur de Puccini ... Les seconds rôles féminins sont tout à fait correct, si on passe les aigus « enfantins » de Melle Le Corre, Sandrine Piau est quant à elle parfaite d’aisance et de ton. Le hic : Asawa. Mais que s’est il passé ? Lui que l’on connaissait si vaillant dans Händel, le voilà comme allant aux vêpres, marchant sur le bout des orteils. Susurrant ses airs avec un mielleux qui s’avère au bout du compte fort lassant, le contre-ténor ne donne pas toute l’ampleur et surtout la rage (Venga Pur ...) que son personnage réclame.
Heureusement nous avons deux grandes dames : Dessay et Bartoli. Si la mezzo est toujours radieuse, disons même géniale, avec des aigus a vous couper le souffle (mais pêchant un peu du côté des graves, sous prétexte que le rôle est plus celui d’une soprane) et une agilité à la vocalise ahurissante ; sa partenaire semble s’être un peu gâté ici. Non que Miss Dessay est perdu quoi que se soit en qualité vocale, agilité, aigu magnifique, mais ces premiers pas en terre baroque (il s’agit d’un seria, rappelons le) semble surtout être marqué par beaucoup d’ignorance, et peut être même de crédulité. Car ses da capo sont parmi les pires qui soit ! Non qu’elle ne fasse rien, mais ce qu’elle fait est d’un certain goût qui n’est pas le mien (et à fortiori, je pense, d’autres aussi). Rousset en serait-il la cause ? Pas sûr, mais pas incertain non plus. (On se souviendra de quelque da capo pas très heureux de Flechter, lui aussi perdu en monde baroque, dans le Scipione de Händel).
Nonobstant ces quelques broutilles venant gâcher un peu notre plaisir, les seules prestations des trois premiers protagonistes : le ténor pour sa projection à nous faire décoller les tympans, la soprano pour sa prestance (exclu les da capo), et surtout la mezzo : pour elle même ! suffisent à ne rien regretter de cet enregistrement.
Note : 17/20 Enregistrement : A
De Mozart, il n’y a en fait presque rien dans cet opéra, un final, et un duo déjà connu ailleurs (dans les airs seuls), l’essentiel de la musique on la doit à Johann Baptist Henneberg. L’œuvre en elle même est typiquement salzbourgeoise, en cela : irrésistible de truculence, à l’instar de nombre des opéras du Mozart de la maturité. La comparaison que l’on peut faire avec Die Zauberflötte est manifeste, mais ne doit en rien occulter les qualités intrinsèques de la présente œuvre, qui sont nombreuses. Pour tous ceux qui aiment le Salzbourgeois, cet opéra s’impose, non comme un succédané, mais comme une alternative louable à ce que Mozart était capable de faire, montrant par là même que l’on a beaucoup à gagner à s’intéresser aux ouvrages de ses contemporains.
La musicologie a de bon côté des fois, ici c’est le cas. Et heureusement qu’il y a des gens comme Pearlman qui vont nous ressortir de tels petits bijoux des oubliettes dans lesquelles ils ont été trop rapidement jetés. Le chef a de plus sût réunir autour de lui une équipe de premier choix. Ce qui frappe dans cette partition, est l’infériorité (numériquement parlant) des voix féminines. Deux soprano solo ! A côté nous alignons les basses, barytons, et ténors.
Les Boston Baroque sonnent admirablement bien, un velouté délicat et une attaque des plus précises, de plus le piano forte utilisé est d’une douceur rare. Le choeur, à qui est confié quelques numéros, et extrêmement bien en voix ; tout comme les solistes. On passera sur la prestation tout juste honorable des sopranes, et l’on s’attachera à la première basse Alan Ewing, d’une tenue et d’un bon ton parfaits. Du côté des ténors, outre le fort correct Kurt Streit, la découverte est Paul Austin Kelly à la voix agréable, même s’il n’est pas toujours très à l’aise avec les vocalises cf. son air pyrotechnique où il s’en sort non s’en difficulté.
L’ensemble est dirigé par une main de maître par Pearlman que l’on sent fort à son aise dans ce répertoire.
Note : 16/20 Enregistrement : A
8) Die Entführung aus dem Serail
Voici l’une des deux turqueries que Mozart nous a laissée, l’autre étant Zaïde, un vrai petit bijou de cocasseries et de belle musique. Les airs sont enlevés du début à la fin, et les personnages, à des degrés divers, prêtent à sourire, tant par leur bêtise, que par leur naïveté. On ressort de cette œuvre tout guilleret, et navré que cela n’ait pas duré plus longtemps.
Hogwood signe ici, comme à son habitude maintenant, un opéra de toute première qualité, où vie et entrain reprennent leur sens grâce à sa baguette inspirée. L’Academy s’appuie toujours sur un groupe de bois, mais aussi des cuivres, tout particulièrement efficaces, malheureusement les cordes connaissent leur sempiternelle faiblesse, et la rude sonorité qui est devenue leur lourd tribu. Du côté des solistes, on connaît les mêmes déboires.
D’un côté nous avons la sensibilité et le dynamisme de Lynne Dawson, même si les aigus ne sont visiblement pas à leur meilleur, la soprano campe une Konstanze toute d’aplomb et de finesse. La Blonde de Marianne Hirsti ne possède le côté soubrette que l’on pouvait s’attendre, et l’on reste définitivement sur sa faim en dépit d’un timbre tout à fait à propos. Du côté des hommes, cela ce gâte. Passons sur le Belmonte de Heilmann, moins désagréable ici qu’ailleurs, dont la voix semble s’être adoucie pour l’occasion et avoir perdu quelque peu sa nasalité si caractéristique. Gahmlich ne présente un Pedrillo par trop peu espiègle, et bien trop « comme il faut ». Le point le plus sombre vient de la voix encore plus noire de Kannen, dont la place ne semble pas être ici. Les vocalises peines, et l’on s’engouffre dans le grave comme dans une grotte sans fond. Ailleurs splendide, mais pas dans ce rôle ...
Ce que l’on regrettera donc, c’est l’aspect : bien sous tout rapport, que cet enregistrement dégage. L’énergie est là, prodiguée par un chef visiblement fort inspiré, mais il manque une petite étincelle, un je ne sais quoi, qui rende cette œuvre moins académique, et bien plus ce qu’elle est en fait : héroï-comique.
Note : 16/20 Enregistrement : A
Le chef anciennement américain, mais maintenant français, est capable de tout, du meilleur comme du pire ... Partout, notamment chez Mozart. Ici, c’est un petit miracle microcosmique qui s’est produit ! Christie aurait-il trouvé ce qu’il manquait à Hogwood pour faire danser cette musique ? Modulo deux ou trois écueils, la réponse est visiblement oui.
Commençons par l’orchestre. Les Arts Flo sont à leur meilleur, en formation complète (dopé par le nombre ?) ils sonnent comme jamais, avec des cordes d’un délicieux moelleux, et des cuivres pétaradants, sans compter une «artillerie turque » de la plus belle facture. On passera aisément les quelques aigreurs des vents.
Christie a de plus sut s’entourer de solistes remarquables, avec en tête de liste le jeune ténor Ian Bostridge (décidément l’école anglaise de ténors nous offrent quelques jolis spécimens). Le timbre chaleureux et velouté du ténor collent à merveille avec son personnage, et les quelques maniérismes de ci de là, sont vite oubliés. La Konstanze de Christine Schäfer est visiblement une femme délicate, presque emprunte d’humilité (En cela Christie renforce cette impression en prenant tout son temps dans le « Martern aller Arten ») , ce dont son timbre séraphique s’accommode très bien. On pourra regretter que Ian Paton ne caractérise pas assez son personnage, si le timbre est beau, les moyens semblent être assez limités, malheureusement. A l’autre extrémité, nous avons Patricia Petibon, qui elle, semble trop en faire, mais quand on a de tels moyens, se serait honteux que de ne pas les mettre en avant ! Enfin un Osmin de choix, le seul vraiment collant au personnage, Alan Ewing bassonne un peu d’accord, mais toutes les notes y sont (même d’autres !) et jamais Osmin n’a paru aussi terrifiant (et ridicule par là même !). Une excellente surprise.
On dirait que cela par un peu dans tous les sens, que cela s’enlise de temps en temps, puis que cela repart, mais ce qui est sûr, c’est que l’on ne s’ennuie jamais, et les voix sont si belles !
Note : 18/20 Enregistrement : A
Voilà l’un des moins connus de l’illustre salzbourgeois, encore un opéra de jeunesse, donc rien d’étonnant, certes, mais pourquoi sous ce motif fallacieux mettre aux oubliettes un tel petit chef d’œuvre ? C’est un séria, et de la plus belle facture, les airs regorgent d’inventivité et d’énergie. Devant un tel plaisir, ne faisons pas les fines bouches et avalons avec gloutonneries.
Harnoncourt aime Mozart, un Mozart de feu et de sang, et comme dans le meilleur des cas, celui-ci ne déroge pas à la règle. Dès l’ouverture, la couleur est donné : cela va chauffer ! Aucun temps mort dans ces pages, on se demande comment l’excellent Concentus fait pour tenir le coup ! Surtout qu’il s’agit d’un live ! ! Harnoncourt donne tout ce qu’il a, et cela fuse, les cordes trépignent, les cuivres explosent. Jamais festival orchestral n’aura été ainsi entendu chez Mozart. Mais l’on sait aussi où le bas blesse avec le chef autrichien ... les solistes.
Nous pouvons ici nous permettre de parler d’un petit miracle dans le microcosmos de la discographie Harnoncourienne. Car voilà, les solistes sont tous excellents ... à une exception prêt (of course !) Commençons par lui, le seul et unique homme de cet distribution : Peter Schreier ou la calamité incarné. Non que le brave n’a plus un poil de voix (tout est en sprech gesang) mais en plus son italien est catastrophique, tant et si bien qu’il en est risible. Quel dommage, car ses airs sont grandioses, et font partis des rares airs de bravoures pour ténor que Mozart nous ait laissé.
A ses côtés nous avons une palette des plus belles mozartienne d’alors : Gruberova est parfaite, son timbre légèrement acidulé est exquis et les vocalises s’enchaînent avec aisance et prestance. Yvonne Kenny compense sa voix au timbre épais par un sens aigu de la musique et de la « mise en son », sans compter ses qualités de comédienne née. Dawn Upshaw joue toujours de sa délicatesse pour nous offrir des moments de charmes absolus, la voix est un peu contrit dans le haut registre, mais elle est si charmante ... Enfin, comme d’habitude, celle qui est la plus déjantée de toute, celle qui nous ébouriffe quoi qu’elle chante, la splendide Cecilia Bartoli nous offre une nouvelle fois une démonstration de chant comme on en entends que trop rarement. Sublime !
C’est le meilleur Harnoncourt, on peut le parier. Et c’est vraiment du grand Mozart, tout est réunit pour, s’il n’y avait pas ce ténor qui offusque nos oreilles (mais qui finit par nous faire rire !) ...
Note : 18/20 Enregistrement : A
Que les jardins sont charmants lorsqu’on peut y côtoyer des gens de bel esprit comme Mozart ... C’est une pastorale, mais pas une simple petite amourette de berger, c’est aussi une franche comédie, et l’abracadabrante histoire qui nous est contée ici est digne d’un vaudeville. La musique est de toute beauté, et de la pastorale en réalité il faut chercher quelques rares airs qui nous la rappelle. Tantôt douce, tantôt sulfureuse la musique nous emporte dans un délire de note et de gaieté, comme dans un grand vent de fleurs ! Ce n’est peut être pas pour les puristes du grand Mozart, en tout cas c’est fort divertissant, et l’on en redemande aisément.
Notre brave Harnoncourt dans sa période féconde, et pas encore calamiteuse ... Si sa direction demeure toujours électrique, avec un Concentus qui suit avec grâce et agilité l’hardante fougue avec laquelle le chef mène l’opéra ; le choix des chanteurs est fort judicieux dans l’ensemble (chose si rare par ailleurs ...)
Gruberova n’est pas à son meilleur, et la voix semble faiblir çà et là, avec quelques teintes un peu stridentes de temps à autres. Pour les autres sopranos, attachons nous seulement à Dawn Upshaw, délicieuse soubrette au ton fruité et à la voix confondante d’aisance et de naturelle. Naturel que Charlotte Margiono et Monica Bacelli semblent toutes deux avoir oubliés au vestiaires : les voix semblent tirées, et l’émission assez incongrues ... le chant reste correct, mais rien de bien folichons tout de même. Le coin des hommes est plus heureux. Si l’on passe le côté nasillard si connu à présent de la voix de Uwe Heilmann, celui-ci est un peu décevant, ne prenant pas réellement par à la comédie, et préférant rester sur un piédestal fort peu de mise. L’autre ténor, Thomas Moser, risquait de sombrer dans le même marasme, mais son timbre plus sombre, plus chaleureux, et sa tenue de voix aristocratique, font que le rôle du Podesta lui va comme un gant, et il se déride plus facilement que son camarade ... Il en reste un pour qui la comédie est une seconde nature. De tous les rôles bouffes, aucun ne semble lui avoir échapper : Scharinger est le comique de service, dans le meilleur sens du terme, et ses interventions, souvent burlesques, ramène la farce dans son droit chemin.
L’orchestre fait une prouesse à suivre la direction hyper vitaminé d’Harnoncourt, au risque de perdre en lisibilité, et certains passages semblent s’engluer dans une masse sonore ressemblant à un véritable malstrom musical, pourtant la pâte sonore en résultant est loin d’être désagréable et l’impression de puissance en découlant est délectable.
Une des réussite du chef au côté de son sensationnel Lucio, même si elle n’en atteint cependant pas le niveau.
Note : 15/20 Enregistrement : A (Live)
C’est certainement le singspiel le plus joué au monde, et ceci depuis sa création. La Flûte Enchantée est une œuvre maçonnique aux yeux de la plupart des gens, qui oublient peut être trop vite qu’il s’agit aussi d’une belle petite comédie, ou est-ce donc l’inverse ? Qu’importe, car il y a effectivement des deux dans cette pièce. La musique n’est pas selon moi la plus belle ou la plus inventive du compositeur, mais certains passages démontrent à quel point Mozart peut s’enorgueillir du titre de « génie » qu’on lui décerne habituellement. Dès l’ouverture, tout en variation, jusqu'à l’air avec glockenspiel, en passant par le si rabâché « air de la Reine de la nuit » (en oubliant que la dame en a un deuxième au début de l’opéra), l’opéra est une mine à mélodie, et un bonheur de chaque instant. Les passages sérieux enchaînent la comédie, la tendresse enchaîne la fureur des éléments. La célébrité de l’œuvre n’est pas sans fondement, mais il y a encore d’autres ouvrages de Mozart à découvrir, et se limiter à celui-là seul serait une grave erreur.
Il y a des orchestres qui disparaissent avant l’heure ... c’est malheureusement le cas des LCP dissous à ce jour. Et cela est vraiment dommage. Norrington connaît Mozart et nous y met à l’aise, son orchestre était mirifique dans ses pages, là où le chef mettait toute son énergie, et où cet orchestre suivait avec aise. Des timbres chatoyants, des cordes mielleuses, des cuivres cinglants, une percussion incisive, des bois charmeurs, voilà tout ce qui peut caractériser les LCP. Regrettons leur disparition, mais espérons que Norrington reviennent à Mozart au plus vite, cela lui va vraiment comme un gant.
Surtout que le chef sait choisir ses chanteurs parmi les plus belles perles d’Angleterre. Si Anthony Rolfe Johnson est toujours royal, avec un timbre des plus soyeux, son allemand est un peu à revoir question accent, que ne ni, « personne n’y comprends rien de toute manière à cette langue de barbare » ... c’est exagéré, mais pourquoi se priver d’un si bon chanteur ? Le Papageno d’andreas Schmidt manque peut être de piquant, et un brin de délire supplémentaire aurait été bienvenu, mais la voix est belle, et le sens du comique est là. La Pamina de Dawn Upshaw est magnifique, toute en délicatesse, avec un timbre splendide, que d’éloges pourrait-on faire. Berverly Hoch nous présente une Reine un peu fade, bien chantante, avec toutes les notes, mais peu engagée dans son rôle, ni mère inquiète, ni femme enragée ... seule ombre au tableau (remarquez, pour une reine de la nuit ...) que Guy de Mey et le Sarastro de Cornelius Hauptmann viennent compléter : le premier possède tout du bon mozartien, le second aussi, mais si le timbre du premier est chatoyant, le second est quelque peu ankylosé.
Le Schütz Choir est à la même hauteur que l’orchestre, en tout point parfait, comme d’ailleurs l’ensemble des seconds rôles, à noter : Sir Norrington lui-même prête sa voix pour le second esclave, et trois mignons lions du zoo de Londres viennent faire les épouvantails sonores !
Norrington nous gratifie encore une fois d’un Mozart de toute beauté, tranchant avec la tradition en jouant sur les tempi, et donnant une vie nouvelle à ces pages tant jouées. Un voyage musical en des terres connues (trop ?) qui nous semblons redécouvrir à chaque pas.
Note : 17/20 Enregistrement
Il s’agit d’une pastorale, à l’instar de l’Acis et Galatée du Caro Sasonne que Mozart réorchestrera par la suite, une pastorale de Commande ... On pourrait donc craindre le pire, connaissant ce que les deux genres séparément pouvaient donnés, alors réunit ensemble ... Mais Mozart et Mozart, et d’une commande de circonstance il nous tire une œuvre de grande qualité, et d’une pastorale que l’on pourrait craindre fade et insipide, il trouve un judicieux stratagème pour nous la rendre agréable à l’oreille. Ce n’est sans doute pas une chef d’œuvre, les récitatifs à rallonge à eux seuls nous suffiraient pour piquer du nez, mais la valeur de l’ouvrage égale sans aucun doute celle du Re Pastore.
Bon, d’accord, quant on regarde le nom de l’orchestre et celui du choeur on se dit que cela fait un peu amateur ... Et bon, d’accord, quant on entend le choeur (surtout lui) et l’orchestre, cela fait effectivement assez amateur. En dépit des difficultés techniques évidentes des uns et des autres, le chef tire le meilleur de ses effectifs, et réussit à sauver les meubles. Si le choeur est un brouillamini sonore assez agréable, l’orchestre n’accuse pas toujours des sonorités des plus flatteuses pour l’oreille. Le chef veille, et en dehors de tempi massacré pour les choeurs, le reste demeure dans le domaine de l’acceptable : qui va sano va piano, ou l’inverse ? De toute manière on ne se presse pas de trop et on s’appuie sur l’effet pastorale pour « encaisser » le tout.
Le chef assume donc, mais heureusement il n’est pas tout seul. Ses solistes sont aussi là pour supporter l’édifice. Les sopranos sont dans l’ensemble assez méritantes avec un petit coup de chapeau à Rosa Mannion qui n’hésite pas à gravir les échelons pour atteindre un suraigu pas toujours très net, mais qui à le mérite d’être franc. Michael Chance n’a jamais été à l’aise dans l’opéra, et cela se confirme une nouvelle fois ici, surtout lorsqu’on a la malencontreuse idée de lui confier des airs de bravoures ... Pour sa mémoire, je ne ferai aucun commentaire, passons notre chemin ... Par contre, arrêtons chez Howard Milner, la « tache » de cet enregistrement. Un ténor ? On dirait Schreier dans ses plus mauvais jours, c’est vraiment pour dire ! La voix en soit n’est pas laide, le timbre non plus, mais les vocalises sont savonnées comme il n’est pas permis, l’aigu inexistant (et pour comble: il est cherché !) et le tout baigne dans un sprechgesang mitigé ...
On découvre donc une partition avec plaisir, et non seulement au travers des quelques airs de bravoures du rôle titre enregistrés de ci et de là, on aurait put espérer plus belle « mise en boîte » néanmoins !
Note : 12/20 Enregistrement : A-
Comme cela est niais ... Dessay est un ange, un ange de perfection, de délicatesse ... mais voilà où le bas blesse, madame est trop délicate. La voix est splendide, techniquement parfaite, rien à redire. Mais, si les airs tendres sont d’une douceur infinie, les airs plus enlevés (et fort nombreux ici ...) sont tout aussi délicats, et manque singulièrement de vitalité ...
Anémie que la direction platitude au possible du chef n’améliore en rien. Il aurait fallut bien plein d’énergie à tout cela, et le regret est d’autant plus grand lorsque l’on connaît le caractère de miss Dessay, à l’ordinaire si enjouée.
Un coup dans l’eau ...
Note : 14/20 Enregistrement : A
14) Concertos pour cor n° 1 à 4
Ces pièces pour cor obligé sont du pur Mozart, au sens où l’on reconnaît immédiatement la griffe du maître dès les premiers accords. Certains passages font penser immédiatement à des airs extraits de divers ouvrages lyriques du compositeur, d’autres ont quelques choses de ses symphonies, et ne font pas non plus sans rappeler le grand Haydn.
On ne savait pas le chef flamand grand émule du Salzbourgeois, mais chacun a le droit de s’engager là où il le désire (cf certains baroqueux touchant à présent les romantiques). Le grand atout de Kuijken c’est son orchestre. L’orchestre de l’âge des Lumières est sans doute l’un des orchestres sur instruments anciens qui possède le son le plus « classique », et qui fait preuve du plus de coloris dans ce répertoire. On avait déjà fait éloge de ses qualités concernant l’Elijah de Mendelssohn sous la baguette de Paul Daniel, elles sont encore une fois de mise. Des cordes gracieuses et sirupeuses, des bois très discrets, un son léger, aérien, un brin discret lui aussi, à des lieux de la brutalité d’un Concentus Musicus, en raison de la direction gracieuse du chef, qui emmène son ensemble comme pour une pastorale galante.
Voilà peut être où le bas blesse, l’ensemble semble trop « convenu », trop « gentil », non qu’il y ait des erreurs de tempi ou d’intonations, mais les mouvements se suivent et se ressemblent, rien ne faisant ressortir tel ou tel passage à l’intérieur même d’un ensemble. Le cor soliste, excellent Timothy Brown, brillant de virtuosité, malheureusement s’inscrit dans cette lignée discrète, avec un son emmitouflé et dénué de tout le mordant que l’on apprécie tant d’ordinaire sur les instruments « naturels ».
On regrettera donc que ces pages ne connaissent pas plus de vigueur, plus d’entrain et de verve, elles restent agréable à écouter certes, mais ne dégagent aucune particularité qui fasse d’elles quelque chose d’exceptionnel, chose qu’elles sont assurément.
Note : 13/20 Enregistrement : A
Achevé par ses élèves (notamment Süssmayr) il s’agit de l’ultime ouvrage du salzbourgeois. Une œuvre à la fois personnelle et collégiale. Une œuvre forte, certes, mais peut être pas ce chef d’œuvre que l’on souhaite tant y voir. Les inventions sont nombreuses, mais les poncifs et les emprunts (un passage du Dixit Dominus de Händel dans le Domine Jesu par exemple) aussi, et l’on n’est guère surpris par l’agencement de l’ensemble, et le traitement somme toute conventionnel réservé à chaque partie.
Cela cogne, cela tape, et on s’en prend plein les oreilles. Adeptes de la catégorie « intimiste », adorateurs de la lenteur : passez votre chemin, il n’y a rien (ou presque) pour vous dans ce requiem éclair (trois quart d’heure ...) et résolument militaire : la percu et les cuivres s’en donnent à cœur joie ! La direction du chef néerlandais est incisive et des plus vivifiantes, même si elle pêche de tant à autre par un léger manque de poésie, mais là est aussi son partie pris, loin de la lignifiante lecture que l’on entend par trop souvent, tout ici est en exergue.
L’orchestre possède quelques sonorités revêches mais reste de belle facture, et fait montre d’une énergie contagieuse (les biceps du timbalier doivent être impressionnants, et les poumons des trompettes, je ne vous en parle même pas !), on regrettera juste que le cor solo ne soit pas toujours très juste dans le Tuba Mirum. Côté solistes, de belles voix, et une grande cohésion, reprochons seulement les quelques limites que connaissent chacun : aigus limités pour la soprano et le ténor (Prégardien par ailleurs en grande forme) et les graves pas toujours des plus gracieux pour les deux autres (surtout Van der Kamp que l’on a connu mieux portant).
Seul véritable regret dans l’ensemble : le choeur, qui n’est pas celui que l’on aurait put attendre en de pareilles occasions. Sa dynamique ne suit malheureusement pas celle du chef, et reste toujours légèrement en retrait de la profusion sonore que l’on pourrait espérer, le chant est beau, mais l’engagement semble un brin bridé.
Il s’agit d’un bon, pour ne pas dire un très bon Requiem, pour tous ceux qui voient en cette œuvre une marque de « colère » ou de « rage » et non de contrition ou de peine.
Note : 16/20 Enregistrement : A-
Seize ans, Mozart était juste adolescent lorsqu’il composa ce seria des plus agréables qui soit, les belles mélodies s’enchaînent et l’on se dit que l’on ne connaît rien à Mozart, que temps reste encore à découvrir dans ces pages de jeunesse, d’idéal, d’insouciance, et de légèreté. Un délice.
Quand je ne cesse de dire que le bonheur nous vient soit d’Angleterre soit d’Allemagne (surtout cette dernière) lorsqu’il est question de nous faire redécouvrir ou découvrir des oeuvres jusqu’alors peu ou prou entendues. Une nouvelle fois je me dois de radoter, et de redire merci à ces agréables teutons qui nous offrent un Mozart « presque » inédit, et surtout des plus revigorants.
Cela sautille, cela chante (plutôt bien dans l’ensemble), cela danse, un plaisir constant. Dès l’ouverture, le chef donne le ton, l’œuvre sera bondissante, et les temps morts sont aussi rares que l’eau dans le Ténéré. L’orchestre de Freiburg (in Brisgau ?) sonne bien (même s’il manque un peu de rondeur) et fait preuve d’une belle virtuosité particulièrement mise en avant. Côté chanteurs, on est plutôt bien gâté.
Si Malin Hartelius pêche dans les aigus, la voix est jolie et les efforts déployés sont on ne peut plus louable. Louange également valables pour sa comparse Lisa Larsson, un peu plus avare de colorature en dépit de capacités évidentes, mais à la voix un brin corsée qui est des plus agréables. On connaissait une Christine Brandes un peu moins « coincée », la voix est ici tendue et étriquée, ce qui est légèrement décevant, certes elle n’a qu’un air (plus un appendice) mais bon, ce n’est pas une raison non plus. Du côté des mâles, aux cotés du merveilleux Charles Workman (qui nous avait moyennement convaincu dans l’Armide de Glück sous la baguette de Minkowski, qui a prêté son choeur pour l’occasion, excellent lui aussi, et très allant.) parfaitement en voix et dans le ton, se dresse l’éthéré et impalpable Jeremy Ovenden, pas franchement mauvais, mais pas inoubliable, et surtout le très décevant Bruce Ford, à la voix ampoulée et aux vocalises savonnées au possible.
Passons, car l’ensemble reste des plus agréables et il faudrait vraiment être le dernier des ... pour passer à côté de cela, ah Mozart ....
Note : 16/20 Enregistrement : A (Live)