Critiques1

 

Mes Critiques de disques Baroques

 

Francisco Antonio de Almeida

Thomas Augustine Arne
Carl Philip Emanuel Bach

Johann Sebastian Bach

Johann Christian Bach
William Boyce

Carl Heinrich Graun

Johann Adolf Hasse
Ignaz Holzbauer

Niccolo Jommelli

Reinhard Keiser

Gaetano Latilla

Benedetto Marcello

Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville

Henry Purcell

Nicola Porpora

Jean Philippe Rameau 

Georg Philip Telemann

Leonardo Vinci

Antonio Vivaldi

 


Francisco Antonio de Almeida (1702 - 1755)


Ce doit être le seul compositeur portugais que je connaisse, et à fortiori le seul baroque ! Et pourtant il mériterait de sortir de l’ombre dans laquelle il se trouve ...

 

1) La Giuditta

 

Un oratorio composé à Rome, qui ressemble en tout point à un opéra, chanté en italien, et composé par un portugais ... Un joli melting-pot qui nous offre là une pièce extrêmement brillante et tout particulièrement attrayante, où vivacité et tendresse se côtoient avec le plus grand bonheur.

 

i) René Jacobs Lena Lootens (s) Martyn Hill (t)

Francesca Congiu (s) Axel Köhler (ct)

Concerto Köln

 

Et qui c’est qui nous fait découvrir ce petit bijou : L’ami Jacobs, comme d’habitude ! Sans aucun doute le plus grand chef de sa génération, dans le domaine baroque assurément, du moins le plus prolixe. Jacobs est toujours égal à lui même. La baguette est leste, agile, et sait capter la moindre nuance, la moindre subtilité de la partition : violente et tendre à bon escient.

Malheureusement l’époque voulait alors que le chef flamand tombe dans la même traverse que son homologue autrichien : des chanteurs pas toujours à la hauteur des prétentions et des attentes de leur guide. Ici, on ne peut honnêtement dire qu’il n’y a que le ténor qui s’en sorte avec les honneurs, et même les palmes, vu l’abattage dont Martyn Hill fait preuve, d’une vaillance sans restreinte. Les deux sopranos sont correctes, pas désagréables, mais pas transcendantes. La vraie " terreur " provient du " protégé " de Jacobs, le contre-ténor Axel Köhler, élève du maître, mais loin d’arriver ne serait ce qu’à sa semelle. La voix n’est guère agréable, et somme toute fort commune, on peut allègrement passer sans s’arrêter.

La découverte est néanmoins essentielle, tant la musique par elle même le mérite, et tant le chef met du cœur à l’ouvrage, et ce divin Martyn Hill ...

 

Note : 15/20 Enregistrement : A

 


  Thomas Augustine Arne (1710 - 1778)


Alfred

Artaxerxes

 

1) Alfred

 

On se demandait bien quand un chef anglais allait se décider à enregistrer l’oeuvre qui contient l’un des " tubes " de la couronne britannique, tube que l’on entend chaque année à l’occasion des Proms : i.e. " Rule Britannia ". Choses est enfin faîte, le chef est bien anglais, les chanteurs aussi, mais le reste est américain ... Quid ?  

i) McGegan : Jennifer Smith (s) : Eltruda Christine Brandes (s) : Emma

David Daniels (ct) : Edward Jamie McDougall (t) : Alfred

 

Philarmonia Baroque Orchestra & Chorus

 

Reconnaissons bien qu’il ne s’agit pas là d’un chef d’œuvre, et hormis l’ensemble final si connu, le reste n’est pas inoubliable, même si certains airs sont particulièrement intéressants (notamment ceux du prince Edward). Mc Gegan dirige son monde comme à l’accoutumée, pas de dérapage, pas d’extase non plus, et surtout pas d’affolement, en cela le Rule Britannia aurait gagné un zeste de nervosité qu’il n’a malheureusement pas ici (quoiqu’il soit tout à fait honorable).

En fait, tout le monde connaît son métier, certains un peu passé : il faut avouer que Madame Smith n’a plus la voix toute fraîche, et son air de fureur tourne au calvaire ; de même sieur McDougall, en dépit de son jeune âge, peine dans les vocalises nombreuses qu’exige son rôle. Les " jeunots " s’en tirent très bien : le soprano de Melle Brandes est fort agréable à l’oreille, mais le vrai bonheur vient du contre-ténor David Daniels, étoile montante du chant baroque, qui relègue déjà les Scholl et Asawa au rang d’antiquités. Sa voix s’est se faire voluptueuse, ou alors mordante suivant l’occasion, écoutez " Vengeance, O come inspire me ! " cela donne des frissons. Certes le philarmonia ne suit pas toujours, les cordes sont un peu faibles, les cors (très présents) pas toujours très juste (mais au moins on les entends pas comme chez d’autres ...), mais on moins le tout avance sans trop tanguer.

De très beaux moments, des choses inutiles aussi, l’ensemble somme toute moyen, mais quand même ce Rule Britannia enfin rendu aux instruments anciens, cela nous change des Proms (quoique je n’ai rien contre, je les adore aussi), et Daniels ... Vivement le Rinaldo qu’il doit enregistrer avec Hogwood.

 

Note : 13/20 Enregistrement : A-

 

 

2) Artaxerxes

 

Un opéra baroque en anglais ... rare ! Donc il faut en profiter au maximum. Comme toujours chez Arne la musique regorge d’inventions et d’une tendresse toute particulière, même si la virtuosité n’est pas toujours au rendez-vous.

i) Roy Goodman C. Bott (s) C. Robson (ct)

I. Partridge (t) P. Spence (ms)

R. Edgar-Wilson (t) P. Hyde (s)

The Parley of Instruments

 

L’équipe de Peter Holman, qui pour une fois a cédé sa baguette à son confrère Roy Goodman, nous réserve à chaque fois de grands plaisirs en nous permettant de redécouvrir des trésors perdus de la musique d’outre-Manche. Cet opéra ci est un petit bijou menait de la plus agréable des manières.

Le Parlement sonne avec délicatesse et ravissement, mais aussi tout le mordant adéquat aux passages plus en verve. Goodman connaît son monde et son Arne, et on avance agilement, avec peut être plus de délicatesse que nécessaire.

Les solistes sont dans l’ensemble d’un niveau correct. Catherine Bott possède une belle voix et s’en tire avec honneur, tout comme d’ailleurs Richard Edgar-Wilson, au ténor un peu frais mais exquis et vaillant. Patricia Spence possède un timbre charnu qui convient à merveille ici, et est de loin celle qui nous produit le plus de ravissement. Le reste n’est pas de l’ordre de l’accessoire, mais malheureusement ne vaut guère mieux : Partridge compense son timbre devenu ingrat par une vaillance des plus bienvenues, mais en dépit de tout, demeure juste potable ; chose que n’est plus Christopher Robson, ombre de lui-même et à la limite du supportable ...

Une découverte que l’on pourrait qualifier de majeure, servit par une bonne équipe, mais pas exceptionnelle.

 

Note : 15/20 Enregistrement : A

 

 


Carl Philip Emanuel Bach (1714 - 1788)

 


 

1) La Résurrection et l’Ascension de Jésus

 

Dieu que le fils ressemble au père, mais, encore Dieu, merci, il possède une pointe d’espièglerie que son aïeul ne possédait pas. Si la musique est toute de rigueur, Bach quoi, elle est nettement moins raide que celle du Cantor, et elle bondit de çà de là tel un jeune faon découvrant les vertes prairies. L’œuvre ici n’est pas, aux dires du compositeur, un oratorio, mais elle en a tous les airs, y compris la saveur, et lorsque l’on sait qu’un autre célèbre cantor, à savoir Telemann, avait déjà composée un tel oratorio ... CPE (tellement plus court que son interminable " prénom ") met toute la vie que son père rechigner à incorporer dans ses oeuvres, le long de ses pages superbes d’émotion et de vigueur. L’esprit est commun à celui du paternel, une profonde piété, mais la lettre est nettement plus réjouissante. Ici, on exalte Dieu comme au " bon vieux temps ", à savoir celui de Telemann (pourtant contemporain de Bach, mais dont l’impact de ne jours est nettement sous estimé) dans toute la rectitude protestante qui se doit. Mais ici, on s’agite, on ne se contente pas de pousser la chansonnette, les poumons se gorgent d’air pour crier les " Triump " et autres " Alléluia ". On ne porte pas non plus un regard de dédain sur les cuivres et la percussion, les reléguants à des commodités ; ici ils prennent de l’ampleur. Si Bach, et si peu, un parfait compromis.

 

i) Philippe Herreweghe Hillevi Martinpelto (s) Christoph Prégardien (t)

Peter Harvey (b)

Collegium Vocale, Gand

Orchestra Of the Age of Enlightenment

 

Avouons le tout de suite, je ne suis pas d’ordinaire un grand partisan d’Herreweghe. Ayant assisté à son enregistrement de la 9° de Beethoven, je n’ai put que constater avec stupeur et désarroi l’étendue du cataclysme. Mais là, là je dis bravo ! Visiblement la famille Bach c’est son truc, surtout qu’il y reste. La direction est nerveuse, sans pour autant tomber dans une veine agitation, il faut dire que son instrumentarium possède des couleurs particulièrement agréables, avec des cuivres très présent, de même que les timbales, et des cordes un tantinet châtiés mais d’une très belle facture.

De ce qui est des solistes, ils sont tous trois excellents, en dépit du manque de présence de la soprano, un peu timide. Prégardien est toujours aussi effarant, et ne donne pas en voix de tête pour passer les notes hautes, choses qui jusqu'à maintenant il ne se privait pas de faire. Harvey est splendide de bout en bout, il faut dire que c’est à lui qu’échoit la majorité des numéros.

Le seul bémol peut provenir d’un choeur assez moyen, savonnant les vocalises avec trop aisance, et manquant de temps en temps de conviction et d’affirmation.

Au demeurant, un très bel enregistrement de ce qui est une des rares oeuvres connues par le public d’un fils qui gagnerait la notoriété de son géniteur sans trop de mal.

 

Note : 16/20 Enregistrement : A

 

 


Johann Sebastian Bach (1685 - 1750)


Magnificat

 

Exact contemporain de Händel (et aussi de Scarlatti), Bach en est aussi l’antithèse. Là où Händel se montre extraverti et démonstratif, Bach intériorise à outrance. Ne le cachons pas plus longtemps, cette introspection me porte généralement très vite sur les nerfs ... A force d’ainsi chercher Dieu, ce n’est que l’ennuie que l’on trouve. Certains trouvent cette façon de voir géniale, splendide, et j’en passe des superlatifs ; je ne suis pas de cela, mais heureusement le cantor de Leipzig a aussi composé des choses un peu moins coincées, et certaines de ses cantates ou ouvrages latins sont supportables. Je sais, tout ceci n’est pas très objectif, et ma vision des choses peu paraître assez manichéenne ; au moins j’ai le mérite d’être franc. Et lorsque l’on voit tout le tintamarre fait autour de l’année 2000 = l’année Bach, c’est fort partial aussi, et c’est bien négliger d’autres compositeurs de talent égal qui sont aussi " à fêter " cette année ci, tel Aaron Copland dont l’année 2000 est le centième anniversaire de sa naissance.

 

1) Magnificat

 

L’œuvre latine sur le texte du Magnificat peut prêter à de maintes démonstrations tel l’ouvrage composé par Vivaldi. Bach se plie plus ou moins à la règle, mais relativise le tout, et en dehors du choeur initial et de celui conclusif, cela ne brille guère ; mais les airs sont de toute beauté et les choeurs d’une grande inventivité.

 

i) Andrew Parrott Emily Van Evera (s) Evelyn Tubb (s)

Caroline Trevor (a) Howard Crook (t)

Simon Grant (b)

Taverner Consort & Players

 

A première vue, on pourrait dire que cela va être terriblement british. Et bien, pas tant que cela ; et tout d’abord le latin prononcé à l’allemande, qui confère un air irrésistible à l’ensemble. Parrott a la baguette légère, et sa direction vive, à défaut d’être véritablement tonique, ne laisse aucun temps mort, y compris dans les passages lents (nombreux) qu’il négocie avec doigté et finesse. L’orchestre sonne bien, même très bien, et la palette de solistes réunie ici défends avec audace le point de vue somme très intimiste du chef.

Car de choeur ici, ce sont les solistes qu’ils en font office, et cela sonne parfois un peu faible ... Heureusement les solistes sont d’un niveau correct : les deux sopranos sont correctes, et leurs airs sont des plus agréables. Carolyn Trevor est un peu empâtée et manque de dextérité vocale, il en va de même de Simon Grant un peu plus réveillé néanmoins. Howard Crook d’ordinaire de fort bonne compagnie a été un peu " bachisé " pour se fondre dans le moule.

L’ensemble est de très bonne facture, en dépit des quelques petits travers, et la prononciation à l’allemande est si exquise.

 

Note : 15/20 Enregistrement :A

 


Johann Christian Bach (1735 - 1782)


La famille Bach était nombreuse, et surtout prolifique dans le domaine musicale, et derrière l’ombre du cantor de Leipzig, ses proches ont eut du mal, et l’ont d’ailleurs toujours, à s’imposer. Pourtant ils valent autant, si ce n’est plus, que l’illustre Jean-Sébastien. Johann Christian suivit en fait non les traces de son père, mais celles d’un autre fameux allemand : Händel. De Leipzig, il s’en alla chez son frère CPE à Berlin, puis de là en Italie, avant de se rendre à Londres, devant y séjourner un an, il y resta jusqu'à la fin de sa vie ; comblant ainsi la scène londonienne laissée vacante par il caro Sassone en 1759. Si la musique de Bach se devait de suivre le goût laissé par le maître en Angleterre, à la fois pour le grand opéra italien, et pour des compositions plus insulaires (les grands oratorios), celle-ci fut aussi un prolongement " naturel " qui mena directement à l’opéra " classique " et inspira grandement Mozart.

 

1) Endimione

 

Soit disant une senerata, car l’on traite ici de Diane, de l’amour et d’autres personnages " champêtre ", Endimione est bel et bien un opéra miniature. Créé au King’s Theatre de Londres, maison de GFH, le 6 avril 1772, l’œuvre est à mi-chemin entre le seria et le classique, et fait montre d’une inventivité de tout instant, qui explique amplement l’avis de certains musicologues actuels, convaincus à première écoute qu’il s’agit là d’une œuvre de Mozart. Les airs sont aussi légers que la brise, aussi délicat que le satin, et aussi vif que le papillon prenant son envol ; un régal à tout point de vue.

 

i) Bruno Weil Vasiljka Jezovsek (s) Ann Monoyios (s)

Jörg Waschinski (sopraniste)

Jörg Hering (t)

VokalEnsemble Köln

Cappella Coloniensis

 

Une belle redécouverte que Bruno Weil vient de partager avec nous, comblant l’injuste vide d’une discothèque trop accaparé par un homonyme particulièrement envahissant. Weil a tenter de mettre de son côté toutes les chances en réunissant un bon orchestre et de bons chanteurs, le pari est presque gagné.

L’orchestre de la Capella sonne magnifiquement, tous pupitres confondus, avec seulement peu être un clavecin un peu haut perché. Le choeur du VokalEnsemble a des progrès à faire côté coercition, et côté punch, mais on ne peut guère lui reprocher d’être mal chantant ; ce doit être lui le seul écueil de cet enregistrement, car côté solistes nous particulièrement gâtés.

On connaît Ann Monoyios, et jamais cette charmante soprano ne nous a déçu, ici elle nous prouve une nouvelle fois combien elle sait passer d’un rôle à un autre, d’un style à un autre, sans rien perdre en qualité. Ses interventions sont la grâce et l’intelligence même, la voix est superbe, le maintien d’un équilibre exemplaire, un sublime instant de chant. Les mêmes qualités ont frappé l’autre soprano, un peu moins gracile néanmoins mais tout aussi délicate. Le ténor Jörg Hering est un peu grave dans son rôle, mais il est d’une belle intelligence de chant, et sa voix un peu granuleuse fait de belles prouesses de ci de là. Des prouesses, le sopraniste Jörg Waschinsky en réalise tout le long de ses deux seuls airs, de la haute voltige dans les deux cas. On le savait fier devant les difficultés (cf Il Gedeone de Porpora) il réitère ici, et s’en tire tout aussi bien. La voix semble même avoir gagné en assurance, et le petit timbre angélique est devenu un peu plus agressif, souhaitons lui de continuer ainsi sur cette voie(x).

Weil nous enchante par sa direction vive et assurée, tantôt douce, tantôt nerveuse ; il nous offre là le premier enregistrement mondial d’un vrai petit cadeau de la nature dans une interprétation propre et soignée, exempte de griefs notables.

 

Note : 16/20 Enregistrement :A

 


William Boyce (1711 - 1779)

 


The Secular Masque

Ode For St Cecilia’s Day

 

Non, l’Angleterre ne fut pas ce désert musical que l’on croit entre la disparition du Caro sassone Händel et l’émergence de Britten, Elgar et autres Walton. Boyce est loin d’être un compositeur négligeable, tant sa musique réussit à combiner les diverses influences subies et assume l’héritage des grands qui l’on précédé tout en s’attachant à l’essence même de ce qui rend la musique anglaise si particulière : un mélange subtil de grandeur, de maintien, et d’humour pince sans rire.

 

1) The Secular Masque

 

Comme son nom l’indique, il s’agit là d’un " mask " dans la plus pur tradition britannique, avec quant même une très nette influence des opéras et autres oratorios du maestro Händel. L’influence se fait sentir dès l’entrée du premier personnage, tout en " rudesse ", et ne fait que se confirmer par la suite : les airs sont virtuoses, entraînant, ou songeurs, l’écriture est bondissante, et fait nettement penser aux pastorales händéliennes, notamment L’Allegro, il Penseroso ed il Moderato, dont un air en est calqué. L’intervention des choeurs est nombreuses, et suivent directement les airs (à l’instar de l’ouvrage suscité). Ajouter à cela le déploiement d’une riche palette sonore, avec un sens certain du décorum, et vous aurez trouvé l’héritier de la tradition händélienne. Si l’on vous dit en plus que le ténor créateur de l’ouvrage, et à qui échoit la majorité des pages, fut John Beard, le favori de Händel, vous aurez tout compris !

 

i) Graham Lea-Cox J. Howarth (s) K. Kulhmann (ms)

C. Daniels (t) T. Robinson (t)

S. Varcoe (b) D. Thomas (b)

Choir of New College Oxford

The Hanover Band

 

Lorsque l’on nous offre une telle rareté dans une telle interprétation on ne peut que croire en un Dieu salvateur, près à nous sauver des trop courantes rééditions inutiles et stériles auxquelles l’on doit trop souvent faire face. Merci à Lea-Cox pour ce cadeau divin !

Le Hanover Band sonne mielleusement, et fait étalage d’une belle palette sonore, avec des cuivres corsés, une percussion incisive, des cordes un peu rêches mais si bien amenées ; un vrai délice. Ajouté un choeur tonitruant, la phalange exclusivement masculine (et pubère) du New College (débarrassé pour l’occasion des trebles), tonnant à souhait, d’une justesse absolue, et d’un engagement que l’on ne lui connaissait pas si fervent. Un régal de plus !

La baguette du chef est dynamique juste ce qu’il faut, sans empressement, il mène tout son beau monde, et quel beau linge !

Si l’on excepte le ténor toujours aussi étriqué de Charles Daniels, qui au demeurant ne se fait guère entendre, tous les autres sont exemplaires. La soprano Judith Howarth s’empêtre quelque peu dans ses vocalises, mais son abattage nous le fait aisément oublier, et la voix est des plus belles. La mezzo Kathleen Kuhlmann nous fait une splendide démonstration de beau chant dans son unique, et si touchant, air, rarement on l’a entendue si en voix.

Les deux " bêtes " restent quant même la basse David Thomas, aboyant comme jamais (pour ne pas dire " beuglant ") avec un à propos exemplaire ; et le ténor Timothy Robinson splendide de tenue, même si la voix est un peu verte de ci de là. Magnifique !

Un excellent disque d’une œuvre qui gagne immédiatement à être connue.

 

Note : 19/20 Enregistrement : A

 

 

2) Ode For St Cecilia’s Day

 

C’est une grande tradition que l’ode à la fête de St Cécile, patronne des musiciens, et essentiellement une tradition anglaise. On se souvient des ouvrages de Purcell et de Händel, pour ne citer que les plus connus, on connaît moins celui-ci de Boyce. A la différence des deux autres, il n’est pas fait ici " citation " des différents attributs de la patronne : i.e. les divers instruments de musique. Il s’agit plutôt d’une allégorie où St Cécile prends la première place. L’ouvrage néanmoins emprunte diverses influences aux deux compositeurs sus cités, essentiellement au caro sassone. Peut être le fait que l’œuvre fut créée à Dublin avec l’équipe même qui créa le Messie ? Pourtant l’œuvre sait se détacher de ces influences pour acquérir une vie propre, laissant apparaître tout le talent de coloriste de Boyce.

 

 

i) Graham Lea-Cox Patrick Burrowes (treble) William Purefoy (ct)

Andrew Watts (ct) R. Edgar-Wilson (t)

Michael George (b)

Choir of New College Oxford

The Hanover Band

 

Graham Lea-Cox est à remercier du fond du cœur, sans lui les ouvrages de Boyce seraient sans doute encore entrain de croupir au fin fond d’une bibliothèque poussiéreuse. Comme pour le précédent Secular Masque, Lea-Cox a réunit autour de lui une équipe des plus méritoires et des plus engagées.

Le Hanover Band possède toujours les mêmes qualités, de même que le choeur du New College, au grand complet, avec des " trebles " un peu limités mais tout à fait honnêtes. De ce côté-ci, aucune réserve donc. Il faut maintenant regarder chez les solistes, tous masculins.

Si leur engagement et leur ferveur à défendre cette partition est évidente, tous ne possèdent malheureusement pas les mêmes moyens pour mener à bien leur bataille. Commençons par le " pire ", pour une fois. Il s’agit d’Andrew Watts, contre-ténor au timbre assez ingrat et à la voix fort rêche, qui en dépit de l’entrain qu’il met dans ses interventions ne réussit pas à nous convaincre. L’autre contre-ténor, William Purefoy, s’en sort beaucoup mieux avec une voix aux sonorités plus mielleuses. Richard Edgar-Wilson est un ténor des plus honnêtes, mais, reconnaissons-le, sans aucune personnalité, et somme toute assez quelconque (à la différence de sa belle prestation dans l’Artaxerses de Arne), chantant bien (c’est tout ce qu’on lui demande diriez-vous) mais n’allant pas plus loin. Les deux bonnes surprises viennent des deux chanteurs restant. Tout d’abord le soprano enfant Patrick Burrowes, choriste de St Paul, qui ne possède rien de ce qui a l’habitude de nous crisper chez les trebles, la voix est belle, justement placée, avec de belles couleurs et nuances, et une vocalise agréable. L’aigu n’est pas toujours très haut perché, mais que faire, nous avons là un petit bijou pour un treble ... Ensuite la basse Michael George, qui ne cesse de s’améliorer, comme le laissait suggérer sa dernière prestation dans " Alexander Balus ". La voix sait se faire plus légère, avec de longue tenue, et des vocalises très hautes perchées, négociées tout en délicatesse.

Un très beau disque d’une œuvre jusqu’alors tombée dans les limbes de l’oubli, desservit par une fine équipe, à défaut d’être exceptionnelle.

 

Note : 16/20 Enregistrement : A

 


Carl Heinrich Graun (1703 - 1759)


 

On pourrait dire de lui qu’il s’agit du Händel allemand ! Mort la même année que le Caro Sassone, Graun a fait les plus beaux jours de la cour de Prusse, satisfaisant l’appétit gargantuesque du roi Frédéric en matière d’art lyrique, et sa musique n’est pas sans rappeler celle de son illustre contemporain, sans pourtant l’égaler ...

 

1) Cleopatra & Cesare

 

Le livret de Haym pour le Giulio Cesare de Händel sembla fort convenir à Bottarelli, le librettiste du présent Cleopatra & Cesare, qui s’en inspira largement, et la musique du Caro Sassone (et son succès à Londres) sembla fournir matière à réflexion à Graun. Ne ménageant nullement ses efforts, le compositeur de cour repris les bonnes vieilles ficelles de l’insulaire, les mis au goût de ses compatriotes, et réussit le pari. Dans le rôle de César un castrat mezzo, dans celui de Cléopatre une colorature, Achille une basse, mais la nouveauté vient des autres rôles : 2 ténors plus quelques sopranos. Même savant dosage d’airs de bravoure et de mélancolie, une musique pétillante, virevoltante, volontiers virtuose aussi bien dans la partie vocale que dans la partie instrumentale ; et l’on obtient ainsi un succédané de Giulio, son petit frère, non déméritant au demeurant, et bourré de belle musique, à ne peut être finalement pas trop comparer avec son grand frère pour ne pas perdre toute la majesté de la chose.

 

i) René Jacobs Janet Williams (s) Iris Vermillion (ms)

L. Dawson (s) Robert Gambill (t)

R. Popken (ct) Jeffrey Francis (t)

Klaus Häger (b) Elisabeth Scholl (s)

M-C Kiehr (s)

RIAS KammerChor

Concerto Köln

 

Après celui de Händel, celui de Graun, rien de plus logique ! Surtout lorsque l’on a pour chef un Jacobs tout aussi pétillant et déjanté que pour le précédent. Le chef est toujours égal à lui même, saisissant la musique dans ses moindres recoins, le ton juste en tout les points, exigeant vis à vis de ses chanteurs et de ses instrumentistes, mais connaissant parfaitement leur limite aussi. Un véritable feu d’artifice, comme à son habitude !

Le Concerto Köln est décidément fait pour être sous la baguette du contre-ténor, virevoltant sur chaque note, faisant étal de ses plus belles couleurs, avec des cordes radieuses comme le soleil de Méditerranée, et des vents aussi chatoyant que la bise. Fourmillant de sonorités délicates, l’orchestre fait front à toutes les périlleuses aventures que le chef impose. Mais les chanteurs ne sont pas en reste. L’équipe est assez homogène, même si chacune des voix est particulièrement typée.

Janet Williams est fort virtuose, même si par zèle elle trébuche quelques fois en ajoutant une vocalise dans un trou de souris, le timbre est somme toute quelconque, mais la voix est belle, et le phrasé délicat. Il en est de même de Lynne Dawson, un peu moins à l’aise que sa camarade dans l’aigu et dans la virtuosité, le timbre est toujours magnifique, et sa composition rend sa Cornelia des plus touchantes. Le césar d’Iris Vermillion est magnifique, une nouvelle Larmore ? Elle en a du moins la virtuosité et l’énergie, cela trébuche aussi tantôt, et les notes extrêmes ne passent pas sans mal, mais ce sont petites broutilles. L’Achille de Häger est un peu " léger " et ne ferait guère peur à qui que se soit, dommage car son seul air est magnifique. Popken est plus à l’aise ici qu’ailleurs et s’en tire sans trop de dégâts, mais sans palmes non plus.

Les deux bonnes surprises viennent donc des ténors. Robert Gambill est un baryténor à la voix chaude et délicatement graveleuse, doué d’un réel sens de la musique, et d’un tonus à revendre. Les vocalises passent des fois avec un peu de mal, mais il ne se laisse pas abattre par l’ouvrage, et " fonce " tête baissée dans l’action. Un panache que possède également le second ténor, la révélation, Jeffrey Francis (par ailleurs excellent rossinien) avec un virtuosité sans faille, un timbre de platine, et un velours dans la voix à se faire pâmer toutes les petites nymphes (son dernier air est à pleurer ...) . Les vocalises se suivent à un rythme effréné, les montés ne l’impressionnent guère, et les da capo sont d’une intelligence rare. Un petit chef d’œuvre de ténor.

Jacobs toujours égal à lui même, avec un excellent orchestre, de très bons chanteurs, et une musique des plus belles ... Que veut le peuple ?

 

Note : 18/20 Enregistrement : A

 


 

Johann Adolf Hasse (1699 - 1783)

 


Cleofide

 

Hasse est l’autre " caro sassone " avec Händel, c’est aussi un autre grand maître du seria, sa femme fut même l’une des chanteuses de l’illustre anglais : la Faustina. La musique de l’un fait un peu penser à l’autre, et inversement. Hasse est un compositeur hors pair, plutôt à l’aise dans les grandes mélodies sentimentales, laissant à d’autres le soin des airs de bravoures. Mais Hasse se contente peut être seulement de toucher au sublime là où l’autre saxon atteint le divin. Sa musique n’est pas à sous-estimer, comme l’on le fait par trop souvent, ni à la laisser choir dans l’ombre du grand maestro, car elle exalte des sentiments tout aussi méritoires, et de manières tout aussi crédible.

  

 

1) Cleofide

 

 

Composé sur le même livret que le Poro de Händel, avec quelques retouches concernant celui de ce dernier, l’œuvre en est aussi l’antithèse presque parfaite. Là où Poro développait une multitude d’effets divers et variés, faisant miroiter à chaque instant la couleur orchestrale et vocale, Cleofide reste dans un ton quasi constant : la belle mélodie, facile à retenir, flattant l’oreille de la plus agréable manière, avec une orchestration tout aussi " caméléon " néanmoins. Et c’est bien cela qui caractérise cette œuvre, une richesse inventive gigantesque, tout en restant dans un climat d’ensemble des plus constants. Un très beau seria, qui confirme que outre Händel, d’autres compositeurs baroques pouvaient se défendre sur ce terrain.

 

 i) William Christie Emma Kirkby (s) D. Lee Ragin (ct)

Agnès Mellon (s) D. Visse (ct)

Randall K. Wong (sopraniste)

David Cordier (ct)

Capella Coloniensis

 

 

Les " débuts " de Christie, sa première tentative au seria, et ma foi, peut être son plus beau succès. Parfaitement dans le ton hédoniste de l’ouvrage, laissant planer chacune des notes, ou alors accélérant le mouvement à bon escient, le chef est parfaitement dans l’opéra, emmenant dans son sillage toute l’équipe réunit par ses soins.

D’abord un orchestre sur instruments anciens aux sonorités un peu rêche, mais aussi terriblement attendrissantes, avec des bois délicats, et surtout une basse continue d’une exubérance délectable, que l’écriture de Hasse met tout particulièrement à profit avec les nombreux soli de théorbe entre autre. Ensuite avec une équipe de chanteurs rompus à ce registre.

L’exquise Emma Kirkby, particulièrement en voix ici, dont le timbre cristallin et si fragile, nous composent une Cleofide simplement sublime. Agnès Mellon, l’autre soprano, n’est pas en reste, même si le timbre est un peu moins écarlate, plus acidulé. Côté messieurs, faites votre choix : 3 contre-ténors et un sopraniste. Commençons par ce dernier, vraiment l’une des voix les plus troublantes qui soit. Timbre enfantin, voix un peu fluette, mais si bien placée, si aisée, si belle ... un délice, cependant plus à l’aise dans les adagio et sans vocalises, il n’en reste pas moins sublime. On peut dire tout autant de bien de la part de Derk Lee Ragin, les vocalises en plus, la grâce peut être en moins. David Cordier essaye de se donner bonne figure et panache mais cela ne réussit qu’à moitié, dommage car la voix est belle, et le timbre un peu aigrelet ne se laisse pas oublier si facilement.

Une autre que l’on ne saurait oublier, c’est la voix si particulière de Dominique visse, habitué avec les Janequins à un registre plus " léger ", catapulté dans un rôle on ne peut plus sérieux : Alessandro, le grand conquérant. Et non d’un chat, on découvre là une autre facette du personnage, aussi à l’aise ici que là bas. Certes cela vocalise tant bien que mal, on ne monte pas très haut, mais c’est vraiment joli tout plein.

Une agréable découverte, venant combler le vide manifeste qui entoure cette période.

 

Note : 16/20 Enregistrement : A-

 

 


Ignaz Holzbauer (1711 - 1783)


Encore un compositeur que l’histoire à oublié, et dire qu’il y en a tant, trop même. Car Holzbauer est à mettre au même niveau que maints autres, tant sa musique est emplit d’originalité. Oeuvrons pour sa réhabilitation.

 

1) Günther Von Schwarzburg

 

Il s’agit d’un opéra en langue allemande, le seul en cette langue du compositeur, que Mozart appréciait au plus haut point, ainsi qu’il l’écrivait à son père en 1777 :

" La musique est très belle. (...) Ce qui m’étonne le plus, c’est qu’un homme aussi âgé que Holzbauer ait encore tant d’esprit ; car ce n’est pas croyable ce qu’il y a comme feu dans cette musique. "

Mozart ne s’y trompait pas, cette musique est telle la braise, nous enflammant le cœur dès l’ouverture, et nous tenant en haleine de bout en bout. N’en doutons pas, Mozart, mais d’autres aussi, Haydn sans doute (dont l’Orphée rappelle quelques passages de la présente œuvre), ont été conquis par cette musique pleine de vitalité et de bon goût.

 

i) Michael Schneider Robert Wörle (t) Michael Schopper (b)

Claron McFadden (s) Clarry Bartha (s)

Christoph Prégardien (t)

Vokalensemble La Stagione

La Stagione

 

Tous nos remerciements à Schneider pour nous avoir découvert cette petite merveille, et surtout chapeau bas pour les progrès réalisé par son ensemble depuis sa création. On se souvient d’un plutôt calamiteux " Massiliano Furioso ", et d’un peu convaincant " Orfeo ed Euridice " de Haydn. Effacé ses pitoyables souvenirs, c’est le passé, La Stagione nouvelle est arrivée, avec une équipe similaire aux précédentes, mais une vitalité toute nouvelle.

Côté chanteur, nous retrouvons avec plaisir Prégardien, au ténor toujours chaleureux, dans un rôle un peu secondaire certes, mais qui lui va à merveille. Nous redécouvrons aussi avec grande joie l’excellent Michael Schopper, tonitruant comme jamais, à la vocalise assouplie, et à l’abattage impressionnant. L’éprouvant rôle titre est desservit tant bien que mal par le ténor Robert Wörle, le timbre est beau, mais les qualités techniques nécessaires pour faire face à une telle charge sont manifestement au delà de ce que le brave ténor est en mesure de donner, et Dieu sait qu’il en donne ! Il en va de même pour les deux sopranos, dont la partition est semée d’embûches. Miss McFadden s’en tire avec les honneurs question technique, son premier air est remarquable pour cela, mais la voix est un peu étriqué. Miss Bartha est moins à l’aise que sa collègue dans l’aigu, mais la verve dont elle fait preuve comble bien des lacunes, notamment du côté du timbre un peu aigre.

Les lauriers sont à déposer sur le front du chef, dont l’énergie et la vitalité embrasent la performance. La Stagione sonne comme jamais, tonifiée par le nombre, les archets volent, les cuivres explosent, les timbales s’emballent ; et l’on ressort de là revigoré.

Le meilleur de la Stagione, en une interprétation grandiose d’un petit coin de paradis.

 

Note : 17/20 Enregistrement : A

 

 


Niccolo Jommelli (1714 - 1774)


Armida Abbandonata

Didone Abbandonata

Veni Creator Spiritus

 

1) Armida Abbandonata

 

Armida est un des derniers opéras de forme seria que Jommelli composa avant de se tourner vers la réforme amorcée par Glück. Le dernier acte, avec ses récitatifs accompagnés multipliés en donne un avant goût. L’ensemble demeure de facture seria, avec une nette tendance à la virtuosité, aussi bien vocale qu’orchestrale. Le seul regret à émettre quant à la musique de cet opéra est la longueur des passages musicaux, aussi bien les récitatifs que les airs, dont certains peuvent dépasser sept ou huit minutes, ce qui rend le développement virtuose un peu répétitif, et le tout tourne vite au procédé. La musique de Jommelli sait être à la fois contemplative (c’est dans ce domaine qu’il se spécialisera par la suite en se tournant vers les oeuvres religieuses), et exultative (dans les longs passages virtuoses précédemment cités) réunissant tous les éléments nécessaire à l’agencement d’un bon drame.

 

i) Rousset : E. Malas- Godlewska (s) : Armida Claire Brua (ms) : Rinaldo

Gilles Ragon (t) : Tancredi V. Gens (s) : Erminia

L. Polverelli (ms) : Rambaldo P. Petitbon (s) : Ubaldo

M. Perrin (s) : Dano

Les Talens Lyriques

 

Rousset a toujours su trouver les choses rares, oubliées par tous, mais ô combien intéressantes pour les mélomanes avertis et assoiffés de musique, grand bien lui en fasse, pour cela qu’il soit loué. L’opéra seria qu’il a exhumé ici constitue sans doute son plus grand succès. La distribution vocale qu’il a réunit autour de lui est particulièrement homogène et habituée au répertoire présentement défendu.

Les rôles féminins sont prépondérant, pour cela commençons par le rôle de ténor tenu par l’exemplaire G. Ragon, dont la virtuosité et la noblesse de ton laisse pantois. Chacune de ses interventions est un pur instant de bonheur, et l’air final du second acte fait montre de son impeccable technique vocale, déjouant toutes les embûches, dieu sait nombreuses, de la partition à l’écriture outrageusement virtuose.

Du côté des femmes, le grain se mélange à l’ivraie. Claire Brua possède un très beau mezzo charnu, peut-être trop charnu, là est le problème : la virtuosité voulue par Jommelli ne permet pas à une telle voix de s’épanouir, ce qui est bien dommage. Mme Brua ne réussit pas, en dépit de ses méritoires efforts, a faire passer toutes les notes, et donc tout simplement la musique, jusqu'à nous. La soprano colorature E. Malas-Godlewska possède un timbre assez acidulé, quelque peu dérangeant, mais elle possède aussi toutes la virtuosité requise par sa partie : l’une des plus dures qu’il m’ait été donné d’entendre ; et réussit à transformer ce qui aurait put être un parcours du combattant en balade de campagne, tant son apparente facilité à gravir et redescendre les pics plantés par Jommelli est déconcertante. Notons les prestations de Mmes Gens et Petitbon, avec une mention spéciale pour cette dernière dont l’unique air est un pur instant de beau chant, et donc de bonheur. Les deux autres chanteuses sont malheureusement insignifiantes.

Rousset dirige son orchestre avec brio, lui insufflant toute la vitalité essentielle à un tel ouvrage, mettant en avant les qualités virtuoses des cordes tout spécialement. Une interprétation fort honorable d’une œuvre par trop méconnue et qui serait dommage de laisser dans l’ombre.

 

Note : 16/20 Enregistrement : A

 

 

2) Didone Abbandonata

 

Nettement moins démonstratif en pyrotechnie vocale que l’Armida Abbandonate, cette Didone ci n’en reste pas pour autant moins touchante, bien au contraire. Jommelli s’est tout particulièrement attacher à la mise en place de mélodies simples, délicates, faisant directement appel à nos sentiments, sans passer par les voix détournées (mais tout aussi valables) de la virtuosité outrancière. La musique est de bout en bout douce et attachante, une sorte de grande pastorale en somme, mais avec néanmoins quelques morceaux de bravoures. A noter que les adorateurs de récitatifs à rallonge vont être servit, on connaissait le goût de Jommelli pour ceux-ci, ici on atteint un paroxysme : la plupart dépensent aisément les dix minutes ...

 

i) Frieder Bernius D. Röschmann (s) M. Borst (ms)

M. Bach (s) W. Kendall (t)

N. Taylor (ct) Arno Raunig (sopraniste)

Stuttgarter Kammerorchester

 

En premier lieu remercions Bernius de son attachement au répertoire seria trop souvent négligé, ensuite saluons son travail exceptionnel. L’orchestre de Stuttgart, agrémenté de cuivres " naturels ", sonne à merveille, et la direction vivante, et hautement théâtrale que le chef leur impose semble leur convenir à merveille, en dépit des évidentes limites techniques qui çà et là émergent.

Le choix des solistes est tout aussi patent. Si on peut regretter le côté un peu empâté de Martina Borst, le timbre demeure beau et l’on prend plaisir à l’écouter. Le ténor William Kendall a la voix un peu charnu, mais il use de sa voix de fausset avec une exquise suavité, et la verve dont il fait preuve est remarquable. On ne peut malheureusement pas en dire autant du contre-ténor Daniel Taylor, si le timbre et la voix sont magnifiques, le tout reste un peu trop zéphyrien et manque passable de chair, on peut faire la même remarque d’ailleurs concernant Miss Bach. Le sopraniste Arno Raunig possède une voix quelque peu acidulé, et son unique air ne permet pas de fixer clairement les esprits. Le grand bonheur vient du rôle titre que Dorothea Röschmann magnifie à loisir, la voix est belle, l’expression juste, un délice.

Une œuvre rare, sans doute pas la plus représentative de l’œuvre de Jommelli, mais fort agréable, servit par une équipe des plus respectables.

 

Note : 15/20 Enregistrement : A

 

 

3) Veni Creator Spiritus

 

Ce gentil petit motet est vraiment des plus agréables, même si tout l’art du compositeur n’y ait pas mis totalement à profit. 

 

i) Florio Roberta Invernizzi (s)

 Coro Mysterium Vocis

Cappella De Turchini

 

Avouons le de suite : ce n’est pas vraiment transcendant, et l’on peut facilement vivre sans. Il n’en reste pas moins que cela est bien agréable ces huit petites minutes. Le choeur et l’orchestre sont tout à fait comme il faut, peut être un peu mou de ci de là ... Mais là où on exulte c’est pour cette petite soprano, déjà fort remarquée dans le Rodrigo de Händel par Curtis. Roberta Invernizzi est une voix, une vrai, aux aigus limpides, aux graves saisissants, au timbre charnu et cajoleur.

Le disque comporte d’autres oeuvres sacrées de Porpora et Sabatino, pas des chefs d’œuvre non plus, agréable sans plus (certaines lassent vite) ; et dont le principal (seul ?) intérêt réside dans l’interprétation de Melle Invernizzi. En somme, un récital plus ou moins voilé, qui nous laisse espérer que cette grande dame (car elle l’est définitivement) vienne vite à enregistrer des choses nettement plus captivante (pourquoi pas du Händel par exemple ?)

  

Note : 15/20 Enregistrement : A

 


Reinhard Keiser (1674 - 1739)


Croesus

 

Parmi ces grands oubliés de l’histoire, Keiser est à mettre en tête de liste, prolixe compositeur lyrique pour l’opéra de Hambourg, Keiser fut complètement oublié pendant près de deux siècles, à tort si on en croit les quelques chefs d’oeuvres que l’on redécouvre.

 

1) Croesus

 

Avouons le d’emblée, la renaissance d’un opéra baroque est toujours des plus attendues, et lorsque l’œuvre possède la qualité de celle-ci, l’on ne peut que regretter qu’il ait fallu tant de temps pour la voir à nouveau resurgir de l’oubli. Un petit chef d’œuvre, bourré d’ingéniosité, et d’inventivité, un régal de chaque instant, en un allemand baroquement rare.

 

i) René Jacobs D. Röschmann (s) Werner Güra (t) Roman Trekel (b)

Klaus Häger (b) J. Mannov (b) M. Schäfer (t)

S. Haller (s) K. Youn (b) G. Pushee (ct)

B. Eisenfeld (s) K. Azesberger (t) J Stojkovic (s)

RIAS Kammerchor & Knabensolisten Knabenchor Hannover

Akademie für Alte Musik Berlin

 

 

Distribution pléthorique, solistes magnifiques, orchestre mirifique, chef onirique. Point final. Rien de plus à dire. On économise l’encre et on vous dit de ne plus attendre, d’écouter les yeux fermés. Vous pensez que je bluffe, que ceci n’est que le préambule d’une longue et élogieuse critique, que neni. C’est beau, c’est grand, c’est Jacobs, cela virevolte, feu d’artifice à chaque note (pauvre clavecin qui en connaît des vertes et des pas mûres !) , les solistes sont excellents (à deux ou trois bémols). Voilà, bonne écoute !

 

Note : 20/20 Enregistrement : A

 


Gaetano Latilla (1711 - 1788)


Les compositeurs napolitains ont tout à être connu et celui-ci tout particulièrement.

 

1) La Finta Cameriera

 

" La fausse Servante " est, comme tout bon opéra napolitain de cette époque, une charmante comédie, où travestissement, déguisement, intrigue et autres complots amoureux se croisent à n’en plus finir, pour notre plus grande joie. La musique de Lattila est toujours pleine d’esprit, même dans la légèreté, et l’on ne s’ennuie guère ici, tant l’inventivité se combine à la vitalité.

 

i) Antonio Florio R. Invernizzi (s) C. Rizzone (s)

M. Ercolano (s) G. Di Vittorio (t)

N. R. Ermolli (ms) S. Di Fraia (t)

G. Naviglio (b) P. Thirion Vallet (b)

La Capella de’ Turchini

 

Mais quand vont-ils donc s’arrêter ? JAMAIS j’espère ! La bande à Florio a cela dans le sang, et mieux que quiconque ils sont capable d’enchaîner succès sur succès dans ce répertoire par trop méconnu. L’équipe est quasiment toujours la même, et d’une œuvre à l’autre la critique ne peut que se répéter, donc tel un grabataire je vais une nouvelle fois complimenter La Cappella aux belles sonorités, assez tranchantes néanmoins (très italiennes en fait), le chef à la direction toujours fort juste et à l’entrain communicatif ; et enfin les solistes.

Parmi ceux ci, je renouvellerais mon " affection " toute particulière pour le beau soprano de Roberta Invernizzi, que je ne cesserai de louer ; mais je féliciterais aussi tous les autres intervenants, tous méritants, qui nous offrent ici un très beau spectacle à découvrir impérativement.

 

Note : 18/20 Enregistrement : A 21/01/2001

 


Benedetto Marcello (1686 - 1739)


On connaît ce compositeur essentiellement pour ses sonates pour hautbois, pourtant il composa aussi nombre de musique sacrée et quelques opéras.

 

1) Arianna

 

Il s’agit là d’une sorte d’oratorio qui possède, comme la majorité de ses confrères italiens de la même époque, des arrières goûts certains d’opéras. La musique, si elle est loin d’égaler celle d’un Scarlatti, d’un Porpora, ou d’un Jommelli (ne parlons même pas d’un Händel italien) , n’en possède pas moins de belles qualités et des recherches de sonorités tout à fait intéressantes. Les effets sont peu nombreux mais savamment dosés, néanmoins il faut admettre que l’inspiration mélodique du maestro n’est pas de première main, et que beaucoup d’airs se suivent tout en se ressemblant ... A mi chemin entre un Bononcini et un Porpora en quelque sorte, avec la douceur de l’un et ses mélodies suaves, mais peu variées, et les belles idées (mais rares) de l’autre.

 

i) Filippo Maria Bressan A. Chierichetti (s) G. Banditelli (ms)

M. Guadagnini (t) S. Foresti (b)

Antonio Abete (b)

Athestis Chorus

Academia de li Musici

 

Un inconnu qui risque de devenir connu ... Je me félicitais tantôt des perles que l’école allemande était capable de nous offrir, c’était sans compter sur l’école italienne qui semble renaître de ses cendres petit à petit. La direction de Bressan est sûre et à l’écoute des moindres inflexions que la musique requiert, choisissant avec soin tempi et ordonnancement.

L’orchestre à la tête duquel le chef se trouve n’est certes pas le plus mirifique que l’on connaisse outre Alpes, mais les sonorités engagées sont belles, et tendres, tout ce qu’il faut pour cette musique. La virtuosité n’est pas trop leur fort, heureusement elle se trouve peu présente dans l’ouvrage. Le choeur ne possède malheureusement pas autant d’assurance que ses collègues instrumentistes. La couleur est belle, un brin trop mielleuse (surtout du côté des soprani) mais le manque d’engagement dont il fait preuve est à désespérer. Cela chante, assez bien, mais c’est loin d’être la joie de vivre ... On ne pousse pas trop sur les cordes vocales, et on fait en sorte d’obtenir un joli son (on dirait du Gardiner, le punch en moins ...)

Les solistes ne sont pas des " têtes d’affiches ", en dehors de la déjà fort remarquée Gloria Banditelli, qui ne s’en sort pas qu’avec des honneurs ici, mais ils sont tous fort bien en voix, et plus engagés que leurs confrères. Le soprane possède un timbre un peu vert, mais la voix est belle et très fraîche, assez haut perchée. Les deux basses, dont Antonio Abete déjà remarqué par son absence d’enthousiasme dans " il primo Omicidio " de Scarlatti sous la direction de Jacobs), sont fort en voix, un peu ronchonnant mais fort à propos, et d’un engagement certain. Engagement que la mezzo ne partage que fort épisodiquement, en dépit de ses qualités indéniables, à la différence du ténor qui lui semble se donner corps et âme à la musique, en dépit de moyens assez aléatoires.

Une belle découverte au final que cette " pièce en musique ", desservit somme toute de manière fort agréable, et qui mérite que l’on s’y attarde.

 

Note : 14/20 Enregistrement : A-

 


Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711 - 1772)

 


Titon et l’Aurore

  Les grands Motets : Dominus Regnavit-In Exitu Israel-De Profundis

 

1) Titon et l’Aurore

 

" Pastorale héroïque ", ainsi est désignée cette œuvre ... plus pastorale qu’héroïque ? Pas sûr, car ce ne sont pas les morceaux de bravoures qui manquent dans ses pages d’une incroyable fraîcheur, et qui font tant penser à du Rameau, certes le côté pastoral est là, mais il donne tant envie d’aller gambader avec les moutons !

  

i) Minkowski J-P. Fouchécourt (hc) : Titon C. Napoli (s) : L’Aurore

P. Huttenlocher (b) J. Smtih (s)

Q. Monoyios (s)

Ensemble Vocal Françoise Herr

Les Musiciens du Louvre

 

 La musique baroque française représente à mon goût un véritable défi : soit l’on a affaire à une totale réussite, soit un total désastre, les entre-deux sont rares. Ici c’est précisément du premier cas que l’on traite. Une victoire sans appel.

Les solistes sont grandioses, pas simplement excellents, non: grandioses. Les sopranos sont d’une grâce, d’une délicatesse, sauf Jennifer Smith démoniaque à souhait, elle en donne des frissons dans le dos (écoutez la fin du deuxième acte). Si on peut regretter un peu le côté bougon de monsieur Huttenlocher, on appréciera la malice qu’il engage dans chacune de ses phrases. Et monsieur Fouchécourt : en haut, tout en haut ... A dream ! Minkowski toujours égale à lui même insuffle la vie dans chaque mesure, et on regrette une prise de son live (avec un public de Reims un peu froid) qui couvre le choeur excellent, et prive l’orchestre de toute son ampleur .

Sautez dessus, laissez-vous bercer, laissez vous frissonner, embarquez dans le navire, et vogue la galère, cela vaut le voyage.

 

 Note : 19/20 Enregistrement : B

 

 

2) Les grands Motets : Dominus Regnavit-In Exitu Israel-De Profundis

 

Voici trois petits chefs d’oeuvres, surtout les deux premiers, et particulièrement le second, qui démontrent une nouvelle fois que Mondonville n’est pas un compositeur " mineur " comme on peut bien trop souvent le penser. Ce n’est pas parce qu’un compositeur est inconnu (ou quasi) que sa musique est sans intérêt ! Ces petites compositions sont truffées de beaux ensembles et de beaux airs, In Exitu Israel est en outre particulièrement inventif et n’est pas sans rappeler par certains côtés le Dixit Dominus de Händel.

 

i) William Christie Sophie Daneman (s) M. Wieczorek (s)

Paul Agnew (t) François Piolino (t)

M. Koningsberger (b) F. Bazola (b)

Les Arts Florissants

 

Le plus français des chefs américains, décidément Christie se vaut bien de cette appellation tant il est vrai que sa contribution à la redécouverte du baroque français est loin d’être négligeable. La baguette du chef est parfaitement adéquate à ce type de musique, où la langueur et la préciosité sont quand même les maîtres mots (deux qualificatifs qui sied idéalement à Christie).

Les solistes sont dans l’ensemble d’une tenue idéale avec un petit bémol pour la basse Koningsberger légèrement molle, et un dièse aux deux ténors (spécialement Agnew) particulièrement en voix. Les Arts Flo sont toujours dans ce répertoire de très bonne compagnie, le choeur déjoue chaque piège posé avec soin par le compositeur, et l’orchestre nous livre ses merveilleuses couleurs.

L’un des meilleurs enregistrement de Christie, pas moins.

 

Note : 17/20 Enregistrement :A 14/02/2001

 


Henry Purcell (1659 - 1695)


1) Hail, Bright Cecilia !

 

L’une des odes les plus connues de Purcell, et une des plus appréciés, sans doute parce qu’étant le plus brillante. L’écriture qui fait appel à une orchestration luxuriante, incluant trompettes et une partie de timbales obligée, est d’une grande richesse, laissant une belle place à l’intervention des solistes, et faisant montre d’une grande inventivité (" Wondrous machine ", entre autres). Cette ode écrite pour la fête de la sainte Cécile en 1692 est la plus aboutie des odes composées par le compositeur en pareil occasion.

 

i) McCreesh T. Wilson (ct) C. Daniels (t) M. LeBrocq (t)

J. Podger (t) P. Harvey (b) C. Purves (b)

K. H. Jones (s)

Gabrieli Consort & Players

 

L’art de la violence, voilà comment on pourrait qualifier le travail de Paul McCreesh. Dans la digne lignée d’Harnoncourt, avec de meilleurs choix concernant ses solistes, et un instrumentarium au son moins rugueux que son prédécesseur, le chef anglais illumine de sa présence les enregistrements qu’il réalise.

Les divers choix en matière de tempis, d’ornements, de style, sont généralement des plus heureux ; avec cette verve que les habitués du chef autrichien sus cité connaissait déjà. Les mouvements vifs sont allant, trop diront certains, que l’on se demande comment les musiciens suivent avec une telle précision cette frénésie imposait par le chef pour notre plus grand bonheur. Les passages lents ne sont pas " saccagés " mais aussi bien rendus qu’il le soit possible.

Les divers solistes sont tous fort méritoires, avec une petite réserve pour Charles Daniels dont la nasalité de certaines notes se révèle assez gênante et les vocalises pas toujours bien placées. L’orchestre est d’une envoûtante beauté, les solistes instrumentaux sont tous prodigieux de virtuosité et de maintien.

L’interprétation que nous livre ici McCreesh est proche de la perfection, avec ce zeste de pétulance que l'on lui connaît.

 

Note : 19/20 Enregistrement : A

 


Nicola Porpora (1686 - 1768)

 


Porpora fut le professeur du célèbre castrat Broschi : Farinelli, mais aussi du jeune Josef Haydn. Il fut aussi un compositeur d’opéra très prolixe, engagé dans la " guerre " avec l’Opera of the Nobility contre la Royal Academy of Music de Händel, il ne s’en retourna pas en Italie sans avoir perdu quelques plumes, et sans tache sur sa notoriété. Pourtant la musique de Porpora est loin d’être secondaire, et quelques traits de génie apparaissent sporadiquement. Il y a des joutes qui ne sont guère prolifiques ...

 

1) Il Gedeone

 

Il s’agit ici d’un oratorio, pas un comme ceux de Händel, mais pas non plus un comme ceux de Scarlatti. En fait, il s’agit plus du concept d’opéra sacré déjà lancé par le Caro Sassone à l’occasion de sa Ressurezione. Le sujet est religieux, mais le traitement est typiquement seria. Les airs sont d’une grande variété, d’une richesse d’écriture débordante, et abondamment ornementés, en particulier ceux destinés à Oreb d’une virtuosité déconcertante.

 

i) Haselbock: Kai Wessel (ct) :Gedeon Ulf Bästlein (b) : Ioas

Henning Voss (ct) : Fara L. Perillo (s) : Sichemi

Jörg Waschinski (sopraniste) : Oreb Johannes Chum (t) : Silve

 Vokalensemble Nova

Wiener Akademie

 

On commence enfin à déterrer des choses intéressantes des bibliothèques, malheureusement on doit s’en remettre à des personnes pas toujours très fréquentables pour ce genre de démarches, les " grands " chefs préférant visiblement les plats réchauffés (des fois au micro-ondes ...) à la nourriture fraîche ... Pas très gastronomique tout cela. Ici, nous avons un gastronome, un vrai, mais en lieu et place de la Tour d’Argent, son budget ne lui permet que chez Maurice (le troquet du coin ...).

L’orchestre sonne vraiment chichement, et pas très baroque à vrai dire (Instruments anciens ? La trompette sonne bien haut ...), mais bon, on s’en contentera, surtout que dans l’ensemble on joue convenablement. Les tempi sont bien choisis (à une ou deux exceptions près) et les solistes sont corrects. On saluera tout particulièrement les prestations de la soprano et du ténor (à suivre de près), et l’on pourra s’attarder sur celle du sopraniste Waschinski à la voix un peu étriquée et fluette, mais à qui échoit les airs les plus virtuoses (et " casse gueule ", passez moi l’expression) de toute la partition ; et qui s’en tire ma foi avec les honneurs. Les deux choeurs qui clôturent chacun des actes sont par contre d’un intérêt nul, et les intervenants insignifiants, passons ...

En attendant que des " grands " s’intéresse de plus près au répertoire d’opéras de ce compositeur, contentons nous de ces amuses gueules ... bien appétissant quand même.

 

Note : 14/20 Enregistrement : A 

 

 


Jean-Philippe Rameau (1683-1764)

 

Digne successeur de Lully, Rameau est sans nul doute le véritable inventeur de l’opéra français moderne, bien plus que Glück qui ne fit qu’accélérer le mouvement. Avec Rameau, qui fut un temps au cœur de la " Querelle des Bouffons ", l’opéra a pris ses lettres de noblesse, renvoyant au placard les " pièces " en musique de son prédécesseur, et donnant à l’opéra français digne de ce nom.


Platée

Les Boréades

Hippolyte et Aricie

Dardanus

 

1) Platée

 

Platée, ou la franche rigolade, aurait put être le sous titre de ce ballet bouffon, plus bouffon que ballet ; un humour fin et délicat, tout en subtilité, ce qui le rend encore plus croustillant ; et une musique d’une inventivité constante, idéale pour le sujet abordé, d’une richesse harmonique inouï, un délice impérissable : écouter le choeur des grenouilles ! Comme les amours de cette nymphe nous font sourire, ne sont-ils pas le reflet des nôtres ? L’œuvre est sans doute la plus drôle de toutes les compositions de Rameau, et l’une des plus méritoires. Bien sûr il ne s’agit pas là d’une tragédie lyrique, la musique y est volubile, légère, rien à voir avec des oeuvres telle Castor et Pollux, ou Dardanus, beaucoup plus sérieuse dans leur facture. Ici, tout est fait pour flatter l’oreille et distraire . Alors asseyez vous, savourez ce spectacle, riez de bon cœur, oubliez vos tracas : Platée est là, elle vous y invite, suivez là !

 

i) Minkowski Gilles Ragon (t) : Platée

Jennifer Smith (s) : Thalie, la folie

Guy de Mey (t) : Thespis V. Le Texier (br) : Jupiter

G. Laurens (s) : Junon Bernard Delétré (b) : Cithéron

Véronique Gens (s) : L’Amour M. Vershaeve (b) : Momus

Ensemble vocal F. Herr

Les Musiciens Du Louvre

 

Minkowski et Rameau, un mariage réussit, surtout ici, où la vitalité du chef français est décuplée par ces pages follement drôles et entraînantes. L’orchestre répond merveilleusement, comme à son habitude, aux moindres caprices de son fondateur, caprices multiples tant la musique s’y prête si bien. L’interprétation est idéale. L’affiche est fameuse, et nous comble pleinement. Mention spéciale à la Folie de J. Smith, malicieuse à souhait, et à notre grenouille Gilles Ragon, qui caractérise son personnage à merveille.

Aucune réserve : une perfection !

 

Notes : 20/20 Enregistrement : A

  

2) Les Boréades

 

i) Gardiner J. Smith (s) : Alphise Anne Marie Rodde (s) : Sémire

P. Langridge (t) : Abaris John Aler (t) : Calisis

J-P Lafont (br) : Borée G. Cachemaille (b) : Borillée

F. Leroux (br) : Adamas S. Varcoe (br) : Apollon Etc.

Monteverdi Choir

English Baroque Soloist

 

Gardiner et les compositeurs français, on pourrait disserter des heures sur les choix musicologiques du chef anglais, des fois fort judicieux, d’autres fois fort discutables, lorsque ce n’est pas fort catastrophiques. Heureusement dans le présent cas, le choix est remarquable d’intelligence.

La direction du chef et le choix de ses tempi sont quasi parfaits, on ne regrettera qu’une petite lassitude dans les dialogues chantés, un léger manque de théâtralité. L’orchestre est excellent, le choeur toujours aussi méritoire, nul doute parmi les meilleurs au monde, si ce n’est le meilleur.

La distribution est de haute volée, mais les français y sont rares ! Un comble. Détail. Car si le français n’est pas toujours de première main, nul ici ne fait de faux pas, et l’on chante fort bien. On ne regrettera que le choix de certains type de voix : les ténors sont plus de type rossinien que de type baroque français. Là encore un détail.

L’esprit est là, toute la verve de Rameau, toute son inventivité, tout son génie, tout Rameau en somme. Un interprétation de qualité, un des plus beaux disques consacré jusqu'à aujourd’hui au grand maître du baroque en France.

 

Note : 17/20 Enregistrement : A-

 

 

3) Hippolyte et Aricie

 

Voici l’un des prototypes même d’une " Tragédie en musique ", comme Rameau en composa quelques unes. Celle-ci est de toute beauté, il faut dire qu’elle offre de nombreuses pages de circonstances : scène de démons, de chasse, d’amour, de tempête ... tout ce qui peut motiver un compositeur. Et Rameau a sut profiter de chacune de ses occasions pour mettre en avant tout son génie créatif.

 

i) Marc Minkowski V. Gens (s) JP Fouchécourt (t)

B. Fink (ms) R. Smythe (b)

C. Massis (s) L. Naouri (b)

Ensemble Vocal Sagittarius

Les Musiciens du Louvre

 

On connaît les affinités du chef avec la musique de Rameau, et l’on attendait beaucoup de cette interprétation, les espoirs ne sont en fait qua partiellement comblés. En écoutant cette ouvrage sans aucun autre point de comparaison on serait vite amené à conclure à une réussite flamboyante, pourtant les défauts sont multiples, et l’existence justement d’un point de comparaison (l’enregistrement de quelques mois postérieurs par Christie) nous confirme dans cette voie d’insatisfaction.

Minkowski est réputé pour son impétuosité et sa fougue, tout ceci est confirmé ici, sauf là où on l’attendait : la scène des démons est bien pâle ... et l’on ne frémit guère à écouter ses " démonettes " d’opérettes. Même le Pluton de Naouri n’y fait rien, anémié par une direction précise, mais guère enjouée ... Pourtant ailleurs tout danse, les choeurs, les intermèdes, tout bondis avec audace et fugacité. Mais là ... plouf ! L’orchestre est limpide comme le cristal, d’une précision absolue, au son un peu chiche néanmoins (manque d’effectifs ?) mais très beau. Les chanteurs sont plus problématiques.

L’Aricie de Véronique Gens est bien belle, mais peu engagée, tout comme d’ailleurs le Thésée de Russel Smythe, bien palot. Jean-Paul Fouchécourt nous prouve une nouvelle fois ses splendides talents, et confirme sa place de premier haute-contre de France. La Phèdre de Bernarda Fink est magnifique de présence, et compense largement l’impression de légèreté que nous offre Annick Massis, fort belle, mais un peu " ailleurs ". Tout semble parfait, mais voilà, en dehors de notre Hippolyte et d’un Dieu (i.e Pluton Naouri) peu épaulé, tout ce joli monde ne semble guère s’entendre avec Rameau ... jusqu'à Minkowski qui semble " décrocher " de temps en temps ...

Une belle couverture, une belle devanture, de jolies couleurs, et un bel habillage, ne fait pas pour autant un bon contenu ... plein de bonnes intentions, pas d’ennui réel, mais comme je le dis souvent ... l’enfer est pavé de bonnes intentions ... et ici, c’est justement l’enfer qui en aurait mérité encore plus !

 

Note : 16/20 Enregistrement : A (Live)

 

 

ii) William Christie AM Panzarella (s) Mark Padmore (t)

L. Hunt (ms) L. Naouri (b)

Nathan Berg (b)

Les Arts Florissants

 

Christie et Rameau, une grande histoire d’amour ... Et voilà ce qui fait la différence avec Minkowski, l’américain (maintenant naturalisé français) connaît son Rameau comme sa poche, et cela s’entends. Certes, on s’agite moins que chez l’autre, on est moins " excité ", plus posé, les choeurs sont moins " vitaminés " de même que les danses et autres intermèdes, mais cela respire plus, cela sonne plus naturel, plus " Rameau ". Et comme pour son collègue, c’est là qu’on l’attendait le moins que l’on trouve Christie : sa scène des Démons fait froid dans le dos. Méprise ? Nous aurait-on inversé les chefs ? Car voilà, cela saute, bondit, déchire l’air comme du Minkowski, et c’est du Christie ! Etrange, étrange ...

Outre cette scène nettement mieux réussit, les chanteurs dans l’ensemble sont plus sensibles à l’art ramélien que leurs compatriotes. Si on excepte la timide Aricie de Anne Maria Panzarella, et l’Hippolyte au français difficile de Mark Padmore, mais très touchant, peut être plus que Fouchécourt, moins aérien, plus humain ; les autres sont de niveau vocal égal. D’abord la Phèdre de Lorraine Hunt, au difficulté technique évidente, mais ayant plus de " cran " et de rage que sa collègue chez Minlowski. Nathan Berg incarne un dieu plein de sang, à la voix un peu " engluée " mais débordant de vie. Enfin Naouri tient un de ses rôles en or : il influe à Thésée toute l’aristocratie qui se doit, et son maintien est exemplaire. On l’aimait bien en Pluton, peut être aurait-il encore été mieux ici, mais dans ce rôle ci, c’est grandiose (sa plainte sur Pirithoüs nous arracherait les larmes). Les autres rôles sont de valeur égale à l’enregistrement précédent. A noter, que l’un et l’autre chef n’ont pas enregistré la même version de l’ouvrage, et quelques différences (pour l’essentiel de l’orchestration) existes de l’une à l’autre.

Du Rameau, du grand, du beau, superbement desservit, peut être pas assez énergique, un peu trop élégiaque, mais grandiose, assurément.

 

Note : 17/20 Enregistrement : A

 

 

4) Dardanus

 

Il s’agit ici d’une des quatre tragédies lyriques composées par Rameau, sans atteindre la portée d’Hippolyte et Aricie, ou la grandeur des Boréades, Dardanus n’en reste pas moins du meilleur Rameau avec des passages d’une beauté incontestable. Les danses nombreuses qui émaillent la partition contrastent habillement de part leur entrain avec le ton général de l’ouvrage. Démons et autres diableries sont moins nombreux ici qu’ailleurs, mais l’ensemble ne se laisse pas facilement oublier.

 

 

i) Marc Minkowski John Mark Ainsley (t) Véronique Gens (s)

Laurent Naouri (b) M. Delunsch (s)

Etc.

Choeur et Orchestre des Musiciens du Louvre

 

Et qui c’est qui nous réserve encore une fois une heureuse surprise ? Toujours le même ! Minkowski a enfin rendu justice à cette partition par trop méconnue, ou dénaturée. Certes, il y avait la version Leppard (transcrite & Co), et les danses enregistrées par Gardiner, puis McGegan (deux belles réalisations par ailleurs). Mais voici enfin l’opéra intégralement " écoutable ". Comme à son ordinaire, ce qui frappe en premier, c’est la direction vitaminée du chef français. Toujours accompagné par un choeur et un orchestre excellemment engagés dans la musique qu’ils défendent.

Ce qui a changé depuis l’Hyppolithe, c’est sans doute la " respiration " ramélienne que le chef ne possédait pas encore totalement (dans le cadre de la tragédie lyrique entendons nous, sa Platée étant indispensable pour tout ramiste tant la perfection s’en dégageait). La musique prend plus ses aises ici, et le chef ne cède plus à la tentation de la maximisation systématique de tous les effets, le propos est plus nuancé. La musique y gagne assurément.

Côté solistes, la brochette est des plus appétissantes. Commençons par ces dames, on découvre une Véronique Gens en grande forme, au timbre bien rond, dans un rôle à sa mesure, après s’être perdue un peu à droite et à gauche tantôt. Mireille Delunsch n’est pas toujours très sûre dans ses vocalises, l’aigu est un peu rêche, mais sa prestation est des plus méritoires (quoique l’on ne peut s’empêcher à Jennifer Smith la remplaçant ...). Ne parlons pas de l’apparition fugitive de celle que l’on veut nous faire passer pour la nouvelle star du chant baroque : Kozena, la voix est pâteuse dans le grave, étriquée dans l’aigu, et la prononciation un peu trop ronde, le timbre est beau, la tenue aussi, attendons ... cela s’améliore.

Côté hommes, tombons en pâmoisons. Naouri est grandiose, comme dans tout son Rameau, timbre, tenue, phrasé, prestance ... Premier contact pour le ténor anglais John Mark Ainsley du répertoire baroque français, et heureux contact ... L’on connaît la prestance naturelle du ténor (sans doute le meilleur à ce jour) l’on ne pouvait craindre qu’à une prononciation hésitante voire fantaisiste, il n’en ait rien, les mots coulent naturellement, et l’on ne peut sentir que très occasionnellement une petite rudesse dans l’articulation de tel ou tel mot. Un Dardanus comme lui, c’est à pleurer de bonheur. Les autres intervenants sont des plus recommandables et ne souffrent aucune critique.

Tient-on là LA version ? Sans doute pas, ne serait-ce pour les divers arrangements effectués par le chef, et précisés dans un texte de présentation. Il s’agit donc d’UN Dardanus, et une sacré belle bête, assurément !

 

Note : 18/20 Enregistrement : A (Live)

 

 


Georg Philip Telemann (1681 - 1767)


Wasser Music

Hamburger Admiralitätsmusick 1723

Die Donner-Ode

 

Ce fut l’un des amis de Händel, et le plus grand défenseur de sa musique en Allemagne, allant jusqu'à traduire certains des opéras du caro sassone pour leur permettre d’être monté là bas. Ce fut aussi lui même un compositeur très prolixe, et extrêmement inventif, dont l’on redécouvre avec peine sa musique.

 

1) Ouverture in C major " Hamburger Ebb’ und Fluth " TWV 55 :C3 : Wasser Music

 

C’est à l’instar des célèbres Water Music de son compatriote que Telemann composa ses musiques pour jeux d’eau, à l’occasion de fêtes données à Hambourg. L’ouvrage du maître ne ressemble pourtant en rien à la composition de l’anglais. L’on a affaire ici à une suite de danses symbolisant divers tableaux, munies d’une orchestration traditionnelle. L’inventivité rythmique est ce qui domine ses pages au plus haut point divertissante qui ne cherche pas les grands effets, le côté grandiose que l’on connaît à l’autre ouvrage éponyme.

 

i) Wolfgang Helbich BarockOrchester Bremen

 

Que nous réservent donc les allemands, cachés dans les sombres recoins de la SchwarzWald ? Car voilà, cet inconnu de Brême est une baguette à retenir, au plus vite ! La direction de Helbich est en tout point exemplaire, trouvant les tempi et le juste ton pour ces pages enjouées. A la fois leste, habile, la battue du chef est aussi d’une grande sûreté, exploitant au maximum les capacités de son orchestre, et misant beaucoup sur les couleurs toutes particulières de celui ci.

Un orchestre aux sonorités à la fois légèrement rêches (qui nous fait penser au Concentus Musicus) et particulièrement suaves, d’une très belle tenue, et au phrasé reconnaissable d’entrée. L’école allemande nous réserve encore de belles surprises, assurément.

Un enregistrement de très grande classe que l’on a là, avec tout le brio, le panache, la gaieté, l’enjouement, mais aussi la retenue qu’il convient à cette œuvre. Une belle réussite.

 

Note : 16/20 Enregistrement : A

 

 

2) Hamburger Admiralitätsmusick 1723

 

Il s’agit de l’un des nombreux " oratorios " composés par le maître allemand à l’occasion de cérémonies officielles. Le présent ouvrage ne diffère guère des autres oeuvres du maestro de Hambourg, on y redécouvre avec joie l’entrain, l’inventivité et la vitalité du compositeur, ainsi que sa constante recherche de sonorités nouvelles (l’air de ténor avec hautbois et basson " In der Börse " est un pur petit chef d’œuvre de ce point de vue là). Une œuvre rare qui ne fait que confirmer le génie de son géniteur.

 

i) Wolfgang Helbich M. Van der Sluis (s) Graham Pushee (ct)

Rufus Müller (t) Klaus Mertens (b)

David Thomas (b) Michael Shopper (b)

Alsfelder Vokalensemble

BarockOrchester Bremen

 

On savait tout l’entrain que ce chef allemand pouvait mettre dans la musique de son compatriote avec les splendides Wassermusik qu’il nous avait offert, et ce n’est non sans bonheur que l’on le retrouve ici dans un ouvrage vocal. La direction de Helbich est toujours toute en contraste, pleine d’entrain et de vitalité, mais aussi d’une certaine grandeur lorsqu’il s’agit de mener les choeurs mastodontesques.

L’orchestre est toujours aussi aguicheur par ses sonorités " étranges ", et légèrement âpre, qui conviennent à merveille à l’écriture haute en couleur de la partition. Le choeur, s’il ne brille pas par son homogénéité et son beau son, n’en demeure pas moins bien chantant et fait preuve d’un certain engagement, en dépit de soprano à l’aigu par toujours très judicieux.

Le chef s’est entouré de plus d’une belle palette de solistes. Müller n’est pas dans une forme des plus exceptionnelles, mais cela passe sans trop de dégâts, il en est de même de la soprane et du contre-ténor. Côté basses, nous avons du beau linge, même si tous ne sont pas eux non plus dans leur plus grande forme : l’excellissime Michael Schopper avec sa voix chaude et suave, Klaus Mertens, un peu en retrait et malheureusement quelconque, et enfin David Thomas, le " vétéran ", qui en dépit de son engagement total et absolu (peut être le plus engagé de tous), montre les limites de son organe et son inadéquation avec la langue de Goethe.

On l’aura compris, il ne s’agit pas de LA référence, mais il s’agit quand même d’un enregistrement particulièrement tentant, à l’accomplissement certain en dépit des quelques faiblesses de part et d’autres.

 

Note : 15/20 Enregistrement : A

 

 

3) Die Donner-Ode

 

L'ode de la Foudre ... a-t-on besoin de clarifier les choses ? Telemann signe ici une nouvelle page tonitruante, riche en couleurs, et d'une rare vivacité. Cette ode fut composé à la suite du tremblement de terre qui ébranla Lisbonne en 1755, et en est le parfait représentant musical ! Airs et chœurs s'enchaînent avec un désarmant naturel, tant les notes semblent se connaître et se reconnaître. Une des plus belles odes du compositeur.

 

i) Richard Hickox P. Kwella (s) Catherine Tucker (ms)

Mark Tucker (t) Michael George (b)

Stephen Roberts (b)

Collegium Musicum 90

 

Choeur excellent, chef toujours aussi dynamique, à la baguette d'une prestance magistrale, pour des pages qui le sont tout autant . Que reprocher alors ? Peut être le choix un peu malheureux concernant quelques solistes. Miss Denley est un brin gentil, Tucker un brin vert, et Roberts un brin dépassé ... Dommage car l'on avait sans doute là une des plus magnifiques interprétations imaginables, avec un Collegium Musicum aux sonorités toujours aussi enchanteresses, renforcé pour l'occasion par un chœur en tout point mirifique. Et Hickox, toujours ce brave anglais, prêt à nous dénicher quelques raretés ou revisitant avec toujours beaucoup de bonheur des pages plus connues ; Hickox le touche à tout, autant à l'aise dans le baroque que dans le répertoire contemporain ; Hickox à qui l'on doit déjà beaucoup, et espérons le, à qui l'on devra encore plus !

 

Note : 17/20 Enregistrement : A 21/05/01

 

 

 


Leonardo Vinci (1690 - 1722)

 


Ce compositeur napolitain s’est d’abord illustré dans la commedia per musica avant de s’attaquer assez tardivement au seria. De lui on ne connaît en fait que fort peu de chose, ce qui bien dommage pour un compositeur si fécond en mélodies guillerettes.

 

1) Li Zite ‘Ngaleria

 

Nous avons là une succulente comédie musicale, faîte tout en finesse, et en petites mélodies des plus agréables. Ajouter à cela le délicieux dialecte napolitain, et soyez conscient de passer un agréable moment.

 

i) Antonio Florio R. Invernizzi (s) Emmanuela Gali (s) M. Ercolano (s)

Roberta Andalo (s) D. Del Monaco (a) G. De Vittorio (t)

Etc.

Cappella de Turchini

 

Soyons reconnaissant au travail de Antonio Florio, ressortant des oubliettes quelques pages des plus agréables qui soient ; pas indispensable dira-t-on, certes, mais quand même bien jolie, trop pour rester dans l’ombre. La distribution pléthorique que le chef a réunit est une vrai équipe, et cela s’entends, tous sont bien en ton et chantent de la plus belle manière. Mention spéciale néanmoins à la magnifique Roberta Invernizzi, à la voix à la fois fine et corsée. Chapeau bas aussi pour la contralto Daniela del Monaco, et au baryton Giuseppe Naviglio au timbre des plus agréables.

L’orchestre de la Cappella aurait gagnée en voyant son effectif gonflé, mais l’ensemble sonne assez bien, et met particulièrement en valeur la riche inventivité de la partition (cf la Turquerie).

Bien agréable que tout cela, on ne s’exalte pas (ne rêvons pas, ce n’est pas un chef d’œuvre) mais l’on passe un très bon moment en très bonne compagnie.

 

Note : 16/20 Enregistrement : A

 


Antonio Vivaldi (1678 - 1741)

 


Le prêtre roux, symbole de la musique vénitienne, et de l’exubérance italienne.

 

Récital Cécilia Bartoli

Ottone in Villa

Tito Manlio

Les 4 Saisons

Montezuma

La Gloria & Imeneo

Orlando Furioso

 

1) Ottone in Villa

 

Les opéras de Vivaldi n’attire guère les chefs et les chanteurs, quel dommage ! Les oeuvres sont pléthores et personne n’est là pour nous en faire part ... Et pourtant que de beautés encore insoupçonnées se cachent dans ses pages. Ottone in Villa fait partie des exemples les plus représentatifs de l’œuvre scénique de Vivaldi. Les voix hautes y ont une belle part, comme dans beaucoup de seria, mais ici particulièrement : 3 sopranos, une mezzo, et un ténor. L’opéra est à la jonction entre l’opéra typiquement vénitien (dont Monteverdi avait solidement établit les bases) et l’opéra seria instauré par Zeno ; et est emprunt de la si typique marque de fabrique vilvaldienne où les cordes prennent une importance toute particulière.

 

i) Richard Hickox : Susan Gritton (s) : Cleonilla Monica Groop (ms) : Ottone

Nancy Argenta (s) : Caio Mark Padmore (t) : Decio

Sophie Daneman (s) : Tullia

 

Collegium Musicum 90

 

On connaissait Hickox beaucoup plus virulent, mais certes pas très italien. La fougue, l’énergie, que le chef sait d’ordinaire si diligemment prodiguer, semble être ici muée en une vaine agitation, très réjouissante, mais guère prolifique ; heureusement, comme à son habitude, il a su bien s’entourer.

D’abord par un orchestre particulièrement brillant, aux sonorités des plus séduisantes, et aux qualités des plus évidentes (les cordes en premier lieu). Ensuite par des solistes tous de haute tenue. Les sopranos, si on excepte l’insipide Sophie Daneman, sont remarquables de sensibilité et de beau chant, en cela Miss Argenta signe ici l’un de ses plus beau rôle. Le ténor, en dépit du petit nombre de ses numéros, sait marquer notre âme par un esprit fort à propos et un timbre toujours des plus séducteurs. Notons la splendide performance de Monica Groop, qui campe un Ottone tout de chair et de sang.

L’ensemble reste de premier plan, même si on aurait pu espérer plus de la part d’un chef qui nous a si souvent émerveillé ; mais tous ne peuvent pas avoir d’affinité avec la musique italienne (même certains italiens n’en ont pas, c’est pour dire !).

 

Note : 15/20 Enregistrement : A

 

 

2) Récital Cécilia Bartoli : The Vivaldi Album

i) Giovanni Antonini Arnold Schönberg Chor

Il Giardino Armonico

 

Un ami me disait tantôt ne pas vouloir acheter encore un récital (i.e. une compilation) de plus, et qu’il préférerait attendre que la cantatrice enregistre un opéra de Vivaldi en entier.

Bien mal lui en prend, car ce récital là risque d’entrer dans la légende, et être l’un des disques de l’année 99, si ce n’est de toute la fin du XX° siècle. Certes, c’est un récital, avec six premières mondiales au disque quand même , mais les airs sont si bien choisi, et leur agencement si intelligent ... Il y a des airs de bravoures, certes, mais aussi de splendides airs emplit de délicatesse, et des trouvailles si ingénues qui mettent en avant tout le génie de Vivaldi, et montre une nouvelle fois que se limiter aux Quatre Saisons est une hérésie à combattre impitoyablement.

Bartoli est souveraine sur une terre qui lui semble être faite sienne. Les airs de bravoures n’ont jamais sembler si acrobatiques (et pourtant si faciles pour la mezzo), et les airs plus intimistes trouvent le parfait écho en sa voix sensuelle. Une parfaite réussite que l’accompagnement de l’ensemble italien ne fait que sublimer, eux si familier du répertoire du roux compositeur.

Un régal !

 

Note : 20/20 Enregistrement : A

 

 

3) Tito Manlio

 

Un des rares opéra séria que l’on ait dénié enregistré du grand maître de Venise. Il nous montre cependant combien on a gagner à s’y intéresser de plus près. C’est bourré de trouvailles, d’inventivité, mais aussi de récitatifs longs comme le bras ... Sur une œuvre de près de 4 heures ... on ne s’ennuie pourtant pas (en coupant les secco, naturellement, sinon ...) et l’on est surpris que même après tant de musique, on peut être agréablement surpris au coin d’un air.

 

i) Vittorio Negri G. Luccardi (b) R. Wagemann (ms)

J. Hamari (s) M. Marshall (ms)

K. Trimarchi (b) C. H. Ahnsjö (t)

Kammerorchester Berlin

 

Le style est un peu passé, l’enregistrement date de 1977, et cela s’entend ! Ne parlons pas de style baroque, à l’époque tout cela n’était qu’à l’état de balbutiement, on commençait seulement à redécouvrir Bach, et Händel, sous un jour nouveau ; pour Vivaldi il faudrait encore attendre. Mais, soyons heureux, car c’est Negri qui conduit, et là, c’est vraiment une chance.

Car si le style ni est pas (encore), si le son semble un peu rêche, et brillant (le clavecin dominateur ...) le ton y est, l’ivresse aussi. On aurait aimé plus d’animation, plus de fougue dans ce Vivaldi là, mais c’est déjà pas mal. On se cambrera plus du côté des solistes. Si les basses sont plus ou moins correctes, seul le ténor semble vraiment impliqué dans ce qu’il chante. Et du côté des femmes, c’est plutôt la mort du petit cheval. En dehors de Mme Fischer-Dieskau, à savoir Julia Hamari, les autres sont à oublier, et vite ...

Pour l’époque (pas si lointaine que cela si on y réfléchit bien) c’est génial, mais maintenant, avec les " redécouvertes " que l’on a faite, cela en devient vraiment pitoyable, bien, mais navrant si on imagine ce que des Giardino Armonico, ou un Hogwood, pourraient faire avec cela !

 

Note : 13/20 Enregistrement : A

 

 

4) Les 4 Saisons

 

Tellement rabâchée de ci et de là que cela en est presque devenue de la musique d’ascenseur ! Et pourtant, que de richesse dans ces quatre concerti, quelle inventivité, quelle vitalité, quelle jeunesse !

 

i) Giovanni Antonini Enrico Onofri : Violon

Il Giardino Armonico

 

Hors norme. Voilà comment on pourrait qualifier ces saisons ci. A la fois hyper vitaminées et parfaitement dépouillées, la grande réussite du Giardino c’est bien de nous offrir là des Saisons inédites, minute après minute nous faisans redécouvrir une partition par trop connue, et pourtant si mystérieuse.

L’on redécouvre donc avec une joie non dissimulée ce Printemps rafraîchissant, cet Eté tumultueux, cet Automne venteux et cet Hiver glaçant. Les sonorités de l’orchestre sont simplement magnifique, et particulièrement mises en valeur par la direction à la fois leste, tendre, et énergique du chef italien. Le violon d’Enrico Onofri ne connaît nulle défaillance, et c’est un véritable feu d’artifice que l’on écoute ici.

Loin de la tradition, cet enregistrement nous fait découvrir l’œuvre de Vivaldi sous un jour neuf, décrassant nos oreilles. Certes, beaucoup n’apprécierons pas cette vision ci de l’œuvre préférant les choses plus linéaires, moins détaillantes, de la plupart des " classiques " ; mais ils auraient bien tort de ne pas prêter une oreille attentive à cette version ci, l’une des plus innovante à défaut d’être la meilleure.

 

Note : 19/20 Enregistrement : A

 

 

5) Montezuma

 

L’opéra original faisant parti des ouvrages perdus, à notre grand regret, il s’agit ici en fait d’un pasticcio concocté par l’ami Malgoire, à partir d’autres opéras du prêtre roux et de cantates.

 

i) Jean-Claude Malgoire Dominique Visse (ct) D. Borst (s)

I. Poulenard (s) N. Rivenq (b)

Brigitte Balleys (ms) Luis Masson (b)

La Grande écurie et la Chambre du Roy

 

Je n’aime guère Malgoire lorsque celui ci s’attaque à la production lyrique, inutile de cacher cet à priori défavorable, mais là, je dois l’admettre, outre son travail musicologique de reconstruction, le chef se surpasse. Loin d’être " à côté de la plaque ", comme pour ses Händel par exemple, Malgoire sauve les meubles avec tact, discipline, mais n’exagérons pas : pas beaucoup de panache.

Sa direction est plus vivante qu’ailleurs, et ses chanteurs mieux chantant, mais l’on peut aisément rêver mieux. Les tempi sont dans l’ensemble corrects, même si le chef est plus à l’aise dans un adagio molto (très molto) que dans un vivace, et si les allegri se suivent et se ressemblent comme autant de clones métronomiques, allegri pas très allègres au demeurant. Mais bon, c’est correct, sans plus, mais c’est déjà pas mal !

Côté orchestre, on ne pourra qu’une nouvelle fois regretter l’impression de petitesse que l’Ecurie nous offre, alors que l’instrumentarium est des plus honorables avec de belles couleurs de cordes, et un basson fort volubile, on ne dira rien des cors, peu mis en avant par le manque d’élan de la direction du chef.

Parlons donc des chanteurs, et là on a quelques bonnes surprises. D’abord le rôle titre confié à un Visse téméraire comme jamais auparavant, certes les rôles héroïques ne sont pas fait pour lui, mais le brave homme s’en tire avec les palmes. Les deux soprani ont des voix assez proches et toutes deux sont des plus agréables à écouter, en dépit des faiblesses de virtuosité de part et d’autre (moins notable chez Poulenard cependant, dont le premier air, adapté de l’opéra Griselda " Agitata da due venti ", est redoutable.). Nicolas Rivenq, que l’on savait fort belle voix, nous confirme aussi ses capacités baroques dans des airs vocalisant avec entrain ; vocalises que Luis Masson ne possèdent plus, peinant pour chacun de ses airs. La mezzo B. Balleys est capable de tout, du bon comme du mauvais, mais elle défend vaillament sa partie, en dépit de ses limites techniques évidentes.

L’ensemble reste donc d’une facture honnête, ni trop ni trop peu, un bon compromis en somme entre le Parnasse et le Tartare ...

 

Note : 12/20 Enregistrement : A-

 

 

6) La Gloria & Imeneo

 

Cette cantate du célèbre vénitien fut écrite pour une commande officielle : le mariage de Louis XY et Marie Leszczinska. Vivaldi à Paris ? Que neni, il ne quitta pas la Sérénissime, puisque l’ouvrage était en fait destiné à être exécuté lors d’une fête donné par l’ambassadeur de France en cette occasion. L’ouvrage se veut, comme de bien entendu, extrêmement allégorique, et comporte pour l’essentiel des airs emprunts d’une grande gaieté. Un divertissement qui se veut des plus agréables, et qui aurait sans doute plut au brave Louis s’il l’avait entendu, nous, assurément, nous sommes conquis.

 

i) Jean Estournet Jean Nirouët (ct) Robert Expert (ct)

Ensemble Jean Marie Leclair

 

Une agréable découverte que cette cantate (dont on connaît un autre enregistrement entièrement féminin) à la distribution toute masculine. L’ensemble JML n’est peut être pas le meilleur orchestre baroque qui soit, mais il est de fort belle tenue et ses sonorités sont loin d’être fâcheuses, sous la baguette aguerrie de Jean Estournet visiblement très à l’aise avec Vivaldi. Les airs succèdent au récitatifs, et s’enchaînent sans heurts. On regrettera peut être un peu l’uniformisation de l’ouvrage, et le manque de vitalité de ci de là qui aurait été des bienvenus, le drame est ailleurs, ici l’on s’attache plus au côté pastoral. Ce petit regret exprimé, nous n’avons que des éloges, en particulier pour les deux contre-ténors qui se complètent parfaitement.

L’un comme l’autre sont parfaitement à l’aise dans ce répertoire et font preuve d’une belle inventivité tout en finesse en ce qui à trait au da capo. Les voix sont agréables, et bien différenciées. On préférera suivant l’envie le timbre légèrement éthéré de Jean Nirouët à celui un peu plus rêche, mais tout aussi enthousiasmant, de Robert Expert, mais tous deux nous ravissent au plus haut point.

Ce n’est pas LA référence mais c’est du très joli travail.

 

Note : 15/20 Enregistrement : A

 

7) Orlando Furioso

 

 Sans doute l’un des opéras les plus attendus du célèbre vénitien !

 

  1. Jean Christophe Spinosi Marie Nicole Lemieux (ms)

Jennifer Larmore (ms) Veronica Cangemi (s) Philippe Jaroussky (ct)

Lorenzo Regazzo (b) Ann Hallenberg (ms) Blandine Staskiewicz (ms)

Ensemble Matheus

 

Avouons le tout de suite, cela fait quelques années que l’on attendait que quelqu’un reprenne le flambeau de " la " Horne et nous livre une intégrale digne de ce nom de cet opéra que Scimone nous avait fait découvrir naguère, mais qu’en dehors de l’extraordinaire abattage de Marylin, on avait totalement oublié (ou presque) .

Chose est enfin faite donc avec Spinosi. A l’origine on attendait la splendide Stutzmann dans le rôle titre mais pour d’obscures raisons ce fut finalement Marie-Nicole Lemieux qui reprit les rennes. Au concert (en 2003 au Théâtre des Champs Elysées) on était resté dubitatif : en dehors d’un entrain certain à jouer la comédie (sans hésiter à en rajouter une bonne couche par ailleurs) la mezzo canadienne semblait en petite forme et bien mal à l’aise face à ses airs colossaux (l’ombre de Marylin planait dans nos oreilles !) tant et si bien que le " Nel profondo " sonnait plus comme un " excelsis deo ". Au disque, ouf, tout va beaucoup mieux. Certes, j’avoue que l’idée d’entendre Stutzmann là dedans m’aurait plus réjoui, mais bon … ne faisons pas la fine bouche. Ici donc, Lemieux fait beaucoup mieux ! Sans être l’idéal, la mezzo s’en tire ma foi fort bien !

Et ceci résume en fait toute la troupe ! Tous s’en tirent " fort bien ", sans être particulière exceptionnel. Mention particulière quand même à Hallenberg qui nous charme décidément de plus en plus, et à l’éternelle divine Jennifer qui dès son premier air nous plonge dans la pamoison.

Spinosi a la baguette leste et preste, et connais bien son Vivaldi, un petit bonheur.

 

Note : 17/20 Enregistrement : A (24 novembre 2004)

 

 

 

 

NB : Les notes font état de la qualité de l’interprétation, non de l’intérêt de l’œuvre (chacun étant libre d’en juger).   

 

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